La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2005 | FRANCE | N°262332

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 11 avril 2005, 262332


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 décembre 2003 et 3 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Emmanuel X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 20 mars 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a décidé la récupération pour retour à meilleure fortune de la somme de 112 916,74 euros à l'encontre de M. X... ;

2°) statuant après cassation, de juger qu'il n'y avait pas lieu à récupération des prestations d'aide sociale a

vancées par le département du Rhône ;

3°) de mettre à la charge du département d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 décembre 2003 et 3 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Emmanuel X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 20 mars 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a décidé la récupération pour retour à meilleure fortune de la somme de 112 916,74 euros à l'encontre de M. X... ;

2°) statuant après cassation, de juger qu'il n'y avait pas lieu à récupération des prestations d'aide sociale avancées par le département du Rhône ;

3°) de mettre à la charge du département du Rhône le versement d'une somme de 5 500 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 2002 ;73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, notamment son article 54 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Lafouge, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X... et de Me Blanc, avocat du département du Rhône,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que M. X... se pourvoit en cassation contre la décision en date du 20 mars 2003 par laquelle la commission centrale d'aide sociale, après avoir annulé les décisions de la commission départementale d'aide sociale du Rhône du 6 juin 2000 et la décision de la commission d'admission à l'aide sociale de Lyon du 21 mai 1999, a décidé qu'il y avait lieu à récupération pour retour à meilleure fortune de la somme de 112 916,74 euros à son encontre ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 132 ;8 du code de l'action sociale et des familles, qui a repris les dispositions de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale, les recours aux fins de récupération de prestations d'aide sociale peuvent être exercés par le département contre le bénéficiaire de ces prestations « revenu à meilleure fortune » ; que ces dispositions sont applicables à la récupération de l'allocation compensatrice, instituée par l'article 39 de la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées et régie par les articles L. 245 ;1 à L. 245 ;11 du code de l'action sociale et des familles, et qui figure au nombre des prestations d'aide sociale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 245 ;6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 janvier 2002 : « (…) Il n'est exercé aucun recours en récupération de l'allocation compensatrice à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assuré, de façon effective et constante, la charge du handicapé » ; que l'article 54 de la loi du 17 janvier 2002 a ajouté à ces dispositions la phrase suivante : « Les sommes versées au titre de l'allocation compensatrice ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui ;ci est revenu à meilleure fortune » ;

Considérant que les textes applicables à une action en récupération de prestations d'aide sociale sont ceux en vigueur à la date à laquelle la situation de la personne contre laquelle cette action est exercée peut être regardée comme ayant été définitivement constituée ; que, s'agissant d'un recours exercé contre le bénéficiaire de l'aide sociale revenu à meilleure fortune, il en est ainsi lorsque l'événement constituant le retour à meilleure fortune se produit ; qu'il appartient au juge, dans ce cas, de faire application des textes en vigueur à cette date ;

Considérant que si, par les dispositions ajoutées par l'article 54 de la loi du 17 janvier 2002 à l'article L. 245 ;6 du code de l'action sociale et des familles, le législateur a entendu interdire toute action en récupération pour retour à meilleure fortune à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, il n'a pas, en l'absence de disposition expresse en ce sens, modifié les règles applicables aux actions engagées à cette date à l'égard de situations définitivement constituées ; qu'ainsi, les dispositions applicables à l'action en récupération exercée, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, contre M. X... pour retour à meilleure fortune à la suite des événements intervenus entre 1992 et 1997, sont celles de l'article L. 245 ;6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction antérieure à sa modification par la loi du 17 janvier 2002 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les nouvelles dispositions ajoutées à l'article L. 245 ;6 par cette loi faisaient obstacle à l'action en récupération exercée par le département du Rhône contre M. X... n'est pas fondé ;

Considérant qu'aucun texte, ni aucun principe général n'impose à l'administration, lorsqu'elle accorde une prestation d'aide sociale d'informer le bénéficiaire de l'éventualité de l'exercice futur d'un recours en récupération pour retour à meilleure fortune ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 20 mars 2003 de la commission centrale d'aide sociale décidant la récupération à son encontre de la somme de 112 916,74 euros pour retour à meilleure fortune ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Rhône, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. X... de la somme que demande celui ;ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X... la somme de 3 000 euros que demande le département du Rhône au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.

Article 2 : M. X... versera au département du Rhône une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Emmanuel X..., au département du Rhône et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES. - INCIDENTS. - NON-LIEU. - ACTION EN RÉCUPÉRATION DES PRESTATIONS - A) LOI DU 17 JANVIER 2002 INTERDISANT L'ACTION EN RÉCUPÉRATION POUR RETOUR À MEILLEURE FORTUNE (ART. L. 245-6 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES) - MODIFICATION DES RÈGLES APPLICABLES AUX ACTIONS ENGAGÉES AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI À L'ÉGARD DE SITUATIONS DÉFINITIVEMENT CONSTITUÉES - ABSENCE [RJ1] - B) OBLIGATION D'INFORMER LE BÉNÉFICIAIRE DE L'AIDE SOCIALE, LORS DE L'OCTROI DE CETTE AIDE, QU'UNE TELLE ACTION POURRA ÉVENTUELLEMENT ÊTRE EXERCÉE - ABSENCE.

04 a) Les textes applicables à une action en récupération de prestations d'aide sociale sont ceux en vigueur à la date à laquelle la situation de la personne contre laquelle cette action est exercée peut être regardée comme ayant été définitivement constituée. S'agissant d'un recours exercé contre le bénéficiaire de l'aide sociale revenu à meilleure fortune, il en est ainsi lorsque l'événement constituant le retour à meilleure fortune se produit. Il appartient au juge, dans ce cas, de faire application des textes en vigueur à cette date. Si, par les dispositions ajoutées par l'article 54 de la loi du 17 janvier 2002 à l'article L. 245-6 du code de l'action sociale et des familles, le législateur a entendu interdire toute action en récupération pour retour à meilleure fortune à compter de l'entrée en vigueur de cette loi, il n'a pas, en l'absence de disposition expresse en ce sens, modifié les règles applicables aux actions engagées à cette date à l'égard de situations définitivement constituées.,,b) Aucun texte, ni aucun principe général n'impose à l'administration, lorsqu'elle accorde une prestation d'aide sociale, d'informer le bénéficiaire de l'éventualité de l'exercice futur d'un recours en récupération pour retour à meilleure fortune.


Références :

[RJ1]

Rappr. 1er octobre 2004, Mazzoni, T. p. 584.


Publications
Proposition de citation: CE, 11 avr. 2005, n° 262332
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Philippe Lafouge
Rapporteur public ?: M. Devys
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; BLANC

Origine de la décision
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Date de la décision : 11/04/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 262332
Numéro NOR : CETATEXT000008217460 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-04-11;262332 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award