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30/03/2005 | FRANCE | N°230053

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 30 mars 2005, 230053


Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 7 février et 5 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 2000 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que celle-ci a rejeté sa requête tendant à l'annulation partielle du jugement en date du 11 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Didier X la décharge des cotisations s

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Vu le recours sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 7 février et 5 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 2000 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que celle-ci a rejeté sa requête tendant à l'annulation partielle du jugement en date du 11 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Didier X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985 à 1987 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, signée à Londres le 22 mai 1968 publiée au Journal officiel de la République française des 24 et 25 novembre 1969 et modifiée par les avenants du 10 février 1971 et du 14 mai 1973 publiés au Journal officiel respectivement les 2 mars 1971 et 28 février 1974 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus./ Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française et qu'aux termes de l'article 4 B du même code : Sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A... b. Les personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ; que l'article 10 de ce même code dispose que Les personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal, ainsi que les personnes désignées au 2 de l'article 4 B sont imposables au lieu fixé par arrêté du ministre de l'économie et des finances publié au Journal officiel ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention fiscale entre la France et la Grande-Bretagne du 22 mai 1968 : Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'activités indépendantes ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. S'il dispose d'une telle base, les revenus sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe. ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 40 A de l'annexe III du code général des impôts : Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée mentionnée à l'article 96 du code général des impôts ou qui ont opté pour ce régime sont tenus de produire, avant le 1er mars chaque année, une déclaration... Cette déclaration est adressée au service des impôts dont dépend le lieu d'exercice de la profession ou le principal établissement, en simple exemplaire, à l'aide d'imprimés établis par l'administration ; qu'aux termes de l'article 01 de l'annexe IV de ce même code : Le lieu d'imposition des personnes physiques qui n'ont pas leur domicile fiscal en France est fixé au centre des impôts des non-résidents, 9 rue d'Uzès à Paris. ;

Considérant que pour juger que les agents du service du centre des impôts du 16ème arrondissement de Paris étaient incompétents pour notifier à M. X les redressements dont il a fait l'objet et établir l'imposition en résultant, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit en se bornant à relever que M. X était au cours des années litigieuses résident fiscal en Grande Bretagne où il avait le siège de son activité professionnelle et que, par suite, il lui appartenait de déclarer ses revenus de source française au centre des impôts des non-résidents en application de l'article 01 de l'annexe IV au code général des impôts, sans rechercher si l'intéressé disposait d'une base fixe en France au sens des stipulations précitées de l'article 14-1 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 alors même que les revenus tirés de l'exercice d'une activité indépendante à partir d'une telle base fixe sont imposables en France et doivent faire l'objet d'une déclaration au centre des impôts dont dépend le lieu d'exercice de cette activité en application de l'article 40 A précité de l'annexe III au code général des impôts ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que dans son recours, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 15 juin 1995 en tant qu'il a accordé à M. X la décharge de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1985 à 1987 et le rétablissement de l'intéressé au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de ces années à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été initialement assignés, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévus aux 1° et 3° de l'article 1728 du code général des impôts ;

Considérant que si la notification de redressements adressée à M. X le 31 août 1988 au titre des années 1985 à 1987 faisait mention de son opposition à contrôle fiscal, et des conséquences qui pouvaient en être tirées aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, elle fondait également l'évaluation d'office de ses bénéfices non commerciaux sur les dispositions de l'article L. 73-2° du même livre ; que par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir, sans même qu'il soit besoin de procéder à une substitution de base légale, que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué, a accordé à M. X la décharge des compléments d'impôt sur le revenu dû au titre des années 1985 à 1987 au seul motif que l'opposition à contrôle fiscal de nature à justifier une imposition d'office en application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales n'était pas établie ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant la cour administrative d'appel que devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant que si M. X soutient que l'article 14 précité de la convention franco-britannique est incompatible avec les articles 59 et 60, devenus articles 49 et 50, du traité instituant la Communauté européenne et établissant la liberté des services, la circonstance que les stipulations de l'article 14 de la convention franco-britannique précitée rendent imposable en France un non-résident à raison et pour le montant des revenus qu'il tire de son activité exercée en France à partir d'une base fixe, n'est toutefois pas de nature, contrairement à ce que soutient le requérant, à instituer une différence de traitement entre prestataires de services fournis en France ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si M. X exerçait sa profession d'avocat en Angleterre et en France et qu'il était au cours des années d'imposition litigieuses résident fiscal en Grande Bretagne, où il avait le siège de son activité professionnelle, il est constant et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'il disposait pendant les exercices concernés et pour les besoins de ses relations professionnelles avec des clients français, d'un bureau situé dans le ressort du centre des impôts de Paris Ouest et qu'il détenait un compte bancaire domicilié à cette adresse sur lequel était versée une partie de ses honoraires provenant de son activité en France ; qu'il résulte de l'instruction que ce local parisien était effectivement utilisé pour recevoir les clients de M. X et doit ainsi être regardé comme une base fixe au sens des stipulations de la convention fiscale franco-britannique précitée ; qu'il en résulte que les agents du centre des impôts du 16ème arrondissement de Paris (Paris ouest) étaient compétents pour établir les impositions litigieuses ;

Considérant que la procédure précitée prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, s'applique indistinctement à l'ensemble des contribuables qui doivent, en vertu des textes en vigueur, acquitter une imposition en France, qu'ils soient résidents ou non-résidents régis par les stipulations d'une convention fiscale bilatérale ; que dès lors, contrairement à ce que soutient M. X, les dispositions du 2° de l'article L. 73 ne méconnaissent pas le principe général de non-discrimination entre résidents des divers Etats membres de l'Union européenne figurant à l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : Peuvent être évalués d'office : (...)/ 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ; qu'il est toutefois constant que M. X, malgré plusieurs mises en demeure, n'a déposé dans le délai légal aucune des déclarations relatives aux revenus tirés de l'activité qu'il a exercée à partir de la base fixe dont il dispose en France ; que, dès lors, l'administration était fondée à mettre en oeuvre à son encontre la procédure d'imposition d'office ;

Considérant que M. X relevant de la procédure de l'évaluation d'office, les irrégularités, qui, selon le requérant, entacheraient la procédure de vérification de comptabilité à laquelle l'administration a procédé et tenant à la durée de cette vérification et à l'emport de documents, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le moyen tiré de ce qu'aucune mise en demeure n'aurait été adressée à M. X manque en fait ; que la circonstance que les mises en demeure de l'administration fiscale lui auraient été adressées en France et non pas en Angleterre n'est pas de nature à remettre en cause leur régularité dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. X doit être regardé comme ayant disposé d'une base fixe en France et que contrairement à ce qu'il soutient, il résulte des termes mêmes de l'article 164 D du code général des impôts que l'administration n'était pas tenue de demander au contribuable non résident la désignation d'un représentant en France ; que par suite, M. X, qui n'a pas déposé de déclaration malgré plusieurs mises en demeure, entre dans le champ des 1° et 3° de l'article 1728 du code général des impôts ; que par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que lui soient infligées pour les années 1985 à 1987 des pénalités au taux de 80 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander que l'article 1er du jugement attaqué soit annulé, et que M. X soit rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1985 à 1987, dans la limite de ses conclusions d'appel ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de la cour administrative d'appel de Paris en date du 30 novembre 2000 et l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 avril 1995 sont annulés.

Article 2 : M. X est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1985 à 1987 à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été initialement assignés, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % prévus aux 1° et 3° de l'article 1728 du code général des impôts.

Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Didier X.


Synthèse
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 230053
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2005, n° 230053
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:230053.20050330
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