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20/06/2005 | FRANCE | N°281591

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 20 juin 2005, 281591


Vu 1°), enregistrée sous le n° 281591 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée par M. Ismail B, élisant domicile ... - 387 - ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant, en premier lieu, à ce que soit constatée l'atteinte manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par la décision du

préfet des Bouches-du-Rhône du 10 mai 2005 prescrivant sa remise aux autori...

Vu 1°), enregistrée sous le n° 281591 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée par M. Ismail B, élisant domicile ... - 387 - ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant, en premier lieu, à ce que soit constatée l'atteinte manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 mai 2005 prescrivant sa remise aux autorités polonaises, en deuxième lieu, à ce que soit ordonné au préfet de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile dans un délai de soixante douze heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous une astreinte de cent euros par jour de retard et enfin, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

il expose qu'il a quitté la Russie, pays dont il a la nationalité, en compagnie de son épouse enceinte d'un jeune enfant, qui a été mis au monde postérieurement à leur arrivée en France ; qu'il a présenté une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur du statut de réfugié ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a cependant ordonné sa remise aux autorités polonaises au motif qu'il aurait présenté une demande d'asile en Pologne avant d'entrer en France ; que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a écarté ses conclusions dirigées contre cette décision ; qu'il est satisfait à la condition d'urgence posée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative en raison de l'imminence de sa remise à un Etat étranger ; que le droit d'asile constitue une liberté fondamentale ; que son renvoi en Pologne le met dans l'impossibilité de solliciter l'asile ; qu'en outre, compte tenu de l'état de santé de sa femme à la suite d'une grossesse difficile, son renvoi est également contraire à son droit de mener une existence familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que même si l'Etat français n'était pas responsable de l'examen de la demande d'asile en vertu du règlement du Conseil n° 343/2003 du 18 février 2003, il lui appartenait de faire application au cas présent de l'article 15 de ce règlement ; qu'enfin, il convient de rappeler que l'exposant ainsi que son épouse ont vécu au Daghestan ; qu'en raison de leur origine tchétchène, il ont les plus grandes craintes pour leur vie et leur intégrité physique et morale en cas de retour dans leur pays d'origine ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu enregistrées comme ci-dessus le 17 juin 2005 les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi ; le ministre conclut à son rejet au motif tout d'abord, qu'il n'y a pas atteinte au droit d'asile dès lors que la demande d'asile dont les autorités polonaises ont été saisies fera l'objet d'un examen de leur part conformément au règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 ; qu'il n'y a pas violation de la part de l'administration de l'article 15 de ce règlement ; qu'en effet, son paragraphe 1 vise des membres de la même famille qui viendraient à être séparés du fait qu'ils vivraient dans des Etats différents ; que tel n'est pas le cas de M. B et de son épouse ; que le paragraphe 2 du même article ne leur est pas davantage applicable ; qu'il vise le cas d'une personne qui est dépendante d'une autre et qui viendrait à en être séparée ; qu'à cet égard, il y a lieu de relever que la décision de renvoi à destination de la Pologne s'applique à M. B, à son épouse et à leur jeune enfant ; que dans la mesure où Mme B n'est pas atteinte d'une pathologie grave susceptible de faire obstacle à son renvoi, ce dernier n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, le moyen tiré des risques encourus par le requérant dans son pays d'origine est inopérant dès lors que la décision préfectorale contestée procède à un renvoi à destination de la Pologne et non de la Russie ;

Vu 2°), enregistrée sous le n° 281592 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat la requête présentée par Mme Iman Omarovna A, épouse B, élisant domicile ... - 387 - ... ; Mme A, épouse B, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant, en premier lieu, à ce que soit constatée l'atteinte manifestement illégale portée à une liberté fondamentale par la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 mai 2005 prescrivant sa remise aux autorités polonaises, en deuxième lieu, à ce que soit ordonné au préfet de lui délivrer un récépissé de demandeur d'asile dans un délai de soixante douze heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous une astreinte de cent euros par jour de retard et enfin, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

Elle reprend les mêmes moyens de droit et de fait que ceux exposés par son mari dans sa requête enregistrée sous le n° 281591 ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu enregistrées comme ci-dessus le 17 juin 2005 les observations présentées par le ministre de l'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi ; le ministre conclut à son rejet par les mêmes moyens de fait et de droit que ceux exposés en réponse à la requête enregistrée sous le n° 281591 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 53-1 ;

Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ensemble le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 qui en porte publication ;

Vu la loi n° 70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant l'adhésion de la France au protocole relatif au statut des réfugiés signé à New York le 31 janvier 1967, ensemble le décret n° 71-289 du 9 avril 1971 qui en porte publication ;

Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 2003-1210 du 19 décembre 2003 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lithuanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, ensemble le décret n° 2004-450 du 26 mai 2004 qui en porte publication ;

Vu le règlement (CE) n° 2727/2000 du Conseil de l'Union européenne du 11 décembre 2000 concernant la création du système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les requérants et, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 18 juin 2005 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Maître X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B et de Mme A, épouse B ;

- le représentant du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Considérant que les requêtes susvisées de M. B et de Mme A, épouse B présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B et son épouse ont quitté la Russie, pays dont ils sont ressortissants, à une date indéterminée pour entrer en Pologne où ils ont saisi les autorités de ce pays d'une demande d'asile le 18 janvier 2005 ; qu'ils sont ultérieurement entrés en France en sollicitant, à la date du 15 février 2005, une demande d'admission au séjour en vue de saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d'une demande tendant à se voir reconnaître la qualité de réfugié politique ; que, par deux décisions en date du 10 mai 2005 le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné le renvoi des intéressés à destination de la Pologne au motif que, par application du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, cet Etat est responsable de l'examen de la demande d'asile ;

Considérant que les requérants soutiennent que les décisions ainsi prises portent une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales justiciables de la protection particulière instituée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative en tirant argument notamment de la naissance en France le 23 avril 2005 de leur jeune enfant ;

En ce qui concerne l'atteinte alléguée au droit d'asile :

Considérant que le droit d'asile constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'en vertu du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée notamment si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ce règlement avec d'autres Etats ;

Considérant que le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 est applicable à la Pologne depuis le 1er mai 2004, en vertu du traité d'adhésion de cet Etat à l'Union européenne ; qu'au vu des critères de détermination de l'Etat responsable d'une demande d'asile fixés par ce règlement il incombe en principe à la Pologne d'examiner la demande d'asile présentée par les requérants ; que, faute pour les intéressés de satisfaire aux conditions posées par l'article 15 de ce règlement ils ne peuvent utilement en réclamer le bénéfice ;

Considérant il est vrai que, conformément à l'article 53-1 de la Constitution, les autorités françaises ont toujours la faculté d'examiner une demande d'asile, alors même qu'un tel examen relève normalement de la responsabilité d'un autre Etat, en invoquant à cet effet la clause dérogatoire édictée par l'article 3, paragraphe 2 du règlement (CE) n° 343/2003 ;

Considérant toutefois, qu'eu égard notamment à l'absence de précisions sur les risques de persécution encourus par les requérants dans leur pays d'origine, le refus des autorités françaises de faire usage de la faculté d'examiner la demande d'asile de M. B ainsi que celle présentée, au titre du principe d'unité de la famille par son épouse, alors que cet examen incombe normalement à un autre Etat, ne méconnaît pas de façon manifeste le droit constitutionnel d'asile ;

En ce qui concerne l'atteinte alléguée au droit de mener une vie familiale normale :

Considérant qu'en ce qu'il a pour objet de préserver des ingérences excessives de l'autorité publique la liberté qu'a toute personne de vivre avec sa famille, le droit de mener une vie familiale normale constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il est constant que pour la mise en ouvre de la procédure de réadmission des requérants en Pologne, l'administration n'entend nullement dissocier leur cas de celui de leur jeune enfant né sur le territoire français ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A, épouse B serait atteinte d'une pathologie grave qui ferait obstacle à son renvoi en Pologne, en compagnie de son époux et de son enfant ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de mener une vie familiale normale ;

En ce qui concerne l'atteinte alléguée à la liberté personnelle :

Considérant que la liberté personnelle constitue une liberté fondamentale ; qu'elle a notamment pour conséquence de faire obstacle à ce qu'un étranger puisse être renvoyé vers un pays où il se trouverait exposé à un risque réel pour sa personne ;

Mais considérant que les décisions contestées prescrivent le renvoi des requérants à destination non du pays dont ils ont la nationalité et où ils s'estiment menacés en raison de leur appartenance à la minorité tchétchène, mais de la Pologne ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'atteinte à la liberté personnelle ne saurait être retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par les ordonnances attaqués le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de M. B et de Mme A, épouse B sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B et à Mme A, épouse B ainsi qu'au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 281591
Date de la décision : 20/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2005, n° 281591
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:281591.20050620
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