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09/02/2005 | FRANCE | N°250920

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 09 février 2005, 250920


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 octobre 2002 et 10 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA NOIROT-MANUTENTION, dont le siège est BP 6 à Neuilly-L'Evêque (52360) ; la SA NOIROT-MANUTENTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 10 novembre 1998 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments

d'impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exe...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 octobre 2002 et 10 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA NOIROT-MANUTENTION, dont le siège est BP 6 à Neuilly-L'Evêque (52360) ; la SA NOIROT-MANUTENTION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 8 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 10 novembre 1998 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 ;

2°) de prononcer la décharge des droits et pénalités en cause ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA NOIROT-MANUTENTION,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 50 p. 100 de l'excédent des dépenses de recherche par rapport à la moyenne des dépenses de même nature, revalorisées de la hausse des prix à la consommation, exposées au cours des deux années précédentes ; qu'en application de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code, sont considérées comme opérations de recherche scientifique et technique, outre les activités ayant un caractère de recherche fondamentale et celle ayant un caractère de recherche appliquée, celles ayant le caractère de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ; qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de redressement, être vérifiée par des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie ;

Considérant que la SA NOIROT-MANUTENTION, qui fabrique des appareils de manutention, a bénéficié au cours des exercices clos en 1990, 1991 et 1992, d'un crédit d'impôt pour ses dépenses liées à quatorze projets identifiés par elle, en application de l'article 244 quater B précité du code général des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité intervenue en 1993 et portant sur ces exercices, l'administration fiscale a estimé que les projets développés au cours de ces années n'entraient pas dans les prévisions de l'article précité du code général des impôts et de l'article 49 septies F précité de l'annexe III à ce code et a remis en cause ce crédit d'impôt pour les exercices en cause ; que par un jugement en date du 10 novembre 1998 et par un arrêt en date du 8 août 2002, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la cour administrative d'appel de Nancy ont rejeté ses requêtes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'en jugeant qu'il incombait à la société requérante d'apporter la preuve qu'elle remplissait les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts, alors que ce constat doit être fait par le juge de l'impôt au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis du ministère de la recherche sur la qualification des projets de l'entreprise pour lesquels elle avait bénéficié du crédit d'impôt recherche, n'a été sollicité par l'administration qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que, dès lors, la société ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance qu'il n'avait pas été produit avant le redressement lequel n'a pu se fonder sur cet avis postérieur à sa notification ; que l'administration n'était, par suite, pas tenue de produire cet avis ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales qu'une notification de redressement est suffisamment motivée dès lors qu'elle indique la nature et le montant des redressements envisagés et comporte, chef par chef, des indications suffisantes quant aux motifs de ces redressements pour permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'en l'espèce, la notification de redressement, qui se réfère aux dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code, indique année par année les montants en cause et précise que les projets de recherche dont justifie la société pour l'inscription des dépenses correspondantes en crédit d'impôt, résultent d'une simple application du savoir existant dans l'entreprise et que celle-ci n'a fait qu'utiliser les techniques existantes auxquelles elle avait déjà accès ; qu'en outre, l'administration fiscale a procédé, en réponse aux observations du contribuable, à une motivation au regard de chacun des projets en cause, dans sa décision de rejet en date du 30 juin 1994 ; qu'ainsi la notification de redressement qui était suffisamment motivée en droit et en fait et permettait à son destinataire d'engager utilement le débat contradictoire, répond aux exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que, pour apprécier la déductibilité des dépenses en cause au titre du crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que ces opérations consistent, en l'espèce, à perfectionner des matériels existants ou à en développer des fonctionnalités particulières ; qu'aucun des projets de recherche invoqués par la société n'a été suivi du dépôt d'un brevet ; que les machines ayant fait l'objet des perfectionnements en cause ont toutes été livrées à leur utilisateur ; que les machines ou véhicules fabriqués et adaptés par la SA NOIROT-MANUTENTION l'étaient dans le cadre de l'activité normale de cette entreprise qui consiste à fabriquer des machines outils pour des applications industrielles et agricoles ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il s'agit d'améliorations non substantielles de techniques déjà existantes ; que la SA NOIROT-MANUTENTION n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1990, 1991 et 1992 ;

Sur les conclusions de la SA NOIROT-MANUTENTION terndant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SA NOIROT-MANUTENTION au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 8 août 2002 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : La requête de la SA NOIROT-MANUTENTION devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA NOIROT-MANUTENTION devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA NOIROT-MANUTENTION et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 250920
Date de la décision : 09/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - CALCUL DE L'IMPÔT - CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (ART - 244 QUATER B DU CGI) - RESPECT DES CONDITIONS POSÉES AU BÉNÉFICE DE CETTE MESURE - RÉGIME DE LA PREUVE OBJECTIVE [RJ1].

19-04-02-01-08 Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - PREUVE - CHARGE DE LA PREUVE - CONTRIBUTIONS ET TAXES - CONTENTIEUX D'ASSIETTE - CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE (ART - 244 QUATER B DU CGI) - RESPECT DES CONDITIONS POSÉES AU BÉNÉFICE DE CETTE MESURE - RÉGIME DE LA PREUVE OBJECTIVE [RJ1].

54-04-04 Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.


Références :

[RJ1]

Cf. 21 décembre 2001, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Société Labesque V.I., p. 658 ;

Rappr., notamment, 26 février 2003, Société Pierre de Reynal et compagnie, T. p. 768.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 fév. 2005, n° 250920
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:250920.20050209
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