La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2005 | FRANCE | N°254952

France | France, Conseil d'État, 4eme sous-section jugeant seule, 20 mai 2005, 254952


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 9 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jérôme Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 11 février 2003 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins des Antilles et de la Guyane française du 22 septembre 2001, a prononcé à son encontre la sanction

de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 9 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jérôme Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 11 février 2003 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, après avoir annulé la décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins des Antilles et de la Guyane française du 22 septembre 2001, a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant un an, a décidé que cette sanction prendrait effet le 1er juillet 2003 et prendrait fin le 30 juin 2004 et a mis à sa charge les frais de l'instance ;

2°) de mettre à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie, ou subsidiairement de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;

Vu l'arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Struillou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Thouin-Palat, avocat de M. Y et de Me Foussard, avocat de la caisse nationale d'assurance maladie, médecin-conseil,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour infliger à M. Y la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant un an, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins s'est fondée sur les griefs tirés, d'une part, de la rédaction de comptes rendus opératoires de caractère stéréotypé ou incomplets, d'autre part, d'abus d'actes et enfin de nombreuses anomalies de cotations ;

Sur la plainte du médecin conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe :

Considérant qu'après avoir relevé que la plainte enregistrée le 14 décembre 1999 devant la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins des Antilles et de la Guyane française était signée du médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe, compétent pour saisir cette juridiction, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'a pas entaché sa décision de dénaturation des pièces du dossier, a pu légalement en déduire qu'elle n'émanait pas du médecin-conseil régional, comme l'avait indiqué à tort la décision des premiers juges ; qu'en répondant ainsi à ce moyen soulevé par l'appelant, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure, tel qu'il est rappelé aux articles L. 145-8 et R. 145-16 du code de la sécurité sociale ou par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'après avoir souverainement apprécié que les comptes rendus opératoires versés au dossier étaient, d'une manière générale, de type stéréotypé, qu'ils étaient imprécis sur les techniques employées dans six dossiers ou incomplets par absence de mention d'un geste opératoire pourtant effectué dans deux dossiers, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a pu en déduire, sans commettre d'erreur de qualification juridique, ni, en tout état de cause, méconnaître le principe de légalité des peines et des délits, que le comportement reproché à M. Y constituait une faute au regard des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale ;

Considérant que la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'avait pas à répondre aux simples arguments développés par M. Y, a relevé que les dossiers joints à la plainte et cités par celle-ci révélaient un nombre important d'anomalies dans le sens de l'excès et de l'abus de cotations ; qu'ayant souverainement apprécié la nature de cinq catégories d'interventions qu'elle a citées en exemple, elle a pu légalement en déduire que les cotations appliquées par le praticien poursuivi constituaient des abus de cotations ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en y incluant, notamment, celles concernant l'ablation de chambres implantables ;

Considérant qu'après avoir relevé une importante proportion d'appendicites dites inflammatoires traitées au cours d'autres interventions, l'existence de cholécystectomies non motivées et l'exérèse fréquente de kystes ne nécessitant pas de traitement chirurgical, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, qui a porté sur la nature et la fréquence de ces interventions une appréciation souveraine, n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en jugeant qu'elles caractérisaient des abus d'actes et a suffisamment motivé sa décision sur ce point ;

Considérant que c'est par une appréciation souveraine que la section des assurances sociales a estimé que les lacunes relevées dans les comptes rendus opératoires étaient susceptibles de faire courir des risques injustifiés aux patients et a, sans commettre d'erreur de qualification juridique, jugé que ce comportement fautif était contraire à l'honneur professionnel et par suite exclu de l'amnistie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 30 du décret du 26 octobre 1948, rendu applicable à la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins par l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale : Toute décision de la section disciplinaire est exécutoire dès sa notification, sauf mention contraire de la décision ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour le recouvrement des frais de l'instance mis à la charge de M. Y, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins n'a pas commis d'erreur de droit en assortissant cette condamnation d'un délai de paiement d'un mois ;

Sur la plainte de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe :

Considérant que si M. Y soutient que la lettre en date du 14 mars 2000, par laquelle la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe déclare s'associer à la plainte formée par le médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe, ne lui a pas été notifiée par la section des assurances sociales du conseil régional, ce moyen, invoqué pour la première fois devant le juge de cassation, n'est pas recevable ; qu'en outre, le requérant ne peut utilement soutenir que la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre national des médecins n'aurait pas statué sur la plainte de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, dès lors que cet organisme s'est associé à la plainte du médecin conseil, chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe, et que la section a statué sur cette plainte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie, qui n'est pas partie à l'instance, ou de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. Y la somme de 3 000 euros demandée par le médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. Y est rejetée.

Article 2 : M. Y versera la somme de 3 000 euros au médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jérôme Y, au médecin-conseil chef de service de l'échelon local de la Guadeloupe, à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe, au conseil national de l'ordre des médecins et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.


Synthèse
Formation : 4eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 254952
Date de la décision : 20/05/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2005, n° 254952
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: M. Yves Struillou
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:254952.20050520
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award