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07/02/2005 | FRANCE | N°264266

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 07 février 2005, 264266


Vu la requête sommaire et les mémoires ampliatifs, enregistrés les 6 février, 7 juin et 16 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM. Pierre-Marie, Pierre-André, Jérôme, Hervé X et Mlle Florence X, demeurant ... et pour M. Alexandre X, demeurant ... ; les consorts X demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 27 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande diri

gée contre la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du ...

Vu la requête sommaire et les mémoires ampliatifs, enregistrés les 6 février, 7 juin et 16 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM. Pierre-Marie, Pierre-André, Jérôme, Hervé X et Mlle Florence X, demeurant ... et pour M. Alexandre X, demeurant ... ; les consorts X demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 27 octobre 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande dirigée contre la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 12 mai 1997 rejetant leur demande d'adjonction à leur nom de celui de de Quinemont ;

2°) de condamner l'Etat à leur payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment son article 61 ;

Vu le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat des consorts X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision en date du 12 mai 1997, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté les demandes de M. X et de ses enfants tendant à être autorisés à ajouter à leur patronyme le nom de de Quinemont , aux motifs que les intéressés n'établissaient pas leur priorité à relever ce nom, non plus que l'extinction de celui-ci ; que, par un jugement du 27 octobre 2000, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ; que M. X et ses enfants se pourvoient contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui a rejeté leur appel contre ce jugement ; que, contrairement à ce que soutient le garde des sceaux, ministre de la justice, les requérants ne peuvent être réputés s'être désistés de leur requête, dès lors que le mémoire ampliatif, annoncé dans la requête introductive enregistrée le 6 février 2004, a été adressé par télécopie au Conseil d'Etat le 7 février 2004 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom./ La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré./ Le changement de nom est autorisé par décret ; que ces dispositions ne subordonnent pas le relèvement d'un nom en voie d'extinction à la condition que le demandeur soit le plus proche descendant ou le plus proche collatéral de la personne dont il demande à relever le nom ou, si tel n'est pas le cas, que les plus proches descendants ou collatéraux aient donné leur accord à ce changement ; que c'est seulement lorsqu'elle est saisie de demandes concurrentes, ou d'oppositions au changement demandé que l'autorité administrative peut, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, prendre en compte un tel critère pour accorder ou refuser le relèvement demandé ; qu'ainsi, en retenant que le garde des sceaux, ministre de la justice, avait pu légalement se fonder, alors qu'il n'était saisi d'aucune demande concurrente ni d'aucune opposition au changement sollicité, sur ce que M. X et ses enfants n'établissaient pas leur priorité à relever le nom de de Quinemont pour rejeter leurs demandes, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que les requérants sont, par suite, fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif tiré de ce que les consorts X n'établissaient pas leur priorité à relever le nom demandé est entaché d'erreur de droit ; que, toutefois, le garde des sceaux, ministre de la justice s'est également fondé, pour rejeter les demandes des consorts X sur un second motif tiré de l'absence de preuve de la réalité de l'extinction alléguée ; qu'il ressort de l'instruction que sa décision n'aurait pas été différente s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif ;

Considérant, d'une part, que les requérants soutiennent, sans être contredits, que seuls les membres de leur famille étaient susceptibles de porter le nom de de Quinemont ; que, d'autre part, pour revendiquer ce nom, M. X fait valoir qu'il est l'arrière-petit-fils de Marie-Thérèse Petit de Vauzelles, née de Quinemont, mère de sa grand-mère maternelle ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des documents généalogiques et des déclarations de succession et de mutation après décès fournis par les requérants que ni les frères de Marie-Thérèse de Quinemont, ni ses collatéraux, ni ceux de son père n'ont eu de descendance susceptible de porter aujourd'hui le nom revendiqué ; que, dès lors, en estimant que les consorts X n'établissaient pas que le nom qu'ils revendiquaient était éteint, le garde des sceaux, ministre de la justice a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'ainsi, la décision du 12 mai 1997, fondée sur deux motifs erronés, est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mai 1997 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leurs demandes de changement de nom ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser aux consorts X la somme de 3 000 euros au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 4 décembre 2003 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2000 sont annulés.

Article 2 : La décision du 12 mai 1997 du garde des sceaux, ministre de la justice, rejetant la demande de M. X et de ses enfants tendant à adjoindre à leur nom celui de de Quinemont est annulée.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X et à ses enfants la somme de 3 000 euros.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre-Marie X, à M. Pierre-André X, à M. Jérôme X, à M. Hervé X, à Mlle Florence X, à M. Alexandre X et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264266
Date de la décision : 07/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 2005, n° 264266
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264266.20050207
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