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25/04/2005 | FRANCE | N°279827

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 25 avril 2005, 279827


Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour M. Mahmoud Ali Abdallah X, faisant élection de domicile au siège de ... ; M. X demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de lui attribuer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du

Gard de lui délivrer, dans un délai de trois jours à compter de la notification...

Vu, enregistrée le 21 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée pour M. Mahmoud Ali Abdallah X, faisant élection de domicile au siège de ... ; M. X demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de lui attribuer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Gard de lui délivrer, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et de lui remettre un dossier de demande d'asile sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil, la S.C.P. Alain-François Roger et Anne Sevaux, qui renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros hors taxe en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

il expose qu'il est entré en France irrégulièrement et s'est présenté le 22 mars 2005 dans les services de la préfecture du Gard pour solliciter l'asile et obtenir à cette fin une autorisation provisoire de séjour ; que sa demande a été rejetée au motif qu'il était dépourvu de document d'identité attestant de son état civil ; qu'il a attesté sur l'honneur être né le 15 décembre 1974 à Del Al Balam (Palestine) de Mammoud Ali son père, et de Mme Abdallah Zahia, sa mère, tous deux décédés ; qu'il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative d'une requête tendant à ce que soit ordonnée la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'un dossier de demande d'asile ; que c'est au prix d'une erreur de droit que le premier juge a rejeté ses conclusions ; qu'en effet, le droit d'asile constitue une liberté fondamentale ; qu'aux termes de l'article L. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission au séjour d'un demandeur d'asile ne peut être refusée au seul motif que l'intéressé est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article L. 211-1 de ce code ; que l'article L. 741-4 du même code énumère de façon limitative les cas dans lesquels le bénéfice de l'asile peut être refusé à l'étranger ; qu'au nombre de ces cas, ne figure pas la circonstance que l'étranger serait dépourvu de documents d'identité ; que c'est en vain que le préfet du Gard a fait valoir que l'exposant aurait pu déposer sa demande d'asile dans le cadre de la procédure prioritaire prévue par l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, lequel a été repris à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation n'entre pas dans le champ des prévisions de ce dernier texte, lequel n'est susceptible de s'appliquer qu'aux demandeurs auxquels l'un des motifs de refus énoncés à l'article L. 741-4 a été opposé ; que, dans ces conditions, une atteinte grave et manifestement illégale a été portée à une liberté fondamentale ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu, enregistrées le 22 avril 2005, les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que dès lors que M. X n'était pas à même d'apporter les indications relatives à son état civil exigées par l'article 14 du décret du 30 juin 1946 modifié, le préfet du Gard était fondé à refuser de lui remettre un dossier de demande d'asile et, par voie de conséquence, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu de relever également qu'eu égard à la convocation dont il a fait l'objet pour le 26 avril 2005, M. X n'est pas présentement en situation irrégulière sur le territoire français ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution notamment son Préambule et l'article 53-1 ;

Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés, ensemble le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant l'adhésion de la France au protocole relatif au statut des réfugiés signé à New York le 31 janvier 1967, ensemble le décret n° 71-280 du 9 avril 1971 portant publication de ce protocole ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, notamment ses articles 20 et 37 ;

Vu l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, modifié notamment par le décret n° 2004-813 du 14 août 2004, en particulier son titre III ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, notamment ses articles 62 à 65 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-2 et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 22 avril 2005 à 16 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus, Maître Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X et les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Considérant qu'il y a lieu d'admettre M. X à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;

Considérant que le droit d'asile a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de ces dispositions ; qu'il a pour corollaire le droit pour un étranger de se voir reconnaître la qualité de réfugié ; que la mise en oeuvre de ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de cette qualité soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, hors les cas limitativement énumérés par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'admission au séjour en vue de la présentation d'une demande d'asile est susceptible d'être refusée ; que ne figure pas au nombre des motifs de refus d'admission la circonstance que la justification de son état civil par le demandeur repose sur une déclaration sur l'honneur faite par l'intéressé, dès lors qu'il n'est pas établi que la demande d'asile, ainsi qu'il est dit au 4° de l'article L. 741-1 du code précité, repose sur une fraude délibérée de sa part ;

Considérant qu'en raison de cet état du droit, les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ont fait savoir au cours de l'audience de référé que des instructions ont été données par l'administration centrale aux services de la préfecture du Gard à l'effet de permettre à M. X, auquel un refus avait été initialement opposé, de faire enregistrer sa demande d'asile et de se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que, dans ces conditions, ainsi d'ailleurs qu'en a convenu le conseil du requérant, il n'y a lieu pour le juge des référés du Conseil d'Etat de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier et sur celles tendant au prononcé d'une injonction à l'adresse du préfet du Gard ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, l'Etat doit être regardé comme la partie perdante ; que la société civile professionnelle Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat de M. X, a déclaré renoncer au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions et par application des dispositions législatives précitées, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à ladite société la somme de 1 000 euros hors taxe, correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamés à M. X si celui-ci n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;

O R D O N N E :

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Article 1er : M. Mahmoud Ali Abdallah X est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Article 2 : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier et tendant au prononcé d'une injonction.

Article 3 : L'Etat versera à la société civile professionnelle Alain-François Roger et Anne Sevaux, qui renonce au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros hors taxe, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mahmoud Ali Abdallah X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Gard.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 279827
Date de la décision : 25/04/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 avr. 2005, n° 279827
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Bruno Genevois
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:279827.20050425
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