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17/06/2005 | FRANCE | N°258094

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 17 juin 2005, 258094


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 2 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Boualem X ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde et de

s droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novem...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU NORD ; le PREFET DU NORD demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 2 avril 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Boualem X ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blondel, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 23 décembre 2002, de la décision en date du 17 décembre 2002 par laquelle le PREFET DU NORD lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DU NORD le 2 avril 2003, M. X soulève une exception tirée de l'illégalité de la décision du 14 novembre 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'asile territorial et, par voie de conséquence, de la décision du 17 décembre 2002 par laquelle le PREFET DU NORD a rejeté sa demande de titre de séjour ; qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 : (...) L'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application du présent article ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 23 juin 1998 : Le préfet transmet au ministre de l'intérieur le dossier de la demande, comportant les éléments mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er, les informations qu'il a pu recueillir et son avis motivé. Avant de statuer, le ministre de l'intérieur transmet la copie des éléments mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er et du compte-rendu mentionné à l'article 2 au ministre des affaires étrangères, qui lui communique son avis dans les meilleurs délais ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'avis du ministre des affaires étrangères, qui précède les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur accorde l'asile territorial ou celles par lesquelles il le refuse, doit être pris au vu du procès-verbal d'entretien et de l'avis motivé du préfet sur la demande d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'avis défavorable du PREFET DU NORD en date du 3 décembre 2001 a été adressé au ministre des affaires étrangères qui l'a visé le 18 octobre 2002 ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué du 2 avril 2003, sur le motif que le refus d'asile territorial, puis le refus de titre de séjour sur le fondement desquels cet arrêté avait été pris, étaient intervenus au terme d'une procédure irrégulière, faute pour l'avis du ministre des affaires étrangères d'avoir été précédé de l'avis préfectoral ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Lille et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité externe de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Etienne Iragnes, chef du bureau des nationalités de la préfecture du Nord, avait reçu délégation de signature par arrêté du 8 janvier 2003, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant que cet arrêté comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la mention de l'avis du ministre des affaires étrangères relatif à la décision de refus d'asile territorial n'est requise par aucun texte ; que cet arrêté est ainsi suffisamment motivé ;

Sur la légalité interne de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant que si M. X fait valoir que ses attaches en France sont nombreuses et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, qu'il a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 29 ans et n'est pas dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine où vivent ses parents et ses neufs frères et soeurs ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté aux droits de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'arrêté ayant décidé la reconduite à la frontière de M. X ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision refusant l'asile territorial :

Considérant que si M. X conteste la compétence des signataires du refus d'asile territorial et de l'avis défavorable du ministre des affaires étrangères, il ressort des pièces du dossier que Mme Annick Amiel, adjoint au chef de bureau et Mme Hélène Sekutowicz-Le Brigan, chef du bureau de l'asile territorial, avaient reçu délégation de signature régulièrement publiée, respectivement du ministre de l'intérieur le 8 novembre 2002 et du ministre des affaires étrangères le 11 septembre 2002, pour signer les actes susvisés ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces actes auraient été signés par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a été victime en 1997 d'un incendie volontaire à l'intérieur des locaux qu'il exploitait en Algérie et qu'il était menacé par des groupes terroristes, il n'apporte aucun élément de nature à appuyer ses allégations relatives aux risques personnels et directs que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine, si ce n'est la situation politique générale en Algérie ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant l'asile territorial méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant que pour les raisons ci-dessus mentionnées, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant l'asile territorial méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un certificat de résidence :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Christophe Marx, secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord, avait reçu délégation de signature par arrêté du 26 août 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, pour signer la décision susmentionnée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que celle-ci aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision refusant le titre de séjour méconnaîtrait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que pour les motifs énoncés plus haut, le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite de M. X méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU NORD est fondé à demander l'annulation du jugement du 7 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 2 avril 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 7 avril 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU NORD, à M. Boualem X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 258094
Date de la décision : 17/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2005, n° 258094
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : BLONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:258094.20050617
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