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14/04/2005 | FRANCE | N°279340

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 14 avril 2005, 279340


Vu, enregistrée le 5 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par M. Bouabdellah A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 25 mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière du 6 mai 2004 pris à son encontre et à ce qu'il soit en

joint à l'administration de réexaminer sa situation compte tenu des changeme...

Vu, enregistrée le 5 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par M. Bouabdellah A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 25 mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière du 6 mai 2004 pris à son encontre et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa situation compte tenu des changements en fait et en droit concernant sa vie familiale ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

il expose qu'il vit en concubinage avec Z... Halima B ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le 6 mai 2004, par le préfet des Yvelines ; qu'il a conclu un pacte civil de solidarité avec sa concubine enregistré au greffe du tribunal d'instance de Toulon le 21 mars 2005 ; qu'à la suite de la publication des bans, la date de son mariage a été fixée au 25 juin 2005 ; que l'administration a cependant cherché à mettre à exécution la mesure de reconduite ; qu'il a été placé en garde à vue le 21 mars 2005 ; que le préfet du Var a ordonné le lendemain son placement en rétention administrative ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon l'a assigné à résidence ; que la mise à exécution de la décision d'éloignement est contraire aux stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la volonté délibérée de l'autorité administrative d'empêcher son union avec une ressortissante française ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistré le 8 avril 2005, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui conclut au rejet de la requête ; le ministre relève que si l'urgence semble de prime abord caractérisée dans la mesure où le requérant fait l'objet d'une procédure d'éloignement, elle n'en doit pas moins être relativisée eu égard à l'attentisme dont a fait preuve l'intéressé ; qu'en tout état de cause, il n'y a pas d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que l'arrêté de reconduite ne porte pas au droit du requérant de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée ; qu'il n'y a pas davantage de violation de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où l'exécution de l'arrêté de reconduite, malgré les changements de circonstances de fait et de droit dans la situation de M. A, n'est que l'aboutissement d'une procédure d'éloignement commencée en mai 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de ladite convention ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil, notamment ses articles 147, 175-2 et 515-2 ;

Vu l'article 12 de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-2 et L. 523-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Bouabdellah A, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 avril 2005 à 12 heures 15, à l'issue de laquelle, après audition de Maître Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A et des représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, il a été décidé de prolonger l'instruction jusqu'au 14 avril 2005 à 12 heures ;

Vu, enregistrés le 11 avril 2005, les documents produits par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales dont il ressort que le requérant a déclaré le 20 novembre 2002 qu'il était marié avec Mme Halima X... et qu'il est père de trois enfants ;

Vu, enregistrés le 13 avril 2005, les documents produits pour le requérant et notamment un certificat de non mariage le concernant établi à la date du 25 décembre 2004 en présence de deux témoins ;

Vu, enregistré le 14 avril 2005, le mémoire complémentaire présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui tend aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale... ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant que par ses articles L. 511-2 à L. 511-5 le code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui reprend à cet effet les dispositions pertinentes de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, a organisé une procédure particulière de contestation de la légalité d'un arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger ; qu'elle se traduit notamment par le caractère non exécutoire d'un tel arrêté pendant le délai de recours ouvert à son encontre, par l'effet suspensif attaché au pourvoi formé devant le tribunal administratif jusqu'à ce que le président du tribunal ou son délégué ait statué ainsi que par l'existence d'une procédure d'appel ; que cet appel est dépourvu de caractère suspensif hors le cas où, sur le fondement des dispositions combinées des articles R. 811-14 et 811-17 du code de justice administrative, il en est autrement décidé par le juge d'appel à la demande du requérant ;

Considérant que par ces dispositions le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure contentieuse régissant la contestation devant la juridiction administrative d'un arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière d'un étranger ; qu'ainsi, un arrêté de reconduite à la frontière n'est pas justiciable en principe des procédures de référé instituées par le livre V du code de justice administrative ;

Considérant que, dans le cas où le juge est saisi simultanément de conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière et de conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de renvoi, les règles de procédure qui viennent d'être rappelées s'appliquent à l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière comme à la décision distincte déterminant le pays de renvoi ;

Considérant cependant, que le mécanisme particulier de contestation d'un arrêté de reconduite à la frontière ainsi décrit ne fait pas obstacle à l'intervention du juge des référés dans le cas où les mesures par lesquelles il est procédé à l'exécution d'un tel arrêté comportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait depuis l'intervention de cet arrêté, excèdent le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Bouabdellah A, de nationalité algérienne, est entré en France le 22 janvier 2001, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu' après rejet par arrêté ministériel du 12 mars 2003 de sa demande d'asile territorial, un refus de séjour lui été opposé le 9 avril 2003, suivi de l'intervention, le 6 mai 2004, d'un arrêté du préfet des Yvelines ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il a reçu notification de cet arrêté le 16 juin 2004 ; que cependant, la mise à exécution de la mesure d'éloignement n'a été envisagée qu'à la suite de l'établissement le 21 mars 2005 à Toulon (Var) d'un procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire constatant que l'intéressé est en situation irrégulière ; que M. A a alors été placé en garde à vue avant de faire l'objet d'un placement en rétention administrative décidé par arrêté préfectoral du 22 mars 2005 ; que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon l'a, le 23 mars 2005, assigné à résidence ;

Considérant que pour soutenir que la mise à exécution de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière porterait une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de mener une vie familiale normale et à son droit au mariage, garantis respectivement par les articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le requérant fait valoir qu'il est sur le point de contracter un mariage avec une ressortissante de nationalité française et qu'il a, d'ores et déjà conclu avec elle un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du tribunal d'instance de Toulon le 21 mars 2005 ; qu'au cours de l'audience de référé M. A a invoqué en outre un moyen tiré de ce que l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière serait constitutive d'un détournement de pouvoir au motif qu'elle n'aurait d'autre objet que d'interdire son mariage, alors que les bans ont été publiés du 4 au 14 février 2005 et que la date de la cérémonie a été fixée au 25 juin 2005 ;

Mais considérant qu'il résulte du supplément d'instruction ordonné au terme de l'audience de référé que lors du dépôt, le 20 novembre 2002 de sa demande d'asile territorial, M. A, a certifié être marié avec une ressortissante algérienne et être le père de trois enfants ; qu'il a indiqué sur sa demande que son épouse et ses enfants étaient demeurés en Algérie ; qu'en réponse à la communication de ce document, l'intéressé s'est borné à produire un certificat de non mariage établi par une autorité locale algérienne sur l'attestation et la responsabilité de deux témoins, dont la valeur probante est très incertaine ; que, dans ces conditions, et alors au demeurant que M. A s'est abstenu de contester dans le délai prescrit la légalité de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, les conclusions de sa requête ne peuvent être accueillies ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Bouabdellah A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Bouabdellah A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Var.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 279340
Date de la décision : 14/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2005, n° 279340
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:279340.20050414
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