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10/03/2005 | FRANCE | N°278035

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 10 mars 2005, 278035


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, dont le siège est ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner à Mme B de lui verser la somme de 60 000 euros en application de la décision du Conseil des marchés financiers en date du 17 décembre 2002 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati

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il soutient que la mesure sollicitée est utile ; qu'en effet, la soci...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, dont le siège est ... ; il demande au juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner à Mme B de lui verser la somme de 60 000 euros en application de la décision du Conseil des marchés financiers en date du 17 décembre 2002 ;

2°) de mettre à la charge de Mme B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la mesure sollicitée est utile ; qu'en effet, la société « ODB EQUITIES » dont Mme B était l'une des directrices, avait adhéré au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS en application de l'article L. 322-1 du code monétaire et financier ; que la sanction pécuniaire mise à la charge de Mme B lui revient en vertu des dispositions de l'article L. 622-17 de ce même code, dans sa version issue de la loi de modernisation des activités financières du 2 juillet 1996 ; que Mme B n'a pas spontanément procédé au versement de la somme due au titre de la décision du 17 décembre 2002 ; qu'il n'a pas la qualité pour procéder à son recouvrement forcé ; qu'eu égard au risque de voir Mme B organiser les conditions de son insolvabilité, la condition d'urgence doit être considérée comme remplie ; qu'en outre, ayant obtenu du président du Tribunal de grande instance de Nanterre l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à Mme B, il a l'obligation, en vertu de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992, d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois suivant l'inscription ; que celle-ci a eu lieu le 7 février 2005 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2005, présenté pour Madame B ; elle tend au rejet de la requête et à ce que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la requête est irrecevable ; que le président du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, faute de justifier d'une habilitation régulière, n'a pas qualité pour agir ; que la mesure sollicitée n'est pas utile ; qu'en effet, l'arrêt du 27 octobre 2004 par lequel le Conseil d'Etat a rejeté le recours formé par Mme B contre la décision du Conseil des marchés financiers, constitue un titre exécutoire ; qu'il revient à l'Autorité des marchés financiers, qui s'est substituée au Conseil des marchés financiers, de recouvrer les sommes dues au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS sur le fondement de cet arrêt ; que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS n'aurait été fondé à demander la mesure sollicitée que suite au refus de l'Autorité des marchés financiers de faire exécuter l'arrêt du Conseil d'Etat ; qu'eu égard au comportement du requérant qui, d'une part, n'a jamais sollicité de mesures de recouvrement auprès de l'Autorité des marchés financiers et, d'autre part, a tardé à introduire son recours, la condition d'urgence ne peut être considérée comme remplie ; qu'en outre, l'argument tiré de la procédure diligentée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre est inopérant dès lors que Mme B n'envisage pas de se soustraire à sa condamnation et qu'il incombe à la seule Autorité des marchés financiers d'assurer l'exécution de l'arrêt du 27 octobre 2004 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 mars 2005, présenté par le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS ; il reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que le président du directoire du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, qui dispose d'une habilitation régulière, a qualité pour agir ; que l'arrêt du 27 octobre 2004 ne constitue pas un titre exécutoire permettant le recouvrement forcé de la sanction pécuniaire ; qu'il a intérêt et qualité pour agir devant le juge des référés afin d'obtenir la mesure sollicitée ; que le référé constituant la seule voie envisageable pour donner force exécutoire aux décisions de l'Autorité des marchés financiers, la condition d'urgence doit être appréciée moins strictement ; qu'en tout état de cause, la soi-disant tardiveté de son recours ne tient qu'à l'appel interjeté par Mme B contre la décision du 17 décembre 2002 ; que la procédure diligentée par le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS devant le tribunal de grande instance de Nanterre suffit à caractériser l'urgence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS et, d'autre part, Mme B ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 mars 2005 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS ;

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B ;

- Mme B ;

Considérant que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, personne morale de droit privé instituée par la loi du 25 juin 1999, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de faire injonction à Mme B de lui verser la somme de 60 000 euros correspondant à la sanction pécuniaire qui lui a été infligée par une décision du Conseil des marchés financiers en date du 17 décembre 2002 ; qu'en effet, l'alinéa 3 de l'article L. 622-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit que les sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil des marchés financiers « sont versées au Fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public. » ; qu'il n'est pas contesté que la société ODB EQUITIES, entreprise d'investissement dont Mme B était l'un des directeurs, était affiliée au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme B :

Considérant qu'en vertu de l'article 1.4- 2, f) du règlement intérieur du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS modifié par le conseil de surveillance dans sa séance du 22 juin 2000, approuvé par la décision n° 2000-01 du comité de la réglementation bancaire et financière en date du 6 septembre 2000, homologué par arrêté du ministre chargé de l'économie du 18 septembre 2000 publié au Journal officiel de la République française le 20 octobre 2000 : « le président du directoire représente le Fonds de garantie à l'égard des tiers. Il peut ester en justice tant en défense qu'en demande … » ; que par suite, le président du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS a régulièrement engagé l'action de celui-ci devant le juge des référés au Conseil d'Etat ; que sa requête est recevable ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative » ;

Considérant d'une part, que par une décision du 27 octobre 2004, le Conseil d'Etat a rejeté la requête de Mme B tendant à l'annulation de la décision au Conseil des marchés financiers lui infligeant notamment une sanction pécuniaire de 60 000 euros ; qu'à la suite de cette décision, Mme B n'a pas procédé au versement de cette somme au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS ; que, de surcroît, ce dernier a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre d'une demande tendant à ce qu'une hypothèque judiciaire provisoire soit inscrite sur le bien immobilier dont Mme B est copropriétaire ; que, par une ordonnance du 4 février 2005, il a été fait droit à cette demande à la condition, posée à peine de caducité, que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS introduise, dans le mois suivant l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire, une procédure ou accomplisse les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'ainsi, la condition d'urgence est remplie ;

Considérant d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 622-17 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, qu'il appartient au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, et non pas, comme le soutient Mme B, à l'Autorité des marchés financiers qui s'est substituée au Conseil des marchés financiers en vertu de la loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière, de procéder au recouvrement de la somme à laquelle Mme B a été condamnée ; qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires lui permettant de poursuivre l'exécution forcée du paiement de ces sanctions, le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, personne morale de droit privé chargée de la mission de service public de recouvrer les sanctions prononcées par le Conseil des marchés financiers, peut demander au juge des référés du Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort pour connaître d'une demande qui se rattache à l'exécution d'une décision relevant de la compétence directe du Conseil d'Etat, de prendre une décision, revêtue de la formule exécutoire, ordonnant à la personne qui a fait l'objet d'une sanction pécuniaire par le Conseil des marchés financiers, le versement des sommes dues ;

Considérant, enfin, que la circonstance que Mme B ait confirmé lors de l'audience sa ferme intention de s'acquitter du paiement de la somme à laquelle elle a été condamnée et celle, également confirmée en séance, que les modalités de paiement de cette somme peuvent faire, éventuellement, l'objet d'aménagements de la part du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS au vu des explications et des justifications données par Mme B, ne privent pas d'utilité la mesure sollicitée par le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS qui tend seulement à obtenir un titre lui permettant de poursuivre, le cas échéant, le recouvrement forcé des sommes en cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de faire droit à la demande du FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B la somme que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que le FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme B la somme que celle-ci demande au titre des mêmes frais ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Il est enjoint à Mme B de verser au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS la somme de 60 000 euros qu'elle a été condamnée à payer à titre de sanction pécuniaire par la décision du Conseil des marchés financiers en date du 17 décembre 2002.

Article 2 : Mme B versera au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au FONDS DE GARANTIE DES DEPOTS, à Mme B, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 278035
Date de la décision : 10/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-04-03 PROCÉDURE. - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE TOUTES AUTRES MESURES UTILES (ART. L. 521-3 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). - CONDITIONS D'OCTROI DE LA MESURE DEMANDÉE. - UTILITÉ DE LA MESURE SOLLICITÉE - FONDS DE GARANTIE DES DÉPÔTS DEMANDANT QU'IL SOIT ORDONNÉ À UNE PERSONNE CONDAMNÉE À UNE SANCTION PÉCUNIAIRE PAR LE CONSEIL DES MARCHÉS FINANCIERS DE LUI VERSER LES SOMMES DUES.

54-035-04-03 L'alinéa 3 de l'article L. 622-17 du code monétaire et financier prévoit que les sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil des marchés financiers « sont versées au Fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ». Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Fonds de garantie des dépôts, auquel était affiliée la société employant la personne sanctionnée, de procéder au recouvrement de la somme à laquelle cette personne a été condamnée. En l'absence de dispositions législatives ou réglementaires lui permettant de poursuivre l'exécution forcée du paiement de ces sanctions, le Fonds de garantie des dépôts, personne morale de droit privé chargée de la mission de service public de recouvrer les sanctions prononcées par le Conseil des marchés financiers, peut demander au juge des référés du Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort pour connaître d'une demande qui se rattache à l'exécution d'une décision relevant de la compétence directe du Conseil d'Etat, de prendre une décision, revêtue de la formule exécutoire, ordonnant à la personne qui a fait l'objet d'une sanction pécuniaire par le Conseil des marchés financiers le versement des sommes dues.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2005, n° 278035
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER ; SCP VINCENT, OHL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:278035.20050310
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