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27/06/2005 | FRANCE | N°260562

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 27 juin 2005, 260562


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre 2003 et 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, dont le siège est 20, rue du Lac, BP 3103 à Lyon cedex 03 (69399) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande de M. Robert X, d'une part, annulé le jugement du 2 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté sa demande ten

dant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à l'indemni...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre 2003 et 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, dont le siège est 20, rue du Lac, BP 3103 à Lyon cedex 03 (69399) ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 28 juillet 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, à la demande de M. Robert X, d'une part, annulé le jugement du 2 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté sa demande tendant à la condamnation de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à l'indemniser du préjudice qu'il avait subi du fait du caractère fautif de la décision du 27 août 1990 par laquelle son président a exercé le droit de préemption pour l'acquisition d'un ensemble immobilier dont il est propriétaire, d'autre part, condamné la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON à payer à M. X une somme de 22 867,35 euros en réparation du préjudice subi ;

2°) statuant au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que si l'illégalité externe qui entache une décision de préemption constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée ; que, par suite, en condamnant la communauté urbaine au motif que la décision de préemption litigieuse, entachée d'une insuffisance de motivation, était à l'origine du préjudice subi par M. X, sans rechercher si cette décision était justifiée par l'existence d'un projet d'aménagement répondant aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que celui-ci doit, par suite, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de la décision de préemption :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1, deuxième alinéa, du code de l'urbanisme : Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé ; que ce texte a institué une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité la décision de préemption ;

Considérant que les mentions de la décision attaquée par laquelle le président de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON a décidé de préempter les biens dont les consorts X sont propriétaires, indiquent seulement que l'acquisition de ces biens intervient pour la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat ; qu'en s'abstenant ainsi de préciser les éléments de droit et de fait constituant le fondement de sa décision, le président de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON n'a pas satisfait aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ; que sa décision est, par suite, entachée d'illégalité ;

Sur la légalité de la décision de renoncement à l'exercice du droit de préemption :

Considérant qu'à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 20 décembre 1990 fixant à 2 800 000 F (426 857,25 euros) le prix de l'ensemble immobilier en cause, sur lequel existait un désaccord entre le titulaire du droit de préemption et le propriétaire, la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON a, par décision du 3 juin 1991 notifiée à M. X le 4 juin, renoncé à l'acquisition de ce bien ; que la circonstance que cette décision soit intervenue plus de cinq mois après le jugement du 20 décembre 1990 est sans incidence sur sa légalité, dès lors qu'ont été respectées les dispositions de l'article L. 213-7 du code de l'urbanisme relatives à la procédure de renoncement à l'exercice du droit de préemption ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON en se prévalant du caractère prétendument fautif de la décision du 3 juin 1991 ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant que l'illégalité de la décision de préemption du 27 août 1990 est fautive et, comme telle, susceptible d'engager la responsabilité de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON dès lors qu'elle est à l'origine d'un préjudice ; que l'exercice du droit de préemption institué au profit des collectivités publiques sur les aliénations d'immeubles doit être justifié par un projet suffisamment précis ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la décision de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON était justifiée par un tel projet ; que, dès lors, le préjudice subi par M. X du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, en raison de la décision de préemption du 27 août 1990, de donner suite à la promesse de vente de l'immeuble qu'il avait contractée, est la conséquence directe du vice dont est entachée ladite décision ; que la circonstance que les autorités compétentes auraient pu reprendre la même décision de préemption en répondant aux exigences de motivation de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, ne permet pas d'écarter l'existence de ce lien de causalité entre le préjudice invoqué et la décision de préemption illégale eu égard à l'absence de projet susceptible de justifier cette décision ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a écarté la responsabilité de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et refusé de mettre à sa charge la réparation du préjudice qu'il avait subi ; qu'il doit, par conséquent, être annulé ;

Sur le montant de l'indemnité :

Considérant que le préjudice subi par M. X tient au fait qu'il a été privé de la possibilité de disposer de la somme qu'il pouvait retirer de l'aliénation de son bien, entre la date de la décision illégale de préemption et la date de notification du renoncement de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON soit le 4 juin 1991 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les propriétaires en l'estimant à la somme de 46 000 euros ; que, compte tenu des droits de M. X dans l'indivision à la date de la décision de préemption, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON le versement d'une somme de 23 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X verse à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON la somme qu'elle demande ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON le versement d'une somme de 3 000 euros à M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 28 juillet 2003 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 2 juillet 1998 est annulé.

Article 3 : La COMMUNAUTE URBAINE DE LYON est condamnée à verser à M. X la somme de 23 000 euros en réparation du préjudice subi par celui-ci du fait de la décision de préemption du 27 août 1990.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Lyon est rejeté.

Article 5 : La COMMUNAUTE URBAINE DE LYON versera à M. X la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON sur ce fondement sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, à M. Robert X et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 260562
Date de la décision : 27/06/2005
Sens de l'arrêt : Condamnation seul article l. 761-1
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2005, n° 260562
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Luc Derepas
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : ODENT ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:260562.20050627
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