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22/06/2005 | FRANCE | N°262024

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 juin 2005, 262024


Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 octobre 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Meyrem X à destination de la Turquie ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres

pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ...

Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 octobre 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Meyrem X à destination de la Turquie ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme Meyrem X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, applicable à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité turque, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le même jour, de l'arrêté du 13 octobre 2003 par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X a fait valoir, sans apporter d'éléments propres à établir la véracité de l'ensemble de ces déclarations, que quatre de ses enfants, dont deux mineurs, se trouvent sur le territoire français et qu'elle est soutenue par la famille de M. Ayaz, père de ses enfants ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment au fait que Mme X ne démontre pas être dans l'impossibilité d'emmener ses enfants avec elle en Algérie, cet arrêté ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Rouen et devant le Conseil d'Etat ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du 11° de l'article 12 bis et du 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qu'un étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X fait l'objet, depuis février 2002, d'un suivi et d'un traitement psychiatriques pour des troubles psychologiques sévères ; que l'avis rendu, le 15 octobre 2003, par le médecin inspecteur de santé publique du département de la Seine-Maritime, à la demande du préfet, mentionne expressément que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, en estimant que l'état de santé de Mme X ne justifiait pas son maintien sur le territoire français, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME s'est livré à une appréciation entachée d'erreur manifeste ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 13 octobre 2003 prononçant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delaporte Briard et Trichet, avocat de Mme X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Delaporte Briard et Trichet, avocat de Mme X, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à Mme Meyrem X et au ministre de l'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 262024
Date de la décision : 22/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2005, n° 262024
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:262024.20050622
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