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18/03/2005 | FRANCE | N°238752

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 18 mars 2005, 238752


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre 2001 et 4 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CYCLERGIE, dont le siège est ... (75378) ; la SOCIETE CYCLERGIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande du syndicat de traitement des déchets Drôme-Ardèche, annulé le jugement du 10 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait annulé les délibérations du 18 novembre 1999 par lesquelles ledit

syndicat a, d'une part, déclaré sans suite l'appel d'offres sur p...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre 2001 et 4 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CYCLERGIE, dont le siège est ... (75378) ; la SOCIETE CYCLERGIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 10 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande du syndicat de traitement des déchets Drôme-Ardèche, annulé le jugement du 10 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait annulé les délibérations du 18 novembre 1999 par lesquelles ledit syndicat a, d'une part, déclaré sans suite l'appel d'offres sur performances relatif à la réalisation et à la mise en service de l'unité de valorisation énergétique d'un complexe de traitement de déchets ménagers et, d'autre part, relancé une nouvelle procédure d'appel d'offres sur performances ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SOCIETE CYCLERGIE et du groupement Cyclergie/GTM Construction/Cegelec et de Me Odent, avocat du syndicat de traitement des déchets Drôme-Ardèche,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat de traitement des déchets Drôme Ardèche (SYTRAD) a lancé un appel d'offres sur performances pour la réalisation et la mise en service d'une usine de traitement des déchets ; que la commission d'appel d'offres a décidé d'attribuer le marché au groupement composé des sociétés Cyclergie, GTM Construction et Cegelec, dont la SOCIETE CYCLERGIE était le mandataire ; que, cependant, par deux délibérations en date du 18 novembre 1999, le comité syndical du SYTRAD a décidé d'une part, de ne pas donner suite à l'appel d'offres en invoquant un motif d'intérêt général et d'autre part, d'engager une nouvelle procédure d'appel d'offres sur performances ; que par un jugement en date du 10 juillet 2000, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces délibérations pour vice de procédure et a rejeté la demande d'injonction de la SOCIETE CYCLERGIE ; que la cour administrative d'appel de Lyon, par un arrêt en date du 10 juillet 2001, a annulé ce jugement et a rejeté la demande de la SOCIETE CYCLERGIE ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 303 du code des marchés publics applicable à la procédure d'appel d'offres en litige : « Il est procédé à un appel d'offres sur performances pour des motifs d'ordre technique ou financier lorsque la personne publique contractante définit les prestations dans un programme fonctionnel détaillé sous la forme d'exigences de résultats vérifiables à atteindre ou de besoins à satisfaire. Les moyens de parvenir à ces résultats ou de répondre à ces besoins sont proposés par chaque candidat dans son offre. Cet appel d'offres est toujours restreint. … Chaque concurrent est entendu par la commission, dans les conditions de stricte égalité définies préalablement. A la suite de cette audition, les concurrents peuvent préciser, compléter ou modifier leur offre. … Il n'est pas donné suite à l'appel d'offres si aucune offre n'est jugée acceptable. Les concurrents en sont avisés » ;

Considérant qu'indépendamment du cas où aucune offre n'est jugée acceptable, une collectivité publique a la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres sur performances pour un motif d'intérêt général ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et notamment du compte-rendu de la réunion du comité syndical du SYTRAD au cours de laquelle les deux délibérations attaquées ont été adoptées, que les deux délibérations du comité syndical du SYTRAD du 18 novembre 1999 décidant d'une part de ne pas donner suite à l'appel d'offres sur performances lancé pour l'attribution du marché ayant pour objet la construction d'une unité de valorisation énergétique et d'autre part de relancer un nouvel appel d'offres sur performances ayant le même objet mais de limiter l'accès à cette nouvelle procédure aux seules entreprises générales, à l'exclusion des groupements, avaient en réalité pour seul objet d'évincer le groupement dont la SOCIETE CYCLERGIE était le mandataire et dont la candidature avait été retenue par la commission d'appel d'offres lors du premier appel d'offres ; que si le SYTRAD se prévalait de l'incohérence de l'offre du groupement représenté par la SOCIETE CYCLERGIE pour justifier sa décision de renoncer à la procédure engagée, ce motif ne constituait pas un motif d'intérêt général justifiant la décision prise mais pouvait uniquement conduire la commission d'appel d'offres à juger l'offre inacceptable et à ne pas donner suite à l'appel d'offres sur le fondement des dispositions de l'article 303 précité du code des marchés publics ; qu'ainsi, en jugeant que le SYTRAD justifiait d'un motif d'intérêt général pour décider de ne pas donner suite à l'appel d'offres sur performances qu'il avait engagé et pour lancer un nouvel appel d'offres sur performances ayant le même objet, la cour, qui, au demeurant, ne s'est prononcée sur la légalité que d'une seule des deux délibérations attaquées, a dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CYCLERGIE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que les requêtes du SYTRAD et de la SOCIETE CYCLERGIE sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les délibérations du 18 novembre 1999 :

Considérant qu'à supposer même que la SOCIETE CYCLERGIE n'ait pas qualité pour contester la légalité des délibérations attaquées du SYTRAD au nom du groupement qu'elle avait formé avec les sociétés GTM Construction et Cegelec, il ressort de ses écritures devant le tribunal administratif de Grenoble qu'elle avait aussi présenté sa requête en son nom propre ; qu'ainsi, le SYTRAD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que la SOCIETE CYCLERGIE justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions attaquées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il vient d'être dit, que les délibérations du 18 novembre 1999 par lesquelles le comité syndical du SYTRAD a décidé d'une part, de ne pas donner suite à l'appel d'offres sur performances pour un motif d'intérêt général et d'autre part, d'engager une nouvelle procédure d'appel d'offres sur performances ayant le même objet, sont entachées de détournement de procédure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYTRAD n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les délibérations du 18 novembre 1999 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque la décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que la SOCIETE CYCLERGIE a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'enjoindre au SYTRAD de lui attribuer le marché en litige sous astreinte de 50 000 F par jour de retard ; que cependant, l'exécution de la présente décision n'implique pas nécessairement que le marché en cause soit attribué au groupement représenté par la SOCIETE CYCLERGIE dès lors que le SYTRAD pouvait, pour un motif d'intérêt général, décider de renoncer à la procédure d'appel d'offres sur performances qu'il avait lancée ; qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CYCLERGIE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE CYCLERGIE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que le SYTRAD demande au titre des frais exposés par lui en appel et en cassation et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du SYTRAD une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE CYCLERGIE en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 10 juillet 2001 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat de traitement des déchets Drôme Ardèche et la SOCIETE CYCLERGIE devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.

Article 3 : Le syndicat de traitement des déchets Drôme Ardèche versera à la SOCIETE CYCLERGIE une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du syndicat de traitement des déchets Drôme Ardèche tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CYCLERGIE, au syndicat de traitement des déchets Drôme Ardèche et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02-02-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. - MODE DE PASSATION DES CONTRATS. - APPEL D'OFFRES. - APPEL D'OFFRES SUR PERFORMANCE - A) POSSIBILITÉ DE NE PAS DONNER SUITE POUR UN MOTIF D'INTÉRÊT GÉNÉRAL - EXISTENCE - B) DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE EN L'ESPÈCE.

39-02-02-03 a) Indépendamment du cas où aucune offre n'est jugée acceptable, une collectivité publique a la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres sur performances pour un motif d'intérêt général.,,b) Constitue en revanche un détournement de procédure le fait de mettre fin à un appel d'offres sur performance en se prévalant de l'incohérence d'une offre présentée par un candidat, un tel motif ne constituant pas un motif d'intérêt général, mais pouvant uniquement conduire la commission d'appel d'offres à juger l'offre inacceptable.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 mar. 2005, n° 238752
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Nathalie Escaut
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : ODENT ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 18/03/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 238752
Numéro NOR : CETATEXT000008158576 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-03-18;238752 ?
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