Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 9 octobre 2003 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ramis X, ainsi que la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant turc, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 11 avril 2003, de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que M. X a été interpellé le 9 octobre 2003 par les services de la police de l'air et des frontières ; qu'il se trouvait alors dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ;
Considérant que si M. X soutient qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté litigieux, il est constant que l'intéressé avait fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière exécuté en 1997 ; que si M. X est revenu en France depuis lors, son séjour hors du territoire national, quelle qu'en soit la durée, était de nature, par sa cause même, à retirer à cette résidence son caractère habituel ; qu'ainsi l'arrêté du 9 octobre 2003 par lequel le PREFET DE LA SAVOIE a ordonné la reconduite à la frontière de l'intéressé ne méconnaît pas les dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination en tant qu'elle désigne la Turquie ;
Considérant que si M. X soutient qu'il encourt des risques personnels en cas de retour en Turquie, en raison de ses activités politiques passées, il n'assortit ses allégations d'aucun élément probant ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 9 octobre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision distincte fixant le pays de destination ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 13 octobre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SAVOIE, à M. Ramis X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.