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20/05/2005 | FRANCE | N°259858

France | France, Conseil d'État, 4eme sous-section jugeant seule, 20 mai 2005, 259858


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 29 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Isabelle X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 juillet 2003 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a confirmé la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de six mois, avec le bénéfice du sursis pendant trois mois, prise le 22 octobre 2001 par la section des assurances sociales

du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Côte d'Azur-C...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 29 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Isabelle X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 juillet 2003 par laquelle la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a confirmé la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de six mois, avec le bénéfice du sursis pendant trois mois, prise le 22 octobre 2001 par la section des assurances sociales du conseil régional de l'ordre des médecins de Provence-Côte d'Azur-Corse ;

2°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Struillou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme X, de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du conseil national de l'ordre des médecins et de la SCP Boutet, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une décision du 3 juillet 2003, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a infligé à Mme X, infirmière, la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant six mois, assortie du bénéfice du sursis pendant trois mois ; que Mme X se pourvoit en cassation contre cette décision ;

Considérant, en premier lieu, que les articles L. 4391-1, L. 4391-3, L. 4393-3 et L. 4394-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, ont institué un conseil regroupant les personnes exerçant en France les professions d'infirmier, masseur-kinésithérapeute, pédicure-podologue, orthophoniste et orthoptiste, composé notamment d'une chambre disciplinaire de première instance et d'une chambre disciplinaire d'appel nationale ; que l'article L. 145-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la même loi du 4 mars 2002, a exclu de la compétence de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins les litiges nés du contrôle des services techniques concernant les auxiliaires médicaux relevant du conseil institué par l'article L. 4391-1 du code de la santé publique, parmi lesquels figurent les infirmiers ; que ces litiges, en vertu de l'article L. 145-5-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, sont soumis à une section de la chambre disciplinaire de première instance et, en appel, à une section de la chambre disciplinaire nationale du conseil mentionné ci-dessus ; que, par suite, en jugeant qu'aucune disposition législative n'avait modifié les dispositions de l'article L. 145-4 du code de la sécurité sociale relatives à la compétence de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins à l'égard des auxiliaires médicaux la section des assurances sociales a commis une erreur de droit ;

Considérant, cependant, que le V de l'article 74 de la loi du 2 mars 2002 a reporté l'entrée en vigueur des dispositions modifiant les articles L. 145-1 et L. 145-5-1 du code de la sécurité sociale au jour de la proclamation des résultats des élections de l'ensemble des chambres disciplinaires du conseil mentionné à l'article L. 4391-1 du code de la santé publique ; qu'à la date à laquelle la section des assurances sociales a statué sur l'appel formé par Mme X, ces élections n'avaient pas encore été organisées ; que, par suite, à cette date n'étaient pas encore applicables les dispositions ayant pour objet de soumettre aux chambres disciplinaires, instituées par la loi du 2 mars 2002, les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de leur profession par les auxiliaires médicaux relevant du conseil mentionné ci-dessus, à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux et que, dès lors, la section des assurances sociales était bien compétente pour statuer sur l'appel formé par Mme X contre la décision du 22 octobre 2001 de la section des assurances sociales d du conseil national de l'ordre des médecins de Provence-Côte d'Azur-Corse ; que ce motif qui répond à un moyen invoqué devant le juge du fond et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par la décision attaquée de la section des assurances sociales, dont il justifie légalement le dispositif ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à la nature des contestations portées devant la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, aux conditions de désignation des assesseurs ainsi qu'aux modalités d'exercice de leurs fonctions qui les soustraient à toute subordination hiérarchique, les membres de cette juridiction bénéficient de garanties leur permettant de porter, en toute indépendance, une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant la section des assurances sociales ; qu'en outre, les règles générales de procédure s'opposent à ce qu'un membre d'une juridiction administrative puisse participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur et à ce que l'auteur d'une plainte puisse participer au jugement rendu à la suite du dépôt de celle-ci ; qu'il suit de là qu'alors même que les caisses de sécurité sociale et les médecins-conseils ont la faculté de saisir, par la voie de l'appel, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, Mme X n'est pas fondée à soutenir que la section des assurances sociales ne satisfait pas à l'exigence d'impartialité et d'indépendance des juridictions rappelée au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que si, en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 23 du décret du 26 octobre 1948, applicable à la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, en vertu de l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale, un des membres composant la section des assurances sociales est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier, pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l'article 26 du même décret, de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas eu pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité rappelé par les stipulations du premier paragraphe de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en jugeant que les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'enquête préalable à la saisine de la section des assurances sociales étaient sans influence sur la régularité de la procédure suivie devant la juridiction ordinale, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré par Mme X de ce que la section des assurances sociales n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle n'était pas compétente pour la condamner à reverser aux organismes de sécurité sociale les sommes indûment perçues manque en fait ;

Considérant, en dernier lieu, qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine, que Mme X avait facturé deux fois pour de nombreux patients la même série d'actes, et facturé des actes non exécutés ainsi que des actes ou des majorations d'actes ne correspondant pas à la prescription médicale, la section des assurances sociales a pu, par une exacte application de la loi du 6 août 2002, juger que ces faits, en raison de leur gravité et de leur répétition, étaient contraires à l'honneur professionnel et à la probité et, par suite échappaient au bénéfice de l'amnistie instituée par cette loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme X la somme de 2 500 euros demandée par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Mme X versera la somme de 2 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Isabelle X, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, au conseil national de l'ordre des médecins et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.


Synthèse
Formation : 4eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 259858
Date de la décision : 20/05/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2005, n° 259858
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Silicani
Rapporteur ?: M. Yves Struillou
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:259858.20050520
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