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09/03/2005 | FRANCE | N°253458

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 09 mars 2005, 253458


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CGEA-ONYX, dont le siège est 3, avenue Théodore Drouet au Port (97450), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE CGEA-ONYX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 7 juillet 1999 rejetant la demande de M. Gilbert X tendant à l'annulation de la déc

ision de l'inspecteur du travail des transports de la Réunion du 7 mai ...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE CGEA-ONYX, dont le siège est 3, avenue Théodore Drouet au Port (97450), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE CGEA-ONYX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 21 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 7 juillet 1999 rejetant la demande de M. Gilbert X tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail des transports de la Réunion du 7 mai 1998 autorisant son licenciement et la décision du ministre de l'équipement du 2 novembre 1998 confirmant cette autorisation, et d'autre part, annulé ces deux décisions ;

2°) statuant au fond, de rejeter l'appel de M. X ;

3°) de mettre à la charge de M. X le paiement de la somme de 3 050 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE CGEA-ONYX et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, délégué syndical dans l'établissement de la SOCIETE CGEA-ONYX situé à Saint-Louis de la Réunion, a été condamné par jugement du 15 décembre 1997 du tribunal d'instance de Saint-Pierre pour propos diffamatoires tenus publiquement à l'encontre du secrétaire général régional du syndicat CFDT ainsi que du directeur régional de la société ; qu'ayant eu connaissance de ce jugement, le directeur de l'établissement de Saint-Louis, M. , a engagé une procédure de licenciement à l'encontre de M. X, salarié protégé, qui a été convoqué à un entretien préalable le 22 avril 1998 ; que par décision du 7 mai 1998, l'inspecteur du travail des transports a autorisé le licenciement demandé, son accord ayant été confirmé par une décision du 2 novembre 1998 du ministre chargé de l'équipement ; que M. X a saisi le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion d'une demande tendant à l'annulation de cette décision du ministre, en faisant valoir que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement plus de deux mois après avoir eu connaissance des faits litigieux, en violation de l'article L. 122 ;44 du code du travail, lequel prévoit qu' aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au ;delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (…) ; que, par un jugement en date du 7 juillet 1999, le tribunal administratif a rejeté cette demande ; que la SOCIETE CGEA-ONYX se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 novembre 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et les décisions de l'inspecteur du travail des transports et du ministre chargé de l'équipement ;

Considérant qu'en jugeant que la société requérante n'apportait aucun élément de nature à mettre en cause le caractère probant de la copie du jugement du 15 décembre 1997 portant le tampon de l'entreprise avec mention de la date du 15 janvier 1998 et la signature d'un de ses cadres et que l'attestation d'un cadre de l'entreprise, selon laquelle ce dernier aurait demandé en février 1998 au délégué syndical CFDT de lui transmettre une copie du jugement du tribunal d'instance, ne permettait pas de considérer qu'une copie de ce jugement n'aurait pas déjà été transmise par ce délégué à l'employeur à la mi ;janvier 1998, la cour a suffisamment motivé son arrêt, en réponse à l'argumentation en défense de la SOCIETE CGEA-ONYX ;

Considérant que l'employeur, au sens de l'article L. 122-44 précité, doit être entendu comme pouvant être non seulement le représentant légal de l'entreprise investi du pouvoir disciplinaire mais également le représentant de ce dernier ayant qualité pour prendre l'initiative d'une action disciplinaire ; qu'en jugeant que, dès lors que le directeur de l'établissement, supérieur hiérarchique direct de M. X, était informé du jugement ayant fondé le licenciement, l'employeur devait à la même date être regardé comme informé, au sens de l'article L. 122-44 du code du travail, la cour, qui n'avait pas à rechercher si la personne investie du pouvoir de prononcer le licenciement avait été informée à la même date, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le licenciement de M. X avait pour seul motif les faits mentionnés par le jugement du 15 décembre 1997 ; que dès lors qu'elle regardait comme établie la connaissance de ce jugement par l'employeur le 16 janvier 1998, la cour a, par là-même, constaté que ce dernier avait connaissance pleine et entière des faits à l'origine du licenciement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur avait une connaissance pleine et entière des faits le 16 janvier 1998, la cour aurait commis une erreur de droit, ne peut qu'être écarté ;

Considérant que c'est par une appréciation souveraine des faits, exempte de toute dénaturation, que la cour a jugé que la société requérante n'avait apporté aucun élément de nature à mettre en cause le caractère probant de la copie du jugement du 15 décembre 1997 communiquée à l'entreprise à la mi-janvier 1998, après avoir relevé que l'existence de cette copie était corroborée par quatorze attestations de salariés de l'entreprise confirmant l'affichage de ce document sur le panneau d'affichage syndical et par une attestation du délégué syndical CFDT, lequel affirmait avoir procédé à cet affichage et avoir notifié cette copie à l'employeur ; que c'est également sans dénaturer les faits de l'espèce que la cour a souverainement estimé que le fait qu'un cadre de l'entreprise ait attesté avoir demandé à la fin du mois de février 1998 au délégué syndical CFDT de lui transmettre une copie du jugement du 15 décembre 1997 ne permettait pas d'en déduire qu'une telle copie n'avait pas été déjà portée à la connaissance de l'employeur par le même délégué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CGEA-ONYX n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que demande la SOCIETE CGEA-ONYX au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE CGEA-ONYX la somme de 4 000 euros que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE CGEA-ONYX est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE CGEA-ONYX versera à M. X la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CGEA-ONYX, à M. Gilbert X et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 253458
Date de la décision : 09/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 TRAVAIL ET EMPLOI. - LICENCIEMENTS. - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION. - LICENCIEMENT POUR FAUTE. - TARDIVETÉ DE LA MESURE DISCIPLINAIRE (ART. L. 122-44, 1ER AL. DU CODE DU TRAVAIL) - CONNAISSANCE DU FAIT FAUTIF PAR L'EMPLOYEUR - NOTION D'EMPLOYEUR [RJ1].

66-07-01-04-02 Peut être regardé comme l'employeur, au sens et pour l'application du premier alinéa de l'article L. 122-44 du code du travail, non seulement le représentant légal de l'entreprise investi du pouvoir disciplinaire mais également tout représentant de ce dernier qui aurait qualité pour prendre l'initiative d'une action disciplinaire à l'égard du salarié fautif.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. soc., 30 avril 1997, SA Jean-Louis Scherrer c/ Clerc.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 mar. 2005, n° 253458
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Marc El Nouchi
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP GATINEAU ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:253458.20050309
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