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16/03/2005 | FRANCE | N°277724

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 16 mars 2005, 277724


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 février 2005, présentée par Mme Leila Y épouse YX, demeurant rue ... et M. Mohamed YX, demeurant ... ; Mme Y épouse YX et M. YX demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de refus de délivrance de visa prise à l'encontre de l'exposante par le consul général de France à Rabat le 13 octobre 2004, confirmée le 29 novembre 2004 ;

2°) d'enjoindre

au consul général de délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours sou...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 février 2005, présentée par Mme Leila Y épouse YX, demeurant rue ... et M. Mohamed YX, demeurant ... ; Mme Y épouse YX et M. YX demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de refus de délivrance de visa prise à l'encontre de l'exposante par le consul général de France à Rabat le 13 octobre 2004, confirmée le 29 novembre 2004 ;

2°) d'enjoindre au consul général de délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours sous une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils exposent qu'ils se sont mariés le 8 juillet 2003 à Kenitra ; qu'après consultation du procureur de la République, le mariage a été transcrit le 6 avril 2004 ; que, cependant, un refus de visa a été opposé par le consul général de France à Rabat le 13 octobre 2004 à la demande dont il avait été saisi par l'exposante au motif que son projet de mariage poursuivrait un autre but que l'union matrimoniale ; que ce refus, confirmé sur recours gracieux le 29 novembre 2004, a été déféré à la Commission instituée par le décret du 10 novembre 2000 à la date du 21 janvier 2005 ; que cette instance ne s'est pas prononcée à ce jour ; qu'il y a urgence à l'intervention du juge des référés dans la mesure où le refus de visa contraint les exposants à vivre séparément alors que l'état de santé de l'exposant rend souhaitable la présence de son conjoint auprès de lui ; que plusieurs moyens sont propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle évoque d'une part, un projet de mariage alors que ce dernier a été dûment célébré puis transcrit sur les registres consulaires et, d'autre part, une fraude qui est inexistante ; qu'elle porte atteinte au droit des exposants de mener une vie familiale normale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision contestée ;

Vu, enregistrées le 10 mars 2005 les observations présentées par le ministre des affaires étrangères en réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi ; le ministre conclut au rejet de la requête et à ce que soit allouée à l'Etat la somme de 75 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; il soutient qu'il n'existe aucun doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait ; qu'en outre, il n'y a ni erreur manifeste d'appréciation ni violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le mariage célébré le 8 juillet 2003 à Kenitra a poursuivi un but étranger à l'union matrimoniale comme cela ressort de la grande différence d'âge entre les époux et de l'absence tant de liens affectifs entre eux que d'intention réelle de vie commune ; que dès lors qu'il existe des soupçons sérieux sur les intentions matrimoniales des époux, il n'apparaît pas que les conditions de l'urgence soient réunies ; que le rejet des conclusions aux fins de suspension entraîne corrélativement celui des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de ladite convention ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Leila Y, épouse YX et M. Mohamed YX, d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 14 mars 2005 à 15 heures au cours de laquelle, d'une part, Maître NICOLAŸ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme YX a précisé que les requérants sollicitaient, outre la suspension de la décision contestée, un réexamen de la demande de visa et, d'autre part, le représentant du ministre des affaires étrangères a produit une lettre du 30 janvier 2004 du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. YX de nationalité française, a, au cours de deux séjours au Maroc, l'un du 16 février 2003 au 26 février 2003, l'autre du 28 avril au 7 mai 2003, fait la connaissance de Mlle Y, de nationalité marocaine ; que lors d'un troisième séjour de M. YX, les intéressés se sont mariés le 8 juillet 2003 à Kenitra (Maroc) ; qu'ils ont saisi les services du consulat général de France à Rabat d'une demande de transcription de leur acte de mariage et ont été auditionnés à cette fin par les services consulaires ; que, saisi du dossier, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, dans le ressort duquel M. YX a son domicile, a fait savoir le 30 janvier 2004 qu'il ne s'opposait pas à la transcription ; que celle-ci a été opérée le 6 avril 2004 ; que, toutefois, par décision du 13 octobre 2004, le consul général de France à Rabat a rejeté la demande de visa d'entrée en France présentée par Mme Y, épouse YX au motif que son engagement est dépourvu de sérieux et que son projet de mariage poursuit un autre but que l'union matrimoniale ; qu'après rejet du recours gracieux formé contre cette décision le 29 novembre 2004, M. et Mme YX ont saisi, à la date du 21 janvier 2005, la Commission instituée par le décret du 10 novembre 2000 ;

Considérant qu'en l'état de l'instruction et nonobstant la différence d'âge importante entre les deux époux, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision de refus de visa des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ; qu'eu égard notamment au délai qui s'est écoulé depuis la transcription du mariage par les services consulaires, il est satisfait en l'espèce à la conditions d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander que soit ordonnée la suspension de la décision de refus de visa et à ce qu'il soit fait injonction au consul général de France à Rabat de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance, au réexamen de la demande de visa présentée par Mme Y, épouse YX ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que M. et Mme YX, qui ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à verser à l'Etat la somme réclamée par le ministre des affaires étrangères au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions de même nature présentées par les requérants et tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros.

O R D O N N E :

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Article 1er : Est ordonnée la suspension de la décision du consul général de France à Rabat du 13 octobre 2004, confirmée sur recours gracieux le 29 novembre 2004 par laquelle a été rejetée la demande de visa présentée par Mme Y, épouse YX.

Article 2 : Il est enjoint au consul général de France à Rabat de procéder à un réexamen de la demande de visa émanant de Mme Y, épouse YX, au vu des motifs de la présente ordonnance dans un délai de quinze jours à compter de sa notification au ministre des affaires étrangères.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Y, épouse YX et à M. YX une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du ministre des affaires étrangères tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme YX et au ministre des affaires étrangères.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 mar. 2005, n° 277724
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 16/03/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 277724
Numéro NOR : CETATEXT000008227899 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-03-16;277724 ?
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