La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2005 | FRANCE | N°265784

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 04 avril 2005, 265784


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 5 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CASTELLAR représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité Hôtel de ville à Castellar (06500) ; la COMMUNE DE CASTELLAR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application des dispositions de l'article L.551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la socié

té Heaven Climber, annulé la décision du maire de la commune rejetant l'o...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mars et 5 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE CASTELLAR représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité Hôtel de ville à Castellar (06500) ; la COMMUNE DE CASTELLAR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 février 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant en application des dispositions de l'article L.551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Heaven Climber, annulé la décision du maire de la commune rejetant l'offre de la société Heaven Climber, suspendu la poursuite de la passation du marché de conception et réalisation d'une via ferrata au Roc d'Orméa en tant qu'elle procède du choix opéré par la commission d'appel d'offres dans sa séance du 11 décembre 2003 et annulé l'avis de cette commission du 11 décembre 2003 ;

2°) statuant comme juge des référés, de rejeter la demande de la société Heaven Climber ;

3°) de mettre à la charge de la société Heaven Climber une somme de 4 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics issu du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;

Vu le décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics, et notamment son article 4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la COMMUNE DE CASTELLAR et de Me Le Prado, avocat de la société Heaven Climber,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte (...)./ Le président du tribunal administratif (...) statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un avis d'appel public à la concurrence envoyé le 2 juin 2003 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, la COMMUNE DE CASTELLAR a lancé une procédure d'appel d'offres sur performances pour l'étude, la conception et la réalisation de parcours aménagés dénommés via ferrata au lieu dit Le Roc d'Orméa ; que le programme fonctionnel détaillé de l'opération prévoyait la création de deux parcours, l'un à caractère sportif, l'autre destiné aux débutants, familles et enfants et précisait que le projet concernait exclusivement le versant Ouest des falaises de ce Roc se développant du point de départ des parcours au niveau du sentier de randonnée GR 51 au sommet du Roc d'Orméa ; qu'après audition le 15 octobre 2003 des deux candidats ayant présenté une offre, le maire leur a fait savoir, par une lettre du 16 octobre, qu'il souhaitait apporter un certain nombre de modifications au programme et notamment l'obligation de prévoir un itinéraire d'accès jusqu'à la via ferrata n'empruntant que le domaine public ; que la société Heaven Climber a apporté à son offre les modifications demandées tout en faisant des réserves sur l'opportunité de l'obligation d'un chemin d'accès n'utilisant que le domaine public ; qu'après que la commune eut notifié à la société Heaven Climber le rejet de son offre, cette société lui a demandé en vain de lui faire connaître les motifs de ce rejet et le nom de l'entreprise retenue ; qu'elle a, en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, saisi le président du tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la suspension de la procédure de passation du contrat et à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres ; que, par une première ordonnance en date du 9 février 2004, le magistrat délégué par le président de ce tribunal a enjoint à la commune de différer la signature du contrat ; qu'après que la commune eut fait connaître les motifs du rejet de l'offre de la société Heaven Climber, le même magistrat a , par une seconde ordonnance du 19 février 2004, annulé la décision du maire rejetant cette offre ainsi que la décision de la commission du 11 décembre 2003 attribuant le marché à la société EMTA, suspendu la poursuite de la passation du marché au stade du choix de cette commission et enjoint à la commune de reprendre la procédure de passation à ce stade ; que la COMMUNE DE CASTELLAR demande l'annulation de cette seconde ordonnance ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que, pour prendre les mesures énoncées ci-dessus, le premier juge, après avoir constaté que le programme fonctionnel détaillé prévoyait notamment l'aménagement au minimum de deux parcours et que parmi les contraintes d'implantation des itinéraires d'accès ne figurait pas l'obligation impérative d'emprunter le domaine public communal, a estimé qu'en écartant l'offre de la société Heaven Climber (…) conforme au programme fonctionnel détaillé et en choisissant l'offre de la société EMTA légèrement moins disante, notamment en raison de l'abandon du parcours destiné aux enfants et dont l'unique itinéraire proposé a été préféré parce qu'il n'empruntait que le domaine public, la commission d'appel d'offres de la COMMUNE DE CASTELLAR a porté atteinte à l'égalité de traitement des candidats ; qu'en ne précisant pas en quoi le choix de la commission a méconnu les critères de sélection des offres fixés par le règlement de la consultation, le juge des référés n'a pas suffisamment motivé sa décision et n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE CASTELLAR est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 36 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : La procédure d'appel d'offres sur performances est une procédure par laquelle la personne responsable du marché définit un programme fonctionnel détaillé, sous la forme de résultats vérifiables à atteindre ou de besoins à satisfaire ; qu'aux termes de l'article 68 du même code : Après examen et classement des offres par la commission d'appel d'offres, chaque candidat est entendu par la commission, dans des conditions de stricte égalité, définies dans le règlement de la consultation. A la suite de cette audition et, le cas échéant, d'une audition supplémentaire si elle s'avère nécessaire, les candidats peuvent préciser, compléter ou modifier leur offre. L'offre modifiée est remise et traitée dans les mêmes conditions que l'offre initiale. La discussion avec les candidats a pour seul objet la définition des moyens aptes à satisfaire au mieux les besoins de la personne publique. Les procédés et les prix proposés par les candidats ne peuvent être divulgués au cours de la discussion. La personne responsable du marché ne peut élaborer ou modifier le cahier des charges en combinant des éléments proposés par différents candidats sans le communiquer à l'ensemble des candidats afin de leur permettre de modifier le cas échéant leur offre ; qu'enfin aux termes de l'article 5 : La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision par la personne publique avant tout appel à concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à concurrence. Le marché conclu par la personne publique doit avoir pour objet exclusif de répondre à ces besoins ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si les prescriptions du programme fonctionnel détaillé peuvent être modifiées après la remise des offres, ces modifications ne peuvent porter sur la nature et l'étendue des besoins de la personne publique, lesquelles peuvent seulement faire l'objet des précisions nécessaires pour répondre aux éléments d'information complémentaires apparus au cours de la procédure et à la condition que ces précisions soient portées en temps utile à la connaissance de tous les candidats ayant fait une offre pour leur permettre de l'adapter ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la commission d'appel d'offres de la COMMUNE DE CASTELLAR a, dans sa séance du 11 décembre 2003, retenu l'offre de la société EMTA en faisant sienne la proposition de cette dernière de ne pas réaliser le parcours enfants prévu par le programme fonctionnel détaillé au motif qu'il était trop dangereux ; que la suppression d'un des deux parcours exigés par ce programme ne saurait être regardée comme une simple précision portant sur l'étendue des besoins de la collectivité mais comme une modifications des besoins définis dans le programme fonctionnel détaillé ; qu'au surplus cette modification du programme n'a pas été portée à la connaissance de la société Heaven Climber ; que, par suite, la commission d'appel d'offres ne pouvait, pour analyser les mérites respectifs des deux offres qui lui étaient soumises et déterminer son choix, se fonder sur le programme ainsi modifié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Heaven Climber est fondée à demander l'annulation de la décision rejetant son offre et de la décision de la commission d'appel d'offres du 11 décembre 2003 attribuant le marché à la société EMTA ;

Considérant en revanche que l'irrégularité de la modification du programme fonctionnel détaillé fait obstacle à la poursuite de la procédure d'appel d'offres sur performances pour la passation du marché ; que la COMMUNE DE CASTELLAR peut seulement, si elle juge opportun de réaliser son nouveau programme, procéder à une nouvelle consultation sur le fondement des dispositions du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 2004 ; que, par suite, les conclusions de la société Heaven Climber tendant à ce que la procédure de passation soit suspendue et à ce qu'il soit ordonné à la commune de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE CASTELLAR le versement à la société Heaven Climber de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Heaven Climber qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE CASTELLAR au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 19 février 2004 du vice-président délégué du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La décision du maire de Castellar rejetant l'offre de la société Heaven Climber et la décision du 11 décembre 2003 de la commission d'appel d'offres de la COMMUNE DE CASTELLAR sont annulées.

Article 3 : La COMMUNE DE CASTELLAR versera à la société Heaven Climber la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE CASTELLAR et de la société Heaven Climber est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CASTELLAR et à la société Heaven Climber.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 265784
Date de la décision : 04/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-03 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. - MODE DE PASSATION DES CONTRATS. - APPEL D'OFFRES. - APPEL D'OFFRES SUR PERFORMANCE - MODIFICATION DU PROGRAMME FONCTIONNEL DÉTAILLÉ EN COURS DE PROCÉDURE - A) LIMITES - B) CONDITIONS.

39-02-02-03 a) Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 5, 36 et 68 du code des marchés publics annexé au décret du 7 mars 2001 que si les prescriptions du programme fonctionnel détaillé déterminé par la personne publique ayant recours à un appel d'offres sur performance peuvent être modifiées après la remise des offres, ces modifications ne peuvent porter sur la nature et l'étendue des besoins de la personne publique, lesquelles peuvent seulement faire l'objet des précisions nécessaires pour répondre aux éléments d'information complémentaires apparus au cours de la procédure.,,b) Ces précisions ne peuvent toutefois être apportées par la personne publique qu'à la condition d'être portées en temps utile à la connaissance de tous les candidats ayant fait une offre pour leur permettre de l'adapter.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2005, n° 265784
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:265784.20050404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award