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04/02/2005 | FRANCE | N°263267

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 04 février 2005, 263267


Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 18 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de la SCI l'Isard, les arrêtés du maire de SAINT-BON-TARENTAISE en date des 3 novem

bre 1999 et 22 octobre 2001 délivrant à M. X... un permis de construire ...

Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 18 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de la SCI l'Isard, les arrêtés du maire de SAINT-BON-TARENTAISE en date des 3 novembre 1999 et 22 octobre 2001 délivrant à M. X... un permis de construire et un permis modificatif ;

2°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de la SCI l'Isard le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la COMMUNE DE SAINT-BON- TARENTAISE, de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. Denis X... et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SCI l'Isard,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

Considérant que le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement en date du 22 janvier 2003, annulé le permis de construire délivré le 3 novembre 1999 par le maire de SAINT-BON-TARENTAISE à M. X... et autorisant celui-ci à reconstruire un chalet sur un terrain lui appartenant, ainsi, par voie de conséquence, que le permis modificatif délivré le 22 octobre 2001 ; que, pour annuler le permis de construire en date du 3 novembre 1999, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le double motif tiré, d'une part, de ce que celui-ci avait été délivré à la faveur de dispositions de l'article UD 15 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune elle-mêmes entachées d'illégalité au regard de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de ce que le projet autorisé ne constituait pas, en tout état de cause, une reconstruction au sens de l'article UD 15 ; que la cour administrative d'appel de Lyon, pour rejeter la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, a estimé que le moyen tiré par la commune de ce que l'article UD 15 avait fait une exacte application de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme et de ce que, par suite, le tribunal administratif n'avait pu sans erreur de droit juger qu'il était entaché d'illégalité n'apparaissait pas, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier tant la réformation du jugement attaqué que le rejet de la demande d'annulation accueillie par ce jugement ; que la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu'il ressort des prescriptions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, que, lorsqu'un plan d'occupation des sols fixe un ou plusieurs coefficients d'occupation des sols en application des dispositions du 4° de cet article, il ne peut autoriser le dépassement de ce ou ces coefficients que dans les cas prévus soit au 5° dudit article, en vertu duquel le plan d'occupation des sols peut délimiter les zones ou parties de zones dans lesquelles la reconstruction sur place ou l'aménagement de bâtiments existants pourra, pour des motifs d'urbanisme ou d'architecture, être imposé ou autorisé avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, nonobstant les règles fixées au 4° ... , soit à l'antépénultième alinéa du même article, aux termes duquel les règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination, leur nature, leur aspect extérieur, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords peuvent prévoir des normes de construction différentes de celles qui résultent de l'application du coefficient d'occupation des sols, soit en raison des prescriptions d'urbanisme ou d'architecture, soit en raison de l'existence de projets tendant à renforcer la capacité des équipements collectifs ;

Considérant qu'aux termes de l'article UD 15 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE, dans sa rédaction alors applicable : Des dépassements du COS fixé à l'article UD 14 pourront être admis pour les aménagements d'hôtels existants, pour les bâtiments publics et pour la reconstruction ou la réhabilitation de bâtiments existants dans le but de leur amélioration architecturale./ Il sera notamment autorisé un dépassement du COS lors du passage en toit à deux pans des bâtiments existants sous réserve de l'application du paragraphe 5 de l'article UD 10./ En toutes hypothèses, ce dépassement ne pourra générer la création de plus d'un niveau entier de SHON supplémentaire du bâtiment concerné./Toutefois, dans le cas de réhabilitation ou de reconstruction de bâtiments comportant déjà une toiture à deux pans, le dépassement lié à l'amélioration architecturale ne pourra excéder 10 % de la SHON générée par le COS ou de la SHON existante avant travaux ;

Considérant qu'il résulte des termes du quatrième alinéa de cet article, sur le fondement duquel a été délivré à M. X... le permis de construire litigieux, qu'il autorise un dépassement du coefficient d'occupation des sols dans le cas de reconstruction ou de réhabilitation des bâtiments comportant déjà une toiture à deux pans, à la condition que cette reconstruction ou cette réhabilitation ait en vue leur amélioration architecturale ; qu'il comporte ainsi des prescriptions d'architecture au sens de l'antépénultième alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;

Considérant, dès lors, qu'en estimant que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le tribunal administratif en jugeant que l'article UD 15 méconnaissait l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ne paraissait pas, en l'état de l'instruction, et en l'absence d'édiction de prescription d'urbanisme précise, sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de sursis engagée ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Grenoble, en jugeant que l'article UD 15 du règlement du plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE méconnaissait l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, a commis une erreur de droit doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme sérieux ;

Considérant, en outre, que doit être également regardé comme sérieux, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le second motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble pour annuler le permis de construire litigieux est lui aussi entaché d'erreur de droit ; qu'en effet le jugement attaqué a assimilé la notion de reconstruction, telle qu'elle figure à l'article UD 15 du règlement du plan d'occupation des sols, pris en application de l'antépénultième alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, à celle de reconstruction sur place, au sens du 5° de l'article L. 123-1, alors qu'il ne résulte pas dudit règlement que ses auteurs aient eu l'intention de procéder à une telle assimilation ;

Considérant, enfin, que si la SCI l'Isard a invoqué au soutien de sa demande d'annulation du permis de construire délivré à M. X... des moyens tirés de ce que le chalet autorisé par le permis de construire litigieux ne pouvait être assimilé à une reconstruction et n'apportait pas d'amélioration architecturale, de ce que le permis méconnaît les dispositions des articles UD 4, UD 5, UD 6, UD 7 et UD 10 du règlement du plan d'occupation des sols, de ce que la surface hors oeuvre nette excède de plus de 10 % la surface autorisée et enfin de ce que le permis est entaché de détournement de pouvoir, aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, fondé ; qu'ainsi les moyens invoqués par la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE paraissent de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la SCI l'Isard au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI l'ISARD le versement à la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE de la somme que celle-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 18 décembre 2003 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.

Article 2 : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 janvier 2003 jusqu'à ce que la cour administrative d'appel de Lyon ait statué sur la requête d'appel de la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE.

Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE SAINT-BON-TARENTAISE et de la SCI l'Isard tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT BON TARENTAISE, à la SCI L'Isard, à M. X... et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 263267
Date de la décision : 04/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2005, n° 263267
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : RICARD ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:263267.20050204
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