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13/06/2005 | FRANCE | N°281422

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 13 juin 2005, 281422


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE NRT, dont le siège est ... ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre d'une part, la décision du 7 juin 2005 par laquelle l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a rejeté sa demande tendant à participer à la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ et, d'autre part, la décision du même jour par laqu

elle cette autorité a fixé la liste des sociétés ou groupes autorisés à pa...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE NRT, dont le siège est ... ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre d'une part, la décision du 7 juin 2005 par laquelle l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a rejeté sa demande tendant à participer à la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ et, d'autre part, la décision du même jour par laquelle cette autorité a fixé la liste des sociétés ou groupes autorisés à participer au tirage au sort du 14 juin 2005 ;

2°) d'ordonner à l'ARCEP qu'elle reprenne la procédure au stade de l'examen des candidatures ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

la société soutient que les décisions attaquées préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts ; qu'en effet, elle s'est récemment constituée pour offrir un service de renseignement téléphonique ; que le choix d'un numéro mémorisable est capital pour son activité dès lors qu'il lui ouvre notamment la possibilité de disposer de sources de financement et de constituer plus facilement un réseau d'opérateurs ; que seules les sociétés tirées au sort le 14 juin 2005 pourront bénéficier d'un bon numéro ; que les décisions attaquées risquent ainsi d'affecter durablement les conditions de concurrence sur le marché des renseignements téléphoniques ; que les trente et un candidats qui seront retenus le 14 juin bénéficieront d'une rente de situation du fait de la qualité des numéros attribués ; que la condition d'urgence doit, par suite, être considérée comme remplie ; que plusieurs moyens sont, en l'état de l'instruction, susceptibles de créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses ; que l'ARCEP, qui ne pouvait exiger de renseignements autres que ceux prévus à l'annexe 1 de sa décision 05-0062 du 27 janvier 2005, a méconnu les règles qu'elle avait édictées ; qu'en tout état de cause, la société NRT a produit les éléments demandés ; que la présélection des dossiers telle qu'elle a été effectuée par l'ARCEP, rompt l'égalité de traitement entre les candidats au détriment des petites sociétés en méconnaissance de l'objectif d'ouverture à la concurrence du marché du renseignement téléphonique ; que les décision attaquées ont été prises en violation de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques qui impose à l'ARCEP de prendre dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis ;

Vu les décisions dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée par la SOCIETE NRT à l'encontre de ces décisions ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2005, présenté pour l'ARCEP qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE NRT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il n'y a pas urgence ; que la société n'apporte pas d'éléments suffisamment précis et concrets à l'appui de ses allégations relatives au préjudice financier subi et aux effets anticoncurrentiels des décisions attaquées ; que l'instauration d'une concurrence sur le marché du service de renseignement téléphonique suppose des acteurs qu'ils puissent prouver leur capacité à intervenir sur celui-ci ; qu'elle est de nature à faire obstacle à ce que les 31 candidats déjà éligibles jouissent d'une rente de situation ; que le préjudice invoqué n'est qu'éventuel ; qu'il dépendra des choix techniques et commerciaux de la société ; qu'aucune activité de la requérante n'est affectée dans l'immédiat par les décisions contestées ; que les sociétés tirées au sort ne choisiront pas forcément les numéros jugés bons par la SOCIETE NRT ; que d'autres candidats ont su fournir à l'ARCEP les renseignements demandés ; qu'il n'existe pas, en l'état de l'instruction, de moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; que l'ARCEP pouvait légalement demander à chacun des candidats des renseignements complémentaires et rejeter les candidatures incomplètes ; que la SOCIETE NRT n'a fourni aucun élément demandé de sorte que l'ARCEP n'a pas été en mesure de s'assurer du sérieux de sa candidature ; qu'il entre dans la mission de l'ARCEP de ne pas traiter sur un pied d'égalité les entreprises risquant de perturber le marché par des comportements spéculatifs et les entreprises en mesure de prouver la réalité de leur projet d'activité de service de renseignement téléphonique ; que l'ARCEP, qui a satisfait aux exigences d'objectivité, de transparence et de non discrimination, n'a pas méconnu l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 juin 2005, présenté pour la Société Télégate France dont le siège social est ... et qui tend à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la suspension éventuelle de la procédure d'attribution initiale des numéros soit limitée à une durée de cinq jours et à ce qu'il soit enjoint à l'ART d'une part, de reprendre l'examen des candidatures immédiatement et de clore celui-ci sous deux jours et d'autre part, de demander au gouvernement de procéder à la publication au Journal Officiel des décisions d'attribution des numéros aux opérateurs dans un délai de 24 heures et enfin, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE NRT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'elle a intérêt à intervenir dès lors qu'elle figure sur la liste des sociétés admises à participer au tirage au sort organisé le 15 juin 2005 ; qu'elle se rapporte aux moyens de l'ARCEP et à ceux qu'elle a développés, en intervention dans son mémoire écrit et lors de l'audience publique de référé du 11 juin 2005, contre la requête n° 281348 de la société Pages Jaunes ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 juin 2005, présenté pour la société Le Numéro dont le siège social est ... ; elle conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE NRT ; elle fait valoir qu'elle a intérêt a agir dès lors qu'elle figure sur la liste des sociétés admises à participer au tirage au sort organisé le 15 juin 2005 ; qu'elle se rapporte aux moyens de fait et de droit développés par l'ART ; elle soutient, en outre, que la SOCIETE NRT, dont les objectifs sont exclusivement spéculatifs, n'a pas intérêt à agir ; que la participation de la requérante à la procédure d'attribution des numéros d'accès au renseignement téléphonique, préjudicierait d'une part, aux intérêts des 31 candidats retenus et d'autre part, au respect du libre jeu de la concurrence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les directives 2202/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIETE NRT et d'autre part, l'ARCEP ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 13 juin 2005 à 14 h 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de la SOCIETE NRT ;

- le représentant de la SOCIETE NRT ;

- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'ARCEP ;

- les représentants de l'ARCEP ;

- Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Télégate France et de la société Le Numéro ;

- le représentant de la société Le Numéro ;

Considérant que les sociétés Le Numéro et Télégate France ont intérêt au maintien des décisions dont la suspension est demandée par la SOCIETE NRT ; que, par suite, leurs interventions sont recevables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que par une décision en date du 25 juin 2004, le Conseil d'Etat a fait injonction à l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) de définir dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, les conditions de l'attribution de numéros d'un même format à tous les opérateurs offrant des services de renseignements téléphoniques et de la révision du plan de numérotation ; que par des décisions n° 2005-0061 et 2005-0062 en date du 27 janvier 2005, l'Autorité de régulation des télécommunications a d'une part, défini les numéros de la forme 118XYZ pour être utilisés comme numéros d'accès aux services de renseignements téléphoniques et d'autre part, défini une procédure initiale d'attribution de ces numéros ; que cette procédure, précisée encore ultérieurement par la décision n° 2005-0301 du 31 mars 2005 prévoyait d'une part, une date limite fixée pour le dépôt des candidatures avec l'indication des éléments devant figurer au dossier, d'autre part, une phase de vérification de la complétude des dossiers et de regroupement des candidatures par groupe , un tirage au sort des numéros par les candidats retenus et enfin, une publication des résultats de la procédure initiale et de l'attribution des numéros ; que la date limite de dépôt des candidatures a été fixée au 15 avril 2005, la date de tirage au sort ayant elle-même été fixée au 11 mai 2005 puis repoussée au 14 juin 2005 ; que le 26 avril 2005, l'ART devenue l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), a invité chacun des candidats ayant satisfait aux critères d'éligibilité définis par les décisions précitées à justifier d'une description du service et schéma de l'architecture, conditions de mise en oeuvre (plan d'affaires) ; de la date prévue du début d'utilisation de la ressource ; des prévisions d'utilisation de la ressource objet de la demande sur les trois premières années et éléments de trafic ; de la description du service précisant les conditions d'accès, et, le cas échéant, la convention établie entre le demandeur et un ou plusieurs exploitants de réseau précisant les conditions techniques et commerciales d'ouverture du ou des numéros ; qu'à la suite de cette demande, l'ARCEP a, par une décision en date du 7 juin 2005, rejeté la demande de la SOCIETE NRT de participer à la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ en relevant que cette société ne fournit aucun schéma d'architecture et ne présente aucun plan d'affaires ... que toute son activité fera l'objet d'une sous-traitance auprès d'entités non précisées ... et qu'elle s'est bornée à évoquer d'éventuels accords commerciaux avec les opérateurs de téléphonie fixe et mobile pour obtenir l'ouverture technique du 118 NRT ; que la SOCIETE NRT demande la suspension de cette décision ainsi que celle, du 7 juin 2005 également, par laquelle l'ARCEP a fixé la liste des sociétés ou groupes autorisés à participer au tirage au sort des numéros XYZ fixé le 14 juin 2005 ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande de suspension, la SOCIETE NRT fait valoir que les décisions de l'ARCEP méconnaissent les dispositions de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques qui lui imposent de prendre dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis en instaurant une procédure de présélection alors qu'elle a le pouvoir de contrôler ex post la bonne utilisation des ressources en numéros, que cette procédure de présélection qui a eu lieu après le dépôt des candidatures n'était pas prévue par les décisions des 27 janvier et 23 mars 2005 décrivant la procédure d'attribution initiale des numéros 118XYZ et constitue un changement des règles en cours de procédure, qu'elle méconnaît le principe d'égalité de traitement entre les candidats et fait obstacle à l'instauration de la concurrence sur le marché du renseignement et qu'enfin, ces décisions sont entachées d'erreurs de fait quant à la fourniture des renseignements demandés ; qu'en l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de ces décisions ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions aux fins de suspension de la requête de la SOCIETE NRT doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SOCIETE NRT au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les sociétés Télégate France et Le Numéro intervenant en défense et n'étant pas partie à la présente instance, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE NRT leur verse à chacune la somme de 4 000 euros qu'elles demandent à ce titre ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOCIETE NRT la somme de 4 000 euros demandée par l'ARCEP, pour le compte de l'Etat, au titre de ces mêmes dispositions ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions des sociétés Télégate France et Le Numéro sont admises.

Article 2 : La requête de la SOCIETE NRT est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE NRT versera à l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les demandes présentées par les sociétés Télégate France et Le Numéro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE NRT, à l'ARCEP, à la société Télégate France et à la société Le Numéro.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 281422
Date de la décision : 13/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2005, n° 281422
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:281422.20050613
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