La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2005 | FRANCE | N°260561

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 01 avril 2005, 260561


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Nana Y..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;
<

br>Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Nana Y..., épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Thibau-Lévèque, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de Mme Y..., épouse X...,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, alors en vigueur : I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait... ;

Considérant que Mme Y..., épouse Y, ressortissante de la République démocratique du Congo, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 17 octobre 2002, de la décision du 10 octobre 2002 du PREFET DE L'EURE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, d'une part, que la décision du 8 juillet 2003 par laquelle le PREFET DE L'EURE a rejeté la demande de regroupement familial que M. Y avait présentée en faveur de son épouse ne constitue pas le fondement de l'arrêté du 6 août 2003 prononçant la reconduite à la frontière de l'intéressée et, d'autre part, qu'une demande de regroupement familial en cours d'instruction ne fait pas obstacle à ce que soit prise une mesure de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, l'exception tirée de l'illégalité de la décision du 8 juillet 2003 ne pouvait pas être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur l'illégalité de la décision du 8 juillet 2003 pour annuler l'arrêté en date du 6 août 2003 prononçant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Rouen ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté attaqué, Mme Y..., épouse Y, vivait en France depuis plus de deux ans avec un ressortissant Congolais en situation régulière depuis 1989 et titulaire d'une carte de résident, avec lequel elle était mariée depuis le 6 avril 2002 ; qu'elle était mère d'une enfant née en France le 19 décembre 2001 et reconnue par son mari et attendait un deuxième enfant, qui est né le 24 novembre 2003 ; que, dans ces conditions et alors même que l'intéressée pouvait bénéficier du regroupement familial et que deux de ses enfants nés d'une première union en 1994 et 1996 demeuraient en République démocratique du Congo, l'arrêté du 6 août 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et a méconnu, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 6 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse Y ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme Y..., épouse Y, a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Monod-Colin, avocat de l'intéressée, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par Mme Y..., épouse Y, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Monod - Colin la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à Mme Nana Y..., épouse Y, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 260561
Date de la décision : 01/04/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 avr. 2005, n° 260561
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Fabienne Thibau-Lévèque
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:260561.20050401
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award