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04/04/2005 | FRANCE | N°257579

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 04 avril 2005, 257579


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 2003 et 10 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry YX, demeurant ... ; M. YX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 11 mars 1999 du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande tendant à 1°) l'annulation de la décision du préfet de la Sarthe du 6 septembre 1996, rejetant sa demande de paiement compensatoire aux

surfaces cultivées et au cheptel présentée au titre de l'année 1996 ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin 2003 et 10 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Thierry YX, demeurant ... ; M. YX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande d'annulation du jugement du 11 mars 1999 du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande tendant à 1°) l'annulation de la décision du préfet de la Sarthe du 6 septembre 1996, rejetant sa demande de paiement compensatoire aux surfaces cultivées et au cheptel présentée au titre de l'année 1996 et l'excluant des régimes d'aides communautaires allouées aux producteurs de certaines cultures arables et aux producteurs de viande bovine au titre de cette même année, ensemble ladite décision 2°) ce qu'il soit rétabli sur la liste des bénéficiaires des aides susmentionnées au titre de l'année 1996 ;

2°) statuant au fond, d'annuler la décision du 6 mars 1996 du préfet de la Sarthe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 806-68 du conseil des communautés européennes du 27 juin 1968 ;

Vu le règlement (CEE) n° 1765-92 du conseil des communautés européennes du 30 juin 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3508-92 du conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3887-92 de la commission des communautés européennes du 23 décembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Rouvière, avocat de M. YX,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement (C.E.E.) n° 3508-92 du Conseil des communautés européennes du 27 novembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides complémentaires : -1. Chaque Etat membre crée un système intégré de gestion et de contrôle, ci-après dénommé système intégré, qui s'applique : a) dans le secteur de la production végétale : - au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, établi par le règlement (C.E.E.) n° 1765-92 ; b) dans le secteur de la production animale : - aux régimes de prime au bénéfice des producteurs de viande bovine, établi par l'article 4 points a) à h) du règlement (C.E.E.) n° 805-68 ; que l'article 12 du règlement (C.E.E.) n° 3887-92 de la Commission du 23 décembre 1992, portant modalités d'application de ce système intégré de gestion et de contrôle, dispose : Chaque visite de contrôle doit être consignée dans un rapport qui indique notamment les motifs de la visite, les personnes présentes, le nombre des parcelles visitées, celles qui ont été mesurées, les techniques de mesure utilisées, le nombre et l'espèce des animaux constatés sur place ainsi que, le cas échéant, leur numéro d'identification - L'exploitant ou son représentant a la possibilité de signer ce rapport attestant, le cas échéant, au minimum de sa présence lors du contrôle ou en indiquant ses observations y relatives ; qu'en vertu de l'article 13 : Sauf cas de force majeure, si un contrôle sur place ne peut pas être effectué du fait du demandeur, la demande est rejetée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que Mme Monique Y et M. Thierry YX, son fils, sont propriétaires sur la même commune de deux exploitations agricoles indépendantes ; qu'ils ont tous deux distinctement présenté, au titre de l'année 1996, des demandes de paiements compensatoires pour leurs propriétés respectives ; qu'en application des dispositions mentionnées ci-dessus les services de l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) ont procédé le 29 juillet 1996 au contrôle sur place des superficies déclarées ; qu'à cette fin, le contrôleur s'est rendu uniquement au siége de l'exploitation de Mme Monique Y où, en sus de celle-ci, se trouvait présent, son mari M. Alain Y ; qu'à cette occasion, M. Alain Y, qui a accompagné le contrôleur, s'est livré sur lui à des menaces et des voies de fait l'obligeant à interrompre prématurément le contrôle ; qu'à la suite de ces événements, le préfet de la Sarthe estimant que M. Alain Y représentait non seulement son épouse mais aussi son fils Thierry a, par une décision du 6 septembre 1996, en application des dispositions de l'article 13 précité, privé M. Thierry YX de toute aide au titre de 1996 ; que ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 27 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, confirmant la décision des premiers juges, a rejeté sa requête ;

Considérant qu'un mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du prétendu mandataire est légitime, ce qui suppose que les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ; qu'en déduisant de la seule mention, sur le formulaire de demande de subvention souscrit par M. Thierry YX, du numéro de téléphone de son père que le représentant de l'ONIC pouvait légitiment croire que M. Alain Y était mandaté pour représenter son fils lors du contrôle de son exploitation, la cour a inexactement qualifié les faits ; que le requérant est par suite fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la seule circonstance que M. Thierry YX qui détenait une exploitation agricole indépendante de celle de ses parents ait dans un formulaire administratif, indiqué qu'il pouvait être joint par l'intermédiaire du téléphone de ses parents ne permettait pas, sans autre vérification, d'estimer que M. Alain Y détenait un mandat l'autorisant à représenter son fils dans le cadre d'un contrôle de surface réalisé par un agent de l'ONIC ; que M. Thierry YX est dès lors fondé à soutenir que la procédure a été irrégulière et que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé d'annuler la décision en date du 6 septembre 1996 du préfet de la Sarthe ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros que M. Thierry YX demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 27 mars 2003 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 11 mars 1999, ensemble la décision du préfet de la Sarthe en date du 6 septembre 1996 sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à M. YX la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Thierry YX et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - EXPLOITATIONS AGRICOLES - AIDES À L'EXPLOITATION - SOUTIEN AUX PRODUCTEURS DE CERTAINES CULTURES ARABLES - EXERCICE DES VISITES DE CONTRÔLE - REPRÉSENTATION DE L'EXPLOITANT - MANDATAIRE APPARENT - A) NOTION - CONDITIONS D'ENGAGEMENT DU MANDANT [RJ1] - B) CROYANCE LÉGITIME DES TIERS EN L'ÉTENDUE DES POUVOIRS DU MANDATAIRE - CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE JUGE DE CASSATION - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS [RJ2].

03-03-05 a) Un mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du prétendu mandataire est légitime, ce qui suppose que les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.,,b) Qualifient inexactement les faits de l'espèce les juges du fond qui, pour juger qu'un représentant de l'Office national interprofessionnel des céréales pouvait légitiment croire que M. T. avait mandaté son père pour le représenter lors de la visite de contrôle opérée sur son exploitation agricole en vue de l'application du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, se fondent sur la seule circonstance que M. T. avait fait figurer le numéro de téléphone de son père sur la demande de subvention qu'il avait lui-même souscrite auprès de l'office.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - RÉGULARITÉ INTERNE - QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS - OBLIGATION CONTRACTÉE SUR LE FONDEMENT D'UN MANDAT APPARENT - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE LÉGITIME DE LA CROYANCE D'UN TIERS EN L'ÉTENDUE DES POUVOIRS DU MANDATAIRE [RJ2].

54-08-02-02-01-02 Qualifient inexactement les faits de l'espèce les juges du fond qui, pour juger qu'un représentant de l'Office national interprofessionnel des céréales pouvait légitiment croire que M. T. avait mandaté son père pour le représenter lors de la visite de contrôle opérée sur son exploitation agricole en vue de l'application du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, se fondent sur la seule circonstance que M. T. avait fait figurer le numéro de téléphone de son père sur la demande de subvention qu'il avait lui-même souscrite auprès de l'office.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. civ. 24 mars 1981, JCP G 1982.II.19746, note Le Guidec ;

Cass. comm. 6 juin 1989, n° 86-11968, Bull. 1989 IV n° 179.,,

[RJ2]

Rappr. Cass. civ., 1ère ch., 29 avril 1969, trois arrêts (SCI « Les Génevriers » et autre c/ Bonnin et autres, Riou c/ Sté « La cuiller en bois » et Consorts Kenicq c/ Martin), JCP 1969 II n° 15972, note R. Lindon.


Publications
Proposition de citation: CE, 04 avr. 2005, n° 257579
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : ROUVIERE

Origine de la décision
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Date de la décision : 04/04/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 257579
Numéro NOR : CETATEXT000008215741 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-04-04;257579 ?
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