La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2005 | FRANCE | N°248209

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 15 juin 2005, 248209


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. El Mustapha X, demeurant chez ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2002 du préfet du Val-d'Oise décidant sa reconduite à la frontière et fixant le Maroc comme pays de renvoi, ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à l'administration, à titre principal, de lui délivr

er un titre de séjour sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordon...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. El Mustapha X, demeurant chez ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2002 du préfet du Val-d'Oise décidant sa reconduite à la frontière et fixant le Maroc comme pays de renvoi, ainsi qu'à ce qu'il soit enjoint à l'administration, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 512-4 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date du refus de titre de séjour litigieux, la commission du titre de séjour : est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ; que, selon l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) : 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant marocain, né en 1962, est entré régulièrement en France en 1987 en qualité d'étudiant ; qu'à la date à laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, il était marié avec une ressortissante française qu'il avait épousée à Bezons le 17 mai 1997 ; que M. X a déposé le 31 octobre 1997, à une date où il n'était pas marié depuis au moins un an et ne remplissait donc pas les conditions prévues pour la délivrance de plein droit de la carte de résident par le 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une demande de titre de séjour qui doit être regardée comme fondée sur le 4° de l'article 12 bis de la même ordonnance ; qu'il n'a jamais été fait droit à cette demande, seuls des récépissés provisoires de demande de carte de séjour ayant été délivrés à l'intéressé de 1997 au 23 juillet 2001 ;

Considérant que si le préfet du Val-d'Oise soutient que l'intéressé avait contracté mariage dans une intention frauduleuse en vue de régulariser sa situation administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier, même si son épouse avec laquelle ses relations s'étaient dégradées, a entendu dénoncer, par lettre du 20 décembre 2000, l'existence d'une telle fraude, que M. X se serait marié dans le but exclusif d'obtenir une telle régularisation ; que le préfet n'allègue pas que M. X vivrait en état de polygamie ou que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi le requérant était au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'un premier titre de séjour en application du 4° de l'article 12 bis qui n'exige pas que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, condition requise seulement dans le cas du renouvellement de cette carte ; qu'en se fondant sur la rupture de la vie commune et l'utilisation d'un faux titre de séjour pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet du Val-d'Oise a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'ainsi le moyen soulevé par M. X par la voie de l'exception d'illégalité à l'encontre du refus du séjour qui lui a été opposé le 23 juillet 2001 doit être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 24 mai 2002 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi de se prononcer sur son droit au titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être examinée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Val-d'Oise de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'en revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

D E C I D E :

-------------

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 24 mai 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de statuer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. El Mustapha X, au préfet du Val-d'Oise et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 jui. 2005, n° 248209
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 15/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 248209
Numéro NOR : CETATEXT000008155946 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-15;248209 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award