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22/06/2005 | FRANCE | N°263103

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 22 juin 2005, 263103


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Liren X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genè...

Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Liren X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, applicable à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Liren X, de nationalité chinoise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 11 avril 2003, de la décision du PREFET DE POLICE du 4 avril 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'ainsi, il était dans l'un des cas où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il est entré en France en 1992, ni la date exacte de son entrée sur le territoire national, ni le caractère continu de son séjour ne ressortent des pièces du dossier ; que, par suite, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment au fait qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité d'emmener son épouse et ses enfants dans son pays d'origine, où il a conservé des attaches familiales, l'arrêté du PREFET DE POLICE n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la violation de ces stipulations pour annuler l'arrêté du 7 août 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité du titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors applicable : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des documents produits par l'intéressé, que M. X était présent en France depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour contesté, notamment au cours des années 1992 à 1994 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article 12 bis, doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) la commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions énoncées aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. X n'entrait dans aucun des cas visés aux articles précités ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que le PREFET DE POLICE aurait dû, conformément aux dispositions de l'article 12 quater de ladite ordonnance, procéder à la consultation préalable de la commission du titre de séjour ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de cette convention : En ce qui concerne les mesures exceptionnelles qui peuvent être prises contre la personne, les biens ou les intérêts des ressortissants d'un Etat déterminé, les Etats contractants n'appliqueront pas ces mesures à un réfugié ressortissant formellement dudit Etat uniquement en raison de sa nationalité. Les Etats contractants qui, de par leur législation, ne peuvent appliquer le principe général consacré dans cet article accorderont dans des cas appropriés des dispenses en faveur de tels réfugiés ; que M. X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de la commission de recours des réfugiés, devenue définitive, ne saurait utilement invoquer à l'encontre de la décision attaquée la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de cette convention ;

Sur le moyen tiré de la violation des articles 3-1 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, publiée par le décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au fait que M. X et sa famille peuvent poursuivre leur vie familiale ailleurs qu'en France, ces stipulations n'ont pas été méconnues par la décision attaquée ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que le requérant ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 août 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 28 octobre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Liren X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 jui. 2005, n° 263103
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263103
Numéro NOR : CETATEXT000008211319 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-22;263103 ?
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