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08/04/2005 | FRANCE | N°264477

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 08 avril 2005, 264477


Vu la requête, enregistrée le 12 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 janvier 2004 en tant que par, ce jugement, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 19 décembre 2003 fixant le pays à destination duquel devait être exécutée la reconduite à la frontière de M. Saïd A ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée devant ce tribunal p

ar M. A et tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2003 fixant le pays...

Vu la requête, enregistrée le 12 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 janvier 2004 en tant que par, ce jugement, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 19 décembre 2003 fixant le pays à destination duquel devait être exécutée la reconduite à la frontière de M. Saïd A ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée devant ce tribunal par M. A et tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2003 fixant le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien, est entré en France le 12 août 2001 et a demandé le bénéfice de l'asile territorial ; qu'après que le ministre de l'intérieur eut rejeté sa demande par une décision du 20 février 2003, le préfet des HAUTS-DE-SEINE lui a notifié le 10 avril 2003 un refus de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire national dans un délai d'un mois ; que l'intéressé s'étant maintenu en France au delà de ce délai, le préfet des HAUTS-DE-SEINE a pris à son encontre le 19 décembre 2003 un arrêté de reconduite à la frontière et une décision distincte fixant l'Algérie comme pays de destination ; que M. A a contesté ces deux décisions devant le président du tribunal administratif de Paris ; que, par un jugement en date du 22 janvier 2004, le magistrat délégué par le président de ce tribunal a rejeté les conclusions de l'intéressé dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière mais a annulé la décision fixant le pays de destination ; que le préfet des HAUTS-DE-SEINE fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé cette dernière décision et que M. A présente un appel incident dirigé contre le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A , de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 10 avril 2003, de la décision du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, par un arrêté du 2 juin 2003, régulièrement publié au numéro spécial du recueil des actes administratifs du département du 2 juin 2003, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, a donné à M. Pierre-André Peyvel, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Peyvel n'aurait pas été compétent faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 19 décembre 2003, par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé la reconduite à la frontière de M. A, énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et est suffisamment motivé ;

Considérant enfin que la circonstance que M. A serait exposé à des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine ne peut être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par suite, ses conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'annulation de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ; que ce dernier texte énonce que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que, si M. A qui exerçait la profession de menuisier, soutient qu'il a dû fuir l'Algérie à la suite de menaces dont il a fait personnellement l'objet en 1998 ou 2000 de la part de groupes islamistes armés en raison de son refus de se laisser rançonner, il n'apporte pas la preuve par les deux seules attestations qu'il produit qu'il serait exposé aux mêmes risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, le seul fait de son appartenance au Front des Forces socialistes et de son origine kabyle ne suffit pas à justifier qu'il encourrait des risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour en Algérie ; que, par suite, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision fixant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'en tout état de cause les motifs de la présente décision n'impliquent pas qu'il soit enjoint au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de transmettre le dossier de l'intéressé à l'office français de protection des réfugiés et des apatrides ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2004 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 19 décembre 2003 du préfet des HAUTS-DE-SEINE fixant le pays de destination.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de sa reconduite à la frontière, ses conclusions d'appel incident, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Saïd A, au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 264477
Date de la décision : 08/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2005, n° 264477
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264477.20050408
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