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22/04/2005 | FRANCE | N°262705

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 22 avril 2005, 262705


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2003 et 15 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (S.C.I.) LES SALICORNES, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LES SALICORNES demande au Conseil d'Etat :

1°) l'annulation de l'arrêt du 9 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, en premier lieu, annulé le jugement du 23 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêt

en date du 20 octobre 1999 du maire de Wissant retirant son arrêté du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2003 et 15 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE (S.C.I.) LES SALICORNES, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LES SALICORNES demande au Conseil d'Etat :

1°) l'annulation de l'arrêt du 9 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, en premier lieu, annulé le jugement du 23 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 20 octobre 1999 du maire de Wissant retirant son arrêté du 30 novembre 1998 accordant un permis de construire à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LES SALICORNES et, en second lieu, rejeté la demande dirigée contre ledit permis ainsi que contre la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre ;

2°) le rejet des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 1998 et de la décision implicite de rejet dirigée contre ledit arrêté et l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 1999 ;

3°) la condamnation de M. et Mme Claude C..., M. Achille D..., M. Serge E..., M. Roger X..., Mme Brigitte Y..., M. Jean-Paul F..., M. Frédéric Z..., M. Henri A..., M. Frédéric B... et du syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi du 10 juillet 1965 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la S.C.I. LES SALICORNES et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. C... et autres,

- les conclusions de Mme G... de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'arrêt de la cour administrative d'appel :

Considérant qu'en vertu d'une règle générale de procédure applicable même sans texte, un membre d'une juridiction administrative ne peut pas participer au jugement d'un recours dirigé contre une décision administrative ou juridictionnelle dont il est l'auteur ou qui a été prise par une juridiction ou un organisme collégial dont il était membre et aux délibérations desquelles il a pris part ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un des membres de la cour administrative d'appel de Douai, qui siégeait à la séance tenue le 9 octobre 2003 par la première chambre de ladite cour au cours de laquelle a été examiné le recours formé par M. et Mme C... et huit autres copropriétaires ainsi que par le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » contre un jugement du tribunal administratif de Lille en date du 23 avril 2001, avait, en qualité de membre de ce tribunal administratif, pris part aux délibérations ayant donné lieu à ce jugement ; qu'ainsi, la composition de la cour administrative d'appel de Douai était irrégulière ; que, dès lors, la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES SALICORNES » est fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 9 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a, en premier lieu, annulé le jugement du tribunal administratif de Lille qui avait annulé l'arrêté en date du 20 octobre 1999 du maire de Wissant retirant son arrêté du 30 novembre 1998 accordant un permis de construire à la S.C.I. « LES SALICORNES » et, en second lieu, rejeté la demande dirigée contre ledit permis ainsi que contre la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à son encontre ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, « s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut (…) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'en vertu d'un premier permis de construire délivré le 12 mars 1981, la S.C.I. « LES SALICORNES » a obtenu l'autorisation de construire, sur un terrain dont elle était alors propriétaire à Wissant, et devant demeurer indivis pour faire l'objet d'une copropriété, 44 logements dans trois immeubles collectifs destinés à être vendus en l'état futur d'achèvement des travaux ; que le bâtiment « A » ayant seul été édifié, un nouveau permis de construire a été délivré à la S.C.I., sur sa demande, par le maire de Wissant le 30 novembre 1998, qui autorisait la construction de 26 logements dans deux nouveaux bâtiments « B » et « C » ; que ce permis a été retiré par arrêté du 20 octobre 1999 du maire de Wissant au motif que la S.C.I., qui avait omis d'indiquer que le terrain faisait l'objet d'une copropriété, ne justifiait pas de l'accord des copropriétaires pour la réalisation des constructions projetées ; que le permis du 30 novembre 1998 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet acte ont été attaqués par M. et Mme GX et huit autres copropriétaires ainsi que par le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » devant le tribunal administratif de Lille ; que la S.C.I. « LES SALICORNES » a demandé au même tribunal l'annulation de l'arrêté de retrait du 20 octobre 1999 ;

Sur la recevabilité de l'appel et de la demande de première instance en tant qu'elles émanent du syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » :

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 : « Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble » ; qu'en vertu de l'article 18 de la même loi, le syndic est chargé de représenter le syndicat en justice, notamment dans les cas visés à l'article 15 ; qu'en application de ces dispositions, le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes », représenté par son syndic, a un intérêt lui donnant qualité pour contester tant le jugement en date du 23 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté de retrait du 20 octobre 1999 et rejeté les conclusions dirigées contre le permis de construire du 30 novembre 1998 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit permis, que ces décisions elles-mêmes ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 30 novembre 1998 :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 421 ;1 ;1 du code de l'urbanisme, « la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain » ;

Considérant qu'à la date de délivrance du permis attaqué, les appartements du bâtiment « A » avaient été vendus ; qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier du règlement général de copropriété du 25 mai 1983 que ces ventes ont entraîné l'application du statut de la copropriété aux parties communes et à la totalité du sol sur lequel devait être réalisé l'ensemble du programme, tant pour le bâtiment « A » construit sur les lots 1 à 63, que pour les bâtiments « B » et « C » à construire sur le lot n° 64 ; que les propriétaires des lots vendus étaient ainsi devenus copropriétaires du terrain d'assiette du projet ; que, contrairement à ce que soutient la S.C.I. « LES SALICORNES », aucune stipulation de ce règlement général de copropriété ne lui conférait le droit exclusif d'édifier des constructions sur le lot n° 64 ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la S.C.I. « LES SALICORNES » n'avait pas recueilli, avant de présenter sa nouvelle demande de permis de construire, l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires requis par l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel les travaux affectant les parties communes sont soumis à autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; que, dans ces conditions, elle n'avait pas qualité pour présenter la demande de permis de construire sur le lot n° 64 ;

Considérant que le maire, dont l'avis avait été sollicité lors de l'instruction du premier permis de construire du 12 mars 1981, ne pouvait ignorer, lorsqu'il a instruit la demande ayant donné lieu au permis de construire attaqué, que les appartements du bâtiment « A » étaient achevés et habités et qu'ainsi, le terrain faisant l'objet de ladite demande était désormais possédé en copropriété ; que la commune ne peut utilement soutenir que la S.C.I. « LES SALICORNES » avait la qualité de propriétaire apparent dudit terrain ; que, par suite, en l'absence d'accord préalable des copropriétaires, le permis de construire en date du 30 novembre 1998 a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421 ;1 ;1 du code de l'urbanisme et doit pour ce motif être annulé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire attaqué et de la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit permis ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 20 octobre 1999 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de l'arrêté en date du 20 octobre 1999 retirant le permis de construire accordé le 30 novembre 1998 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme C..., M. D..., M. E..., M. X..., Mme Y..., M. F..., M. Z..., M. A..., M. B... et du syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes », qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la S.C.I. « LES SALICORNES » demande, en appel et en cassation, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la S.C.I. « LES SALICORNES » la somme globale de 1 500 euros que M. et Mme C..., M. D..., M. E..., M. X..., Mme Y..., M. F..., M. Z..., M. A..., M. B... et le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » ont demandée en appel sur le fondement des mêmes dispositions, ainsi que la somme globale de 4 000 euros que M. et Mme GX, M. GY, M. GZ, M. GA, Mme GB, M. HG, M. GD, M. GE, M. GF et le syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes » ont demandée en cassation sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 9 octobre 2003 et le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 23 avril 2001 sont annulés.

Article 2 : L'arrêté du 30 novembre 1998 par lequel le maire de Wissant a accordé un permis de construire à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES SALICORNES » et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ledit permis sont annulés.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de l'arrêté en date du 20 octobre 1999 pris par le maire de Wissant retirant le permis de construire accordé le 30 novembre 1998.

Article 4 : La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES SALICORNES » versera globalement à M. et Mme C..., M. D..., M. E..., M. X..., Mme Y..., M. F..., M. Z..., M. A..., M. B... et au syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes », d'une part, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et, d'autre part, la somme de 4 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

Article 5 : Les conclusions de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES SALICORNES » tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES SALICORNES », à M. et Mme Claude C..., à M. Achille D..., à M. Serge E..., à M. Roger X..., à Mme Brigitte Y..., à M. Jean-Paul F..., à M. Frédéric Z..., à M. Henri A..., à M. Frédéric B..., au syndicat des copropriétaires de la résidence « Les Salicornes », à la commune de Wissant et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 262705
Date de la décision : 22/04/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2005, n° 262705
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:262705.20050422
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