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23/03/2005 | FRANCE | N°256710

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 23 mars 2005, 256710


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai 2003 et 9 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCP POULAIN ET LE FUR ; la SCP POULAIN ET LE FUR demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 5 mars 2003 par laquelle la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs lui a attribué une somme de 1 077 698,68 euros, au titre de l'indemnisation de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation des commissaires-priseurs prévue par la loi du 10 juillet 2000 ;
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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai 2003 et 9 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCP POULAIN ET LE FUR ; la SCP POULAIN ET LE FUR demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la décision du 5 mars 2003 par laquelle la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs lui a attribué une somme de 1 077 698,68 euros, au titre de l'indemnisation de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation des commissaires-priseurs prévue par la loi du 10 juillet 2000 ;

2°) de fixer le montant de cette indemnité à 2 657 177,59 euros, assortis des intérêts légaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 ;

Vu le décret n° 2001-652 du 19 juillet 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SCP POULAIN ET LE FUR,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi du 10 juillet 2000 a supprimé le monopole des commissaires-priseurs dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; qu'elle a prévu d'indemniser les commissaires-priseurs du préjudice subi à raison de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit, garanti par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances, de présenter leur successeur au garde des sceaux ; que le montant de l'indemnité due à ce titre au commissaire-priseur qui en fait la demande est fixé à partir de la valeur de son office limitée à l'activité des ventes volontaires, calculée en vertu de l'article 39 de la loi - en prenant pour base la somme de la recette nette moyenne au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la loi et de trois fois le solde moyen d'exploitation de l'office au cours des mêmes exercices ;/ - en affectant cette somme d'un coefficient de 0,5 pour les offices du ressort des compagnies de commissaires-priseurs autres que celle de Paris et de 0,6 pour les offices du ressort de la compagnie des commissaires-priseurs de Paris ;/ - en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrite au bilan du dernier exercice clos à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;/ - en multipliant le total ainsi obtenu par le rapport du chiffre d'affaires moyen de l'office correspondant aux ventes volontaires au cours des cinq derniers exercices dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale à la date de la promulgation de la présente loi sur le chiffre d'affaires global moyen de l'office au cours des mêmes exercices./ La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés./ Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts./ Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office ; que le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur ainsi déterminée ; que toutefois, l'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de 20 % au plus par la commission prévue à l'article 45 de la loi, en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire ;

Considérant que la Commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs a attribué une indemnité de 1 077 698,68 euros à la SCP POULAIN ET LE FUR, commissaires-priseurs à Paris, par une décision du 5 mars 2003 dont elle demande la réformation au Conseil d'Etat ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la procédure suivie devant la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs a respecté l'article 6 du décret du 19 juillet 2001 qui prévoit, d'une part, que les personnes ayant présenté une demande d'indemnisation sont avisées de la date à laquelle il est prévu d'examiner leur dossier, d'autre part, que la commission les entend à leur demande ou d'office ; qu'aucune autre disposition n'obligeait la commission, contrairement à ce que soutient la SCP POULAIN ET LE FUR, à élaborer, avant son audition, un projet de décision destiné à faire l'objet d'une communication préalable à l'intéressé ; qu'il suit de là que la SCP POULAIN ET LE FUR n'est pas fondée à soutenir que la commission aurait ainsi méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et entaché sa décision d'un vice de procédure de nature à en affecter la légalité ;

Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée et, notamment, le contenu donné par la commission nationale d'indemnisation à la notion de débours au sens de l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000 et les raisons pour lesquels les travaux réalisés par la SCP POULAIN ET LE FUR au palais des congrès de Paris revêtent un caractère immobilier au sens du même article, est suffisamment motivée ;

Sur le montant de la recette nette :

Considérant qu'il résulte de l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000 que la recette nette prise en compte dans le calcul de la valeur de l'office est obtenue en déduisant des recettes encaissées, notamment, les débours payés pour le compte de ses clients ;

Considérant, d'une part, que lorsqu'elle détermine la valeur d'un office de commissaire-priseur au sens et pour l'application de la loi du 10 juillet 2000, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs n'est pas tenue par la définition donnée, dans le cadre d'autres législations, des termes employés à l'article 39 de cette loi ; qu'il suit de là que la SCP POULAIN ET LE FUR n'est pas fondée à soutenir que la seule définition des débours à prendre en compte serait celle donnée pour l'application de la loi fiscale ;

Considérant, d'autre part, qu'ont le caractère de débours, au sens de l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000, les frais exposés par un commissaire-priseur pour le compte de ses clients et qui font, de leur part, l'objet d'un reversement, que celui-ci soit ou non forfaitaire ; qu'il suit de là que la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs a exactement appliqué la loi en qualifiant de débours les sommes exposées par la SCP POULAIN ET LE FUR, entre 1995 et 1999, en matière de frais divers sur les ventes, qui ont fait l'objet d'un remboursement à l'office de la part de ses clients, acheteurs ou vendeurs, et n'ont pas été mentionnées dans ses déclarations à l'administration fiscale au titre des exercices concernés ;

Considérant que, dès lors que la définition conférée par la commission nationale d'indemnisation à la notion de débours est conforme à l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000, la SCP POULAIN ET LE FUR ne peut utilement exciper, à l'encontre de la décision contestée, de la rupture d'égalité entre offices de commissaires-priseurs qu'entraînerait la mise en oeuvre de cette définition ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCP POULAIN ET LE FUR n'est pas fondée à demander la réintégration, dans le calcul de la recette nette, des sommes litigieuses qualifiées de débours par la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs ;

Sur la valeur des immobilisations corporelles :

Considérant que la SCP POULAIN ET LE FUR demande de retenir dans le calcul de la valeur de l'office, au titre des immobilisations corporelles, autres que les immeubles visées à l'article 39 de la loi, une somme de 1 761 116,89 euros, représentant la valeur résiduelle comptable au 31 décembre 2000 d'aménagements réalisés par elle en 1998 et 1999 dans des locaux qu'elle loue au palais des congrès de Paris ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que les investissement litigieux ont consisté à agencer et équiper, au sein de l'immeuble du palais des congrès de Paris, une salle de ventes de 580 m2 destinée, notamment, à la vente aux enchères d'automobiles anciennes ou de collection qui constitue l'une des spécialités de la SCP POULAIN ET LE FUR ; qu'il n'est pas non plus contesté que ces agencements et équipements figuraient au bilan de la société, à juste titre, en qualité d'immobilisations corporelles ; qu'eu égard à leur nature et à leur destination ces investissements, spécialement conçus et réalisés par l'entreprise en vue de permettre l'organisation de ses ventes aux enchères dans de meilleures conditions qu'à l'Hôtel Drouot et, ainsi, d'améliorer sa compétitivité, indépendamment de toute visée patrimoniale, ne présentent pas de caractère immobilier pour l'application de l'article 39 de la loi du 10 juillet 2000 ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en déduisant de la valeur de l'office la somme de 1 761 116,89 euros correspondant à leur valeur résiduelle comptable au 31 décembre 2000, la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs a fait une inexacte application de la loi ; qu'il suit de là que la SCP POULAIN ET LE FUR est fondée à demander que la valeur de l'office soit calculée en tenant compte de cette somme et qu'il y a lieu, dans cette mesure, de la renvoyer devant la commission nationale pour la fixation du montant de l'indemnité légale ;

Sur l'application de la majoration prévue à l'article 40 de la loi :

Considérant que la SCP POULAIN ET LE FUR demande que, par application de l'article 40 de la loi du 10 juillet 2000, son indemnisation soit augmentée de 20% au motif qu'elle se serait trouvée dans une situation particulière au sens de la loi dans la mesure, d'une part, où elle s'est engagée comme il a été dit ci-dessus dans des investissements importants destinés à créer une salle de ventes au palais des congrès de Paris, d'autre part, où son chiffre d'affaire la plaçait parmi les quatre premières études parisiennes et françaises et où elle jouissait, avant l'entrée en vigueur de la loi d'une prépondérance dans le domaine des ventes d'automobiles de collection et qu'à ce double titre, elle a été particulièrement affectée par l'ouverture à la concurrence et le déploiement sur le marché français de grandes sociétés étrangères de notoriété internationale proposant leurs services à une clientèle analogue à la sienne ;

Considérant, d'une part, que la SCP POULAIN ET LE FUR n'est pas fondée à invoquer les investissements destinés à améliorer sa compétitivité auxquels elle a procédé, en vue de se préparer dans de meilleures conditions à l'ouverture à la concurrence du marché des ventes volontaires, dès lors que cette circonstance ne saurait être regardée comme particulière à sa situation ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 38 de la loi du 10 juillet 2000 que le législateur a entendu compenser, par l'octroi d'une indemnité dont il a déterminé les modalités de calcul à l'article 39, le préjudice résultant pour les offices français de la suppression du monopole des ventes volontaires qui leur était conféré jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi et des conséquences de l'ouverture à la concurrence sur leur activité ; que, par suite, la SCP POULAIN ET LE FUR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la commission nationale d'indemnisation a écarté sa demande de majoration dans la mesure où celle-ci était motivée par les effets de la concurrence sur le niveau général de son activité que l'indemnité qui lui a été attribuée, sur le fondement de l'article 39 de la loi, a précisément eu pour objet de compenser ;

Sur l'octroi d'intérêts au taux légal :

Considérant qu'en vertu de l'article 43 de la loi du 10 juillet 2000 : La demande d'indemnité doit être présentée par les commissaires-priseurs dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 66. L'indemnité est versée dans les six mois suivant le dépôt de la demande ; qu'il résulte de l'instruction que la SCP POULAIN ET LE FUR a déposé sa demande d'indemnisation le 10 octobre 2001 et que la Commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs était, par conséquent, tenue par l'article 43 de la loi de procéder au versement de l'indemnité allouée avant le 11 avril 2002 ; qu'il n'est pas contesté que cette indemnité n'a été versée à la société requérante que le 6 mai 2003 ; qu'il suit de là qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que l'indemnité porte intérêts au taux légal, pour la période du 11 avril 2002 au 6 mai 2003 s'agissant de la somme initialement allouée par la commission et pour la période du 11 avril 2002 à la date de son versement s'agissant de la somme complémentaire qui sera fixée par la commission en application de la présente décision ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le montant de l'indemnité due à la SCP POULAIN ET LE FUR sera calculé en intégrant dans la valeur de l'office la somme de 1 761 116,89 euros, correspondant à la valeur résiduelle comptable au 31 décembre 2000 des travaux de création d'une salle de ventes au palais des congrès de Paris.

Article 2 : La décision du 5 mars 2003 de la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La SCP POULAIN ET LE FUR est renvoyée devant la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs en vue de la fixation du montant de l'indemnité qui lui est due au titre de la loi du 10 juillet 2000.

Article 4 : L'indemnité attribuée par la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs à la SCP POULAIN ET LE FUR portera intérêts au taux légal, pour la période courant du 11 avril 2002 au 6 mai 2003 s'agissant du montant initialement fixé par la commission et pour la période courant du 11 avril 2002 à la date de son versement s'agissant de la somme complémentaire fixée par la commission en application de la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SCP POULAIN ET LE FUR, à la commission nationale d'indemnisation des commissaires-priseurs, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 256710
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 mar. 2005, n° 256710
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:256710.20050323
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