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30/05/2005 | FRANCE | N°265307

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 30 mai 2005, 265307


Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Daniel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que lui soit notifié l'arrêté du 22 juillet 1999 le nommant sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe hors échelle E à compter du 11 juillet 1997, d'autre part, à ce qu'il soit nommé sur un tel emploi à compter du 11 juillet 1992, date de sa prise en charg

e par le ministère des affaires étrangères, enfin, à ce que lui soit vers...

Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Daniel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que lui soit notifié l'arrêté du 22 juillet 1999 le nommant sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe hors échelle E à compter du 11 juillet 1997, d'autre part, à ce qu'il soit nommé sur un tel emploi à compter du 11 juillet 1992, date de sa prise en charge par le ministère des affaires étrangères, enfin, à ce que lui soit versée une indemnité en réparation des divers préjudices subis ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de prendre un arrêté le nommant sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe hors échelle E à compter du 11 juillet 1992 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité sollicitée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Béatrice Bourgeois, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un décret en date du 30 janvier 1992, M. X, administrateur civil hors classe, a été nommé ambassadeur itinérant délégué aux investissements internationaux en France ; que, par un arrêté du ministre des affaires étrangères en date du 12 mars 1993, l'intéressé a été placé sur un emploi de ministre plénipotentiaire de deuxième classe, premier échelon, hors échelle A, troisième chevron, à compter du 11 juillet 1992 ; que, par un second arrêté du ministre des affaires étrangères en date du 22 juillet 1999, il a été nommé sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe, hors échelle E, premier chevron, à compter du 11 juillet 1997 ; que M. X conteste, pour les années 1992 à 1997, sa nomination sur un emploi de hors échelle A au lieu d'une nomination sur un emploi de hors échelle E et demande une indemnité au titre du préjudice qu'il soutient en conséquence avoir subi ;

Sur la prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis… » ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même loi : « La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement… Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance » ;

Considérant que le fait générateur de la créance dont se prévaut M. X est sa nomination, par un arrêté du ministre des affaires étrangères en date du 12 mars 1993, sur un emploi de ministre plénipotentiaire de deuxième classe, premier échelon, hors échelle A, troisième chevron, à compter du 11 juillet 1992 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que divers courriers ayant trait à l'existence de la créance ont été échangés entre 1992 et 1999 et ont interrompu les délais ; que le délai de quatre ans prévu à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 précité a donc commencé à courir à compter du 1er janvier 2000 ; qu'ainsi lorsque, le 24 novembre 2003, M. X a présenté un recours gracieux devant le ministre des affaires étrangères, ledit délai n'était pas expiré ; qu'il s'ensuit que la prescription quadriennale ne saurait être opposée à M. X ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 51 du décret du 6 mars 1969, relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires « … Les fonctionnaires appartenant aux corps auxquels prépare l'Ecole nationale d'administration… peuvent être détachés dans le corps des conseillers des affaires étrangères ou, le cas échéant, dans le corps des ministres plénipotentiaires… Les fonctionnaires placés en position de détachement dans le corps des conseillers des affaires étrangères ou dans le corps des ministres plénipotentiaires concourent pour les avancements de classe et d'échelon avec l'ensemble des fonctionnaires du corps d'accueil. Les fonctionnaires détachés sont placés à l'échelon comportant un traitement indiciaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient dans leur corps d'origine » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que, dans son corps d'origine, M. X avait le grade d'administrateur civil hors classe, sixième échelon, hors échelle A, troisième chevron ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 51 du décret du 6 mars 1969 qui imposaient de le nommer à un échelon comportant un traitement indiciaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il percevait dans son corps d'origine, il ne pouvait, en tout état de cause, être détaché dans le corps des ministres plénipotentiaires sur un emploi hors échelle E ; que la circonstance que, dans ses fonctions de conseiller commercial, chef des services de l'expansion économique aux Etats-Unis, M. X occupait un emploi de hors échelle E est à cet égard sans incidence ;

Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la proposition de « décision relative à la création d'un poste d'ambassadeur itinérant délégué à l'investissement étranger en France » adressée le 11 octobre 1991 à M. X par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que l'administration a assuré à l'intéressé qu'il occuperait, au titre de ses nouvelles fonctions et à compter de la date de sa nomination, un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe, doté de la hors échelle E, créé en surnombre sur le chapitre 31 ;90 du budget du ministère des affaires étrangères ; que M. X, en se fondant sur ces assurances, a accepté cette nomination ; que, si ces assurances ne pouvaient être tenues, comme il a été dit ci-dessus, en détachant M. X dans le corps des ministres plénipotentiaires, la création d'un statut d'emploi, qui a d'ailleurs été envisagée, aurait permis de les honorer ; qu'ainsi, en donnant à l'intéressé des assurances qu'elle n'a pas respectées, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, en ne s'enquérant pas des règles statutaires applicables dans son corps de détachement, M. X a commis une négligence de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat ; qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation des responsabilités respectives de chacun en évaluant à 80 % la part de responsabilité de l'Etat et à 20 % celle de M. X ;

Sur le préjudice :

Considérant que le préjudice financier subi par M. X doit être évalué à 80 % de la différence entre le traitement net qu'il a perçu entre le 11 juillet 1992 et le 10 juillet 1997 et celui qu'il aurait dû percevoir s'il avait été placé sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe, doté de la hors échelle E ; qu'il n'y a pas lieu de déduire des sommes en cause les montants correspondant aux titres de perception émis par le Trésor public et qui ont fait l'objet d'une remise, dès lors qu'il n'est pas établi que cette remise soit directement imputable au fait générateur de la créance ; qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice financier subi par M. X en en fixant le montant global à 52 556,69 euros ; que, si M. X présente également une demande d'indemnisation au titre des revenus qui lui seront versés à l'occasion de la liquidation de sa pension de retraite, il résulte de l'instruction que l'intéressé n'a pas encore été admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que, par suite, le préjudice allégué présente un caractère seulement éventuel et ne saurait donc donner lieu à réparation ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressé en en fixant le montant global à 5 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à la reconstitution de carrière :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, M. X ne pouvait être détaché dans le corps des ministres plénipotentiaires sur un emploi hors échelle E ; que, par suite, la promesse de le nommer sur un emploi de ministre plénipotentiaire hors classe, doté de la hors échelle E, créé en surnombre sur le chapitre 31 ;90 du budget du ministère des affaires étrangères, était entachée d'illégalité au regard des dispositions de l'article 51 du décret du 6 mars 1969 ; qu'il s'ensuit que l'intéressé n'est pas fondé à demander qu'il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de le nommer sur un tel emploi à compter du 11 juillet 1992 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. X une indemnité de 57 556,69 euros

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Daniel X et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 265307
Date de la décision : 30/05/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITÉ - ACTION EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE NÉ D'UNE PROMESSE NON TENUE ENVERS UN FONCTIONNAIRE - FAUTE DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DE L'ETAT - EN L'ESPÈCE.

36-13-03 Fonctionnaire pressenti pour assumer de nouvelles fonctions et ayant reçu l'assurance de l'Etat qu'il occuperait, à ce titre et à compter de la date de sa nomination, un emploi budgétaire déterminé créé en surnombre sur l'un des chapitres du ministère auquel l'exercice de ces fonctions serait rattaché. Intéressé ayant accepté, sur le fondement de cette assurance, ladite nomination. Assurance n'ayant pu être tenue, dans le respect des textes applicables, par la mise en oeuvre de la procédure de détachement à laquelle il a été procédé mais ayant pu être honorée par la création d'un statut d'emploi, qui avait d'ailleurs été envisagée. En donnant ainsi à cet agent des assurances qu'elle n'a pas respectées, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES - PROMESSE NON TENUE ENVERS UN FONCTIONNAIRE.

60-01-03-03 Fonctionnaire pressenti pour assumer de nouvelles fonctions et ayant reçu l'assurance de l'Etat qu'il occuperait, à ce titre et à compter de la date de sa nomination, un emploi budgétaire déterminé créé en surnombre sur l'un des chapitres du ministère auquel l'exercice de ces fonctions serait rattaché. Intéressé ayant accepté, sur le fondement de cette assurance, ladite nomination. Assurance n'ayant pu être tenue, dans le respect des textes applicables, par la mise en oeuvre de la procédure de détachement à laquelle il a été procédé mais ayant pu être honorée par la création d'un statut d'emploi, qui avait d'ailleurs été envisagée. En donnant ainsi à cet agent des assurances qu'elle n'a pas respectées, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2005, n° 265307
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:265307.20050530
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