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13/06/2005 | FRANCE | N°281348

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 13 juin 2005, 281348


Vu la requête enregistrée le 9 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société PAGES JAUNES dont le siège social est situé ..., et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) suspende, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision n° 2005-0062 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications en date du 27 janvier 2005 relative à la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ et aux dispositions spécifiques transitoires applicables ;

2°) mette à la char

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Vu la requête enregistrée le 9 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société PAGES JAUNES dont le siège social est situé ..., et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) suspende, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision n° 2005-0062 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications en date du 27 janvier 2005 relative à la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ et aux dispositions spécifiques transitoires applicables ;

2°) mette à la charge de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient d'une part, que différents moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que la décision est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'explique pas les raisons de fait et de droit justifiant l'adoption d'un système dérogatoire pour les sociétés relevant de la notion de groupe ; qu'étant un opérateur déclaré conformément aux dispositions de l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques et de l'article 133 alinéa 1 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, sa non participation au tirage au sort pour l'attribution de numéros de la forme 118XYZ au motif de son appartenance à un groupe est une mesure discriminatoire, contraire aux dispositions des articles L. 32-1 et L. 44 du code des postes et des communications électroniques ; que par ailleurs, cette mesure n'est ni raisonnable ni proportionnée aux objectifs compte tenu de ce que le nombre important de numéros à attribuer pour un usage limité aux seuls services de renseignements ne justifie nullement de limiter de façon drastique le nombre de candidats, qu'elle est un opérateur de communications électroniques n'intervenant pas pour le compte d'un tiers, et qu'aucune disposition du code des postes et des communications électroniques ne prévoit que les entités d'un même groupe doivent être considérées comme un seul et unique opérateur alors qu'elle est reconnue et enregistrée indépendamment de France Télécom auprès de l'Autorité de régulation des télécommunications en tant qu'opérateur ; que la décision attaquée méconnaît le principe de non-discrimination en ce qu'étant une filiale de France Télécom dont le capital est détenu à près de 46 % par le public, elle ne pourra présenter une demande d'attribution des numéros distincte de celles de l'ensemble des sociétés du groupe France Télécom candidates au tirage au sort et qu'ainsi cette mesure discriminatoire est susceptible d'engendrer un déséquilibre et une rupture d'égalité manifeste en matière de concurrence ; que d'autre part, s'agissant de l'urgence, l'exécution de la décision attaquée engendrera un préjudice à la fois grave et immédiat pour ses intérêts et l'intérêt du public ; qu'en effet, l'enjeu et la raison d'être de la procédure organisée par l'autorité de régulation des télécommunications pour l'attribution des numéros de la forme 118XYZ est de permettre à tous les fournisseurs de services de renseignements téléphoniques d'avoir les mêmes possibilités d'obtenir un numéro facilement mémorisable, ce dont elle est privée en appartenant au groupe France Télécom ; que, par conséquent, elle ne se trouve pas sur un pied d'égalité avec ses concurrents ce qui est manifestement préjudiciable à ses intérêts, aux intérêts de ses actionnaires et à ceux des consommateurs ; qu'en outre, la réalisation de ce grave préjudice inhérent à la mise en oeuvre de la décision attaquée est manifestement imminente puisque le tirage au sort est fixé au 14 juin 2005 à 9 heures ; qu'il est manifeste que la décision à intervenir au fond sur le recours en annulation qu'elle a intenté ne pourra pas intervenir en temps utile ; qu'une fois les numéros de la forme XYZ attribués, les opérateurs attributaires mettront immédiatement en oeuvre les accords nécessaires à leur ouverture commerciale le 2 novembre 2005, compte tenu des impératifs techniques, des délais fixés par les catalogues d'interconnexion et des campagnes publicitaires destinées à faire connaître leurs numéros ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée par la société PAGES JAUNES à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 10 juin 2005, présenté pour l'Autorité de régulation des télécommunications devenue l'ARCEP qui tend au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que la condition d'urgence fait défaut à un double titre : d'une part, parce que la requête en référé a été introduite deux mois et demi après que la décision contestée ait été publiée et quinze jours après la requête en annulation, d'autre part, parce que le préjudice invoqué est éventuel et est plus fondamentalement lié à la répartition des numéros qui aura lieu ultérieurement au sein du groupe ; que les moyens invoqués ne sont pas de nature à susciter un doute sérieux en ce que la décision contestée qui est de nature réglementaire, n'avait pas à être motivée et qu'elle l'est, en tout état de cause suffisamment ; que la décision ne méconnaît pas l'article L. 44 du code des postes et communications électroniques ; qu'elle répond, en effet, aux exigences de transparence, d'objectivité et d'absence de discrimination ; qu'il s'agit de faire obstacle à la réservation de numéros à des fins spéculatives ou d'aubaine, objectif que la seule limitation à 10 numéros par candidat ne permet pas d'atteindre ; qu'il était donc nécessaire d'appliquer la même limitation aux groupes définis par référence au code de commerce ; que le dispositif adopté est en relation directe avec les intérêts dont l'Autorité a la charge ; que cette distinction s'impose également du point de vue de la concurrence ; que la décision contestée ne porte pas atteinte au principe d'égalité ; que les inégalités éventuelles ne pourront venir que des décisions prises au sein des groupes ;

Vu enregistré le 10 juin 2005 le mémoire en intervention présenté pour la société NRT qui vient au soutien de la requête ; qu'en effet, le succès de la requête de la société PAGES JAUNES aura pour effet de suspendre la décision de l'ARCEP fixant la date du tirage au sort des numéros 118XYZ fixée au 14 juin 2005 et de suspendre la discrimination dont elle est l'objet en lui interdisant de participer au tirage au sort du 14 juin 2005 ;

Vu enregistré le 10 juin 2005, le mémoire en intervention présenté pour la société Télégate France et qui tend à ce que son intervention soit admise, au rejet de la requête de la société PAGES JAUNES et à ce que la société PAGES JAUNES lui verse une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'elle a intérêt à intervenir ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la demande de suspension est intervenue tardivement, que le préjudice n'est pas immédiat et qu'en tout état de cause, il y a un motif d'intérêt général à engager la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ ; qu'aucun des moyens invoqués ne peut être considéré comme sérieux ; qu'en effet, la décision présente un caractère réglementaire et n'avait pas à être motivée ; que les moyens tirés de la violation des articles L. 32-1 et L. 44 du code des postes et des communications électroniques et du principe de discrimination ne sont pas sérieux ; que l'obligation de regrouper les candidatures au sein d'un même groupe ne constitue pas une discrimination injustifiée mais répond à l'objectif d'assurer une allocation optimale des ressources et une concurrence effective, tout en évitant le contournement de la procédure ; que la règle retenue est objective et proportionnée ;

Vu enregistré le 10 juin 2005 le mémoire en intervention présenté pour la société Le Numéro qui vient au soutien de la défense de l'ARCEP ; elle fait valoir qu'elle a intérêt à intervenir ; que la condition d'urgence prévue par l'article L. 521 du code de justice administrative n'est pas remplie ; que l'action de la société PAGES JAUNES s'explique par sa volonté de retarder l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché ; que la décision contestée ne crée pas de préjudice grave à la société PAGES JAUNES ; qu'aucun des moyens invoqués à l'appui de la requête ne peut être considéré comme sérieux ; que la décision n'avait pas à être motivée ; qu'elle est manifestement raisonnable et proportionnée aux objectifs poursuivis ; qu'elle ne viole pas le principe de non-discrimination mais vise à instaurer une concurrence effective et loyale entre les opérateurs ;

Vu enregistré le 11 juin 2005, le mémoire en réplique produit pour la société PAGES JAUNES qui tend aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; elle fait valoir que d'une part, s'agissant de l'urgence, à la date à laquelle elle a introduit sa requête en annulation, le tirage au sort initialement prévu le 11 mai avait été reporté sine die, que la décision d'organiser un tirage au sort le 14 juin 2005 à 9 heures n'a été rendue publique que le 7 juin 2005 et qu'elle a introduit sa requête en référé dès le lendemain ; que la distinction entre bons numéros et mauvais numéros est réelle et objective ; que le préjudice est donc établi et non éventuel car elle n'a aucune chance de recueillir à l'issue d'une répartition intra-groupe le meilleur numéro qui sera attribué au groupe ; que le préjudice en cause est grave ; que d'autre part, un doute sérieux existe sur la légalité de la décision attaquée ; qu'elle fixe artificiellement une restriction à l'exercice d'une concurrence par les mérites entre des opérateurs déclarés ; qu'elle ne garantit pas pleinement les conditions d'une attribution non discriminatoire de ressources ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les directives 2002/21/CE du Parlement européen et Conseil du 7 mars 2002 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société PAGES JAUNES et d'autre part, l'Autorité de régulation des télécommunications, la société Télégate France, la société Le Numéro et la société NRT ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 11 juin 2005 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me A..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société PAGES JAUNES ;

- les représentants de la société PAGES JAUNES ;

- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Autorité de régulation des télécommunications ;

- les représentants de l'Autorité de régulation des télécommunications ;

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés Télégate France et Le Numéro ;

- Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société NRT ;

Considérant que les sociétés Télégate France, Le Numéro et N.R.T ont intérêt, les deux premières au maintien, la troisième à la suspension de la décision contestée ; que leurs interventions sont donc recevables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que par une décision en date du 24 juin 2004 (Société Scoot France et Société Fonecta n° 249300), le Conseil d'Etat a enjoint à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) de définir dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, les conditions de l'attribution de numéros d'un même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et de la révision du plan de numérotation ; que par une décision n° 2005-0061 du 27 janvier 2005, l'A.R.T. a dédié les numéros de la forme 118XYZ pour être utilisés comme numéros d'accès aux services de renseignements téléphoniques et, par la décision n° 2005-0062 du même jour, publiée le 23 mars 2005 au Journal officiel de la République française, a organisé la procédure d'attribution initiale des numéros afin de garantir un accès non discriminatoire des opérateurs ; que cette procédure prévoit qu'après un dépôt des candidatures fixé à une date limite, et une vérification des dossiers déposés, un tirage au sort sera organisé qui comportera un nombre maximum de dix tours, chaque tour permettant d'attribuer aux candidats qui le souhaitent, et en fonction des numéros disponibles, un numéro supplémentaire ; que la même décision prévoit qu'afin d'éviter tout abus susceptible de nuire à l'égalité de traitement due à chaque candidat, l'Autorité estime nécessaire d'attribuer initialement un maximum de dix numéros par groupe, cette dernière notion étant définie en annexe à la décision, notamment par référence à l'article L. 233-3 du code de commerce ; que la décision n° 2005-0062 demande en conséquence, aux sociétés dont l'intérêt financier justifierait la multiplication des candidatures dans le but d'obtenir plus facilement certains numéros, de regrouper celles-ci ;

Considérant que la société PAGES JAUNES qui est une filiale détenue à 54 % environ par la société France Télécom et qui est cotée en Bourse, demande la suspension de la décision précitée n° 2005-0062 en tant qu'elle prévoit qu'un groupe ne pourra prétendre à l'attribution d'un nombre de numéros supérieur à dix ; qu'elle soutient que cette décision est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle n'explique pas les raisons de fait et de droit justifiant l'adoption d'un système dérogatoire pour les sociétés qui font partie d'un groupe ; qu'elle méconnaît les articles L. 32-1 et L. 44 du code des postes et des communications électroniques qui prévoient d'une part, que l'Autorité veille à l'exercice, au bénéfice des utilisateurs, d'une concurrence effective et loyale entre les fournisseurs de services de télécommunications et d'autre part, qu'elle doit garantir une allocation optimale des ressources en numérotation ; qu'elle fait valoir que la mesure n'est pas raisonnable ni proportionnée aux objectifs poursuivis et institue une discrimination injustifiée entre les opérateurs selon qu'ils appartiennent ou non à un groupe ; qu'en l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne paraît de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision prise le 27 janvier 2005 par l'Autorité de régulation des télécommunications ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de la requête aux fins de suspension ; sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le point de savoir si la condition d'urgence est satisfaite ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demande la société PAGES JAUNES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les sociétés Télégate France et Le Numéro, intervenant en défense et n'étant pas partie à la présente instance, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la société PAGES JAUNES leur verse à chacune la somme de 4 000 euros qu'elles demandent à ce titre ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société PAGES JAUNES la somme de 4 000 euros demandée par l'ARCEP, pour le compte de l'Etat, au titre de ces mêmes dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions des sociétés Télégate France, Le Numéro et N.R.T. sont admises.

Article 2 : La requête de la société PAGES JAUNES est rejetée.

Article 3 : La société PAGES JAUNES versera à l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Article 4 : Les demandes présentées par les sociétés Télégate France et Le Numéro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PAGES JAUNES, à l'A.R.C.E.P, à la société Télégate France, à la société Le Numéro et à la société N.R.T.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 jui. 2005, n° 281348
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : Juge des referes
Date de la décision : 13/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 281348
Numéro NOR : CETATEXT000008214816 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-13;281348 ?
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