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18/02/2005 | FRANCE | N°258079

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 18 février 2005, 258079


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la conve

ntion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 août 2002, de la décision du 21 août 2002 du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que les documents produits par M. X, qui comportent pour l'essentiel quelques quittances de loyer d'hôtel, au demeurant d'authenticité douteuse, des relevés bancaires et des attestations signées par des proches, ne suffisent pas à établir la réalité et la continuité de son séjour en France pour la période comprise entre 1992 et 1997 ; qu'il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier qu'à la date du 3 décembre 2002, M. X résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur les dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est entré en France en 1988 et y réside avec son épouse et ses trois enfants, dont deux sont scolarisés sur le territoire national, et que trois de ses frères et deux de ses soeurs résident en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. X, du fait qu'il a gardé des attaches familiales au Maroc où réside son père et de la circonstance que son épouse est elle-même en situation irrégulière, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 3 décembre 2002, qui ne met pas les époux et leurs enfants dans l'impossibilité de mener une vie familiale normale dans leur pays d'origine, n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître le 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 décembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 13 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à M. Mohamed X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 fév. 2005, n° 258079
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 18/02/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 258079
Numéro NOR : CETATEXT000008230782 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-02-18;258079 ?
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