Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé son arrêté du 5 mars 2004 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Evelyn Y et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée dans le délai d'un mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Evelyn Y, de nationalité philippine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 15 janvier 2004, de la décision du 13 janvier 2004 par laquelle le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Evelyn Y est entrée en France en avril 2001 pour y rejoindre sa mère, résidant en France régulièrement depuis 1988 et mariée depuis 1986 à un ressortissant français, M. Y ; ; ; qu'elle a été adoptée par ce dernier, ainsi que son frère et sa soeur, au terme d'une procédure d'adoption simple validée par le tribunal d'instance de Muntinlupa (République des Philippines), le 2 mai 2000, puis par le tribunal d'instance de Bobigny, le 4 novembre 2002 ; qu'elle n'a plus de liens avec son père biologique demeuré aux Philippines, où celui-ci a fondé une nouvelle famille ; qu'elle apporte une aide constante et quotidienne à ses parents, chez lesquels elle vit, compte tenu du grand âge de son père adoptif ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté en date du 5 mars 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Evelyn Y ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mlle Evelyn Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.