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27/06/2005 | FRANCE | N°263313

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 27 juin 2005, 263313


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MANCHE ; le PREFET DE LA MANCHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés du 2 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Antonio Y... et X... Valentina Z épouse Y... et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter les demandes formées par M. et Mme Y... devant le tribunal adminis

tratif de Caen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenn...

Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA MANCHE ; le PREFET DE LA MANCHE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a annulé les arrêtés du 2 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Antonio Y... et X... Valentina Z épouse Y... et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter les demandes formées par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Caen ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de M. Y...,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme Y..., de nationalité angolaise, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 21 juillet 2003, de la décision du PREFET DE LA MANCHE du 18 juillet 2003 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen, saisi par M. et Mme Y... de conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 2 décembre 2003 ordonnant leur reconduite à la frontière, s'est fondé, pour annuler ces arrêtés sur le motif que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, d'une part, sur les conséquences de ces mesures sur la situation personnelle des intéressés et, d'autre part, sur les menaces qui pèseraient sur leur liberté au cas où ils seraient reconduits en Angola ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré des risques encourus par les intéressés en cas de retour dans leur pays d'origine, s'il peut être utilement invoqué à l'encontre des décisions fixant le pays à destination duquel les étrangers doivent être éloignés, est en revanche inopérant à l'égard des arrêtés attaqués en tant que ceux-ci ordonnent leur reconduite à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. et Mme Y... font valoir qu'ils ont résidé régulièrement en France entre 2001 et 2003, avec leurs trois enfants, qu'ils font des efforts d'intégration sociale et professionnelle, et que leurs enfants sont scolarisés en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de la durée de séjour des intéressés en France et de ce que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale soit établie dans un autre pays, les arrêtés du PREFET DE LA MANCHE en date du 2 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y... ne sont pas entachés d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces mesures sur la situation personnelle des intéressés ; qu'il résulte ainsi de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 9 décembre 2003, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen s'est fondé sur l'une erreur manifeste qu'aurait commise le PREFET DE LA MANCHE, dans l'appréciation des conséquences des mesures de reconduite, pour annuler, dans leur intégralité, les arrêtés du 2 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y... ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Caen et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité des arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y... :

Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée de son séjour et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, les arrêtés attaqués n'ont pas porté au droit de M. et Mme Y... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces arrêtés ont été pris ; que, par suite, le préfet n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des mesures de reconduite sur la situation personnelle des intéressés ;

Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; que M. et Mme Y... ne peuvent donc utilement se prévaloir de cet engagement international pour demander l'annulation des arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière ;

Sur la légalité des décisions distinctes fixant le pays de destination :

Considérant que les arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. et Mme Y... fixent l'Angola comme pays à destination duquel les intéressés seront reconduits ; que, s'ils font état de ce qu'ils encourraient des risques en cas de retour dans ce pays, M. et Mme Y..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par décision de la commission des recours des réfugiés, n'apportent, à l'appui de ce moyen, pas d'éléments suffisamment probants pour établir la réalité des risques encourus ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que les décisions distinctes fixant le pays de destination méconnaîtraient tant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MANCHE est fondé à demander l'annulation du jugement du 9 décembre 2003 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Caen a annulé ses arrêtés du 2 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Y... et fixant l'Angola comme pays de renvoi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que M. et Mme Y... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 9 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Caen et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA MANCHE, à M. Antonio Y... et X... Valentina Z épouse Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2005, n° 263313
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 27/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263313
Numéro NOR : CETATEXT000008211337 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-27;263313 ?
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