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14/03/2005 | FRANCE | N°259662

France | France, Conseil d'État, 1ere sous-section jugeant seule, 14 mars 2005, 259662


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 5 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DE L'ALLIER, représenté par le président du conseil général régulièrement autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général du 26 septembre 2003 ; le DEPARTEMENT DE L'ALLIER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 4 avril 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide soci

ale de l'Allier en date du 16 janvier 2001 rejetant la demande de Mmes Marcell...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 5 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le DEPARTEMENT DE L'ALLIER, représenté par le président du conseil général régulièrement autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général du 26 septembre 2003 ; le DEPARTEMENT DE L'ALLIER demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 4 avril 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de l'Allier en date du 16 janvier 2001 rejetant la demande de Mmes Marcelle X..., Suzanne Y... et Solange Z... née A dirigée contre la décision de la commission d'admission à l'aide sociale de Dompierre-sur-Besbre du 6 juin 2000 décidant la récupération des frais d'aide sociale avancés à leur mère au titre d'une donation réalisée par une assurance vie ;

2°) statuant au fond, de rejeter l'appel formé par Mme X... et autres devant la commission centrale d'aide sociale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Lafouge, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme X... et autres,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant qu'il appartient au juge d'appel de s'assurer, alors même que cette question n'est pas discutée devant lui, que la juridiction dont la décision est contestée a siégé dans une composition conforme aux dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent cette composition, ainsi qu'aux principes qui gouvernent la mise en oeuvre de ces dispositions ; que, dès lors, la commission centrale d'aide sociale n'a pas commis d'erreur de droit en soulevant d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité et d'indépendance de la juridiction d'aide sociale dont la décision lui était soumise ; qu'en particulier, elle n'a pas examiné la conformité des dispositions législatives et réglementaires applicables au regard des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales mais a simplement relevé que les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions sont rappelés dans cette convention ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions, alors en vigueur, de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, ultérieurement reprises au 2° de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 894 du code civil : La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ; qu'un contrat d'assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé qu'un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l'échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n'a pas en lui-même le caractère d'une donation, au sens de l'article 894 du code civil ;

Considérant, toutefois, que l'administration de l'aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l'engagement d'une action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de l'aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d'une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'à ce titre, un contrat d'assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l'essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l'intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l'importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s'y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d'un droit de créance sur l'assureur ; que, dans ce cas, l'acceptation du bénéficiaire, alors même qu'elle n'interviendrait qu'au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l'administration de l'aide sociale de le regarder comme une donation, pour l'application des dispositions relatives à la récupération des créances d'aide sociale ;

Considérant que la commission centrale d'aide sociale, qui n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur les critères rappelés ci-dessus, a estimé souverainement, et sans dénaturer les éléments du dossier, que l'intention libérale de Mme A qui aurait été la sienne à l'égard de ses enfants en souscrivant un contrat d'assurance vie en 1995, n'était pas avérée ; que, dès lors, le DEPARTEMENT DE L'ALLIER n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 avril 2003 de la commission centrale d'aide sociale ;

Sur les conclusions de Mmes X..., Y... et Z... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE L'ALLIER la somme globale de 3 000 euros que demandent Mmes X..., Y... et Z... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que les conclusions présentées par le département sur ce fondement soient accueillies ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE L'ALLIER est rejetée.

Article 2 : Le DEPARTEMENT DE L'ALLIER versera à Mmes X..., Y... et Z... une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'ALLIER, à Mme Marcelle X..., à Mme Suzanne Y..., à Mme Solange Z... née A et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.


Synthèse
Formation : 1ere sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 259662
Date de la décision : 14/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2005, n° 259662
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:259662.20050314
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