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13/04/2005 | FRANCE | N°258755

France | France, Conseil d'État, 8eme et 3eme sous-sections reunies, 13 avril 2005, 258755


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet 2003 et 10 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE, venant aux droits de la société Editions SOS, dont le siège est 106, rue du Bac à Paris (75007) ; l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 mai 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel formé par Mlle Maria Y à l'encontre du jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Paris r

ejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septem...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet 2003 et 10 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE, venant aux droits de la société Editions SOS, dont le siège est 106, rue du Bac à Paris (75007) ; l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 6 mai 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel formé par Mlle Maria Y à l'encontre du jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 septembre 1996 du ministre du travail confirmant la décision de l'inspecteur du travail du 20 mars 1996 autorisant son licenciement pour motif économique, a annulé ce jugement, ainsi que les décisions attaquées ;

2°) statuant au fond, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 octobre 1999, en ce qu'il a rejeté la requête de Mlle Y contre les décisions des 20 mars et 20 septembre 1996 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code de justice administrative : … Les juges délibèrent en nombre impair ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la minute de l'arrêt litigieux, que la formation de jugement comportait le président, le rapporteur et les deux assesseurs, soit quatre membres ; que son arrêt a ainsi été rendu dans des conditions irrégulières et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de Mlle Y devant la cour administrative d'appel de Paris ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant que si, pour juger de la réalité des offres de reclassement, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement concrètes, précises et personnalisées ont été effectivement exprimées, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Editions SOS, aujourd'hui dissoute et au droit de laquelle vient l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE, n'a pas recherché, à compter du moment où le licenciement de Mlle Y était envisagé et comme elle y était tenue, la possibilité de reclasser cette salariée au sein du groupe constitué par l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE ; que la circonstance, à la supposer établie, que Mlle Y avait indiqué ne pas souhaiter un reclassement à Paris est sans incidence sur l'obligation qu'avait l'entreprise de lui faire une proposition de reclassement ; que, dès lors, la décision, en date du 20 septembre 1996, par laquelle le ministre du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail en date du 20 mars 1996 et a autorisé le licenciement de Mlle Y pour raison économique est entachée d'une erreur de droit ; que, par suite, Mlle Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 12 octobre 1999, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; qu'il convient ainsi d'annuler ce jugement et ces décisions ;

Sur les conclusions devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mlle Y, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Editions SOS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mlle Y et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 6 mai 2003 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 octobre 1999, la décision en date du 20 septembre 1996 du ministre du travail et la décision en date du 20 mars 1996 de l'inspecteur du travail sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle Y la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour administrative d'appel de Paris par la société Editions SOS, aux droits de laquelle vient l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE, sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION SECOURS CATHOLIQUE, à Mlle Maria Y et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.


Synthèse
Formation : 8eme et 3eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 258755
Date de la décision : 13/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 TRAVAIL ET EMPLOI. - LICENCIEMENTS. - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION. - LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE. - OBLIGATION DE RECLASSEMENT. - RECLASSEMENT SUR LE TERRITOIRE NATIONAL - PRISE EN COMPTE DES PRÉFÉRENCES GÉOGRAPHIQUES EXPRIMÉES PAR UN SALARIÉ - CONDITIONS PRÉALABLES - FORMULATION PAR L'EMPLOYEUR DE PROPOSITIONS CONCRÈTES, PRÉCISES ET PERSONNALISÉES [RJ1] - INFORMATION COMPLÈTE ET EXACTE DU SALARIÉ [RJ2] - CONDITIONS NON SATISFAITES, EN L'ESPÈCE.

66-07-01-04-03-01 Si, pour juger de la réalité des offres de reclassement, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement concrètes, précises et personnalisées ont été effectivement formulées par l'employeur, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte. Par suite, l'autorisation administrative de licenciement ne peut être accordée à l'employeur qui s'est abstenu de rechercher, alors que le licenciement d'un travailleur protégé était envisagé, s'il lui était possible de reclasser l'intéressé en France au sein du groupe auquel il appartenait, alors même que le salarié aurait préalablement indiqué ne pas souhaiter retrouver un emploi dans l'une des zones géographiques du territoire national sur lesquelles ce groupe était implanté.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cass. soc. 7 juillet 2004, RJS 10/04 n°1017.,,

[RJ2]

Cf. 18 juin 1997, Société SEMIP, T. p. 1109.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2005, n° 258755
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Pierre-François Mourier
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:258755.20050413
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