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29/06/2005 | FRANCE | N°266631

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 29 juin 2005, 266631


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 30 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS, dont le siège est ... (62104) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 avril 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé, à la demande de la société Eurovia, la procé

dure de passation du marché relatif à l'aménagement de la plate-forme ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 30 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS, dont le siège est ... (62104) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 2 avril 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé, à la demande de la société Eurovia, la procédure de passation du marché relatif à l'aménagement de la plate-forme fret du terminal maritime du port de Calais ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eurovia, mandataire du groupement Appia/Eurovia ;

3°) de mettre à la charge de la société Eurovia, mandataire du groupement Appia/Eurovia, le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Eurovia,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative alors applicable : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte (...)./ Le président du tribunal administratif (...) statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un avis d'appel public à la concurrence envoyé le 23 décembre 2003 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics et deux autres avis parus dans des journaux d'annonces légales, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS a lancé un appel d'offres ouvert pour l'aménagement de la plate-forme fret DCE 17-5, déplacement des contrôles fret Heart Beat et PMMW dans le port maritime ; que la société EUROVIA et la société Appia Littoral, constituées en groupement solidaire, ont déposé une offre ; que la commission d'appel d'offres a émis, dans sa séance du 11 mars 2004, un avis selon lequel l'offre économiquement la plus avantageuse était la variante n° 1 de la société SCREG ; que la société EUROVIA, agissant comme mandataire du groupement, a, en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, saisi le 18 mars 2004 le président du tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la suspension et à l'annulation de la procédure de passation du marché ; que, par une première ordonnance du même jour, le magistrat délégué par le président de ce tribunal a enjoint à la chambre de commerce et d'industrie de différer la signature du contrat, puis, par une seconde ordonnance du 2 avril 2004, a annulé la procédure de passation ; que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS demande l'annulation de cette seconde ordonnance ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 42 du code des marchés publics alors applicable : Les marchés passés après mise en concurrence font l'objet d'un règlement de la consultation. Les mentions figurant dans ce règlement sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l'économie. Ce règlement est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l'avis d'appel public à la concurrence ; que la production d'un document de présentation des entreprises et de tout renseignement permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats est au nombre des mentions devant figurer dans ce règlement en application de l'arrêté du 28 août 2001 alors en vigueur ;

Considérant que, pour annuler la procédure de passation du contrat, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a notamment considéré que si l'avis d'appel public à la concurrence paru au Bulletin officiel des annonces des marchés publics exigeait des entreprises, à titre de justificatifs de leurs références pour des prestations similaires, un document de présentation des entreprises et tout renseignement permettant d'évaluer leurs capacités professionnelles, techniques et financières, ces mentions n'étaient portées ni dans les deux autres avis publiés dans les journaux d'annonces légales, ni dans le règlement de la consultation et que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS avait ainsi méconnu les obligations de publicité instituée par les dispositions précitées de l'article 42 ;

Considérant, toutefois, que l'article 3 du règlement de la consultation exigeait de la part des entreprises la production de ce document et de ces pièces ; que, par suite, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS est fondée à soutenir que le premier juge ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, relever que le règlement de la consultation ne respectait pas les exigences de l'article 42 du code des marchés publics ; que ce motif d'annulation de la procédure de passation du contrat retenu par le juge du référé ne revêt pas un caractère surabondant ; qu'il suit de là que la chambre est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge du référé pré-contractuel du tribunal administratif de Lille ;

Sur la demande de la société EUROVIA :

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposé par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS :

Considérant que la société EUROVIA tenait de sa qualité de membre du groupement solidaire qu'elle avait constitué avec la société Appia Littoral, un intérêt lui donnant qualité pour saisir le juge du référé pré-contractuel d'une demande d'annulation de la procédure de passation du contrat pour lequel le groupement a présenté une offre ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la chambre et tirée du défaut de mandat donné à la société EUROVIA par la société Appia Littoral ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne la procédure de passation du contrat :

Considérant qu'aux termes de l'article 40 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, qui n'a été annulé, par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 28 avril 2003, qu'en tant qu'il ne comporte pour les marchés entrant dans le champ d'application de la directive n° 92/50/CEE modifiée ni dispositions fixant des modèles d'avis ni renvoi à des arrêtés ministériels pour la fixation de tels modèles, et demeurait ainsi applicable pour les marchés d'un montant inférieur aux seuils d'application des directives : En dehors des cas prévus à l'article 30 et aux II et III de l'article 35, tout marché doit être précédé d'une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective, dans les conditions définies ci-après (...) IV. - Pour les marchés de travaux d'un montant compris entre 90 000 euros HT et 5 900 000 euros HT, la personne publique est tenue de publier un avis d'appel public à la concurrence soit dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics, soit dans un journal habilité à recevoir des annonces légales (...) ; que, si ces dispositions ne précisent pas le contenu de l'avis d'appel public à la concurrence, il incombe à la personne responsable du marché de porter dans cet avis les mentions suffisantes pour permettre une mise en concurrence effective ;

Considérant que si l'article 42 précité du même code précise que le règlement de la consultation est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l'avis d'appel public à la concurrence, ces dispositions n'ont, contrairement à ce que soutient la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS, ni pour objet ni pour effet de permettre à la personne responsable du marché de ne pas porter dans les avis d'appel public à la concurrence des mentions qui doivent y figurer au motif qu'elles se trouvent dans le règlement de la consultation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de voirie et réseaux divers représentent environ 90 % des travaux et du coût du marché et que le déplacement des installations proprement dites de douanes et de contrôle du fret n'en constituait qu'une part minime ; que l'avis envoyé par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS le 23 décembre 2003 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics mentionne comme objet aménagement de la plate-forme fret DCE 17-5, déplacement des contrôle de fret Heart Beat et PMMW ; que toutefois, les deux avis adressés à des journaux d'annonces légales, après avoir repris la même formulation dans la rubrique objet du marché comportent dans la même rubrique, sous l'intitulé lot(s) la mention suivante : 01 DCE 17-5 déplacement des contrôle fret Heart Beat et PMMW dans le cadre de l'aménagement de la plate-forme fret ; que les expressions lots n° 1 et dans le cadre de l'aménagement de la plate forme fret peuvent induire en erreur d'éventuels candidats sur la nature et l'ampleur des travaux à réaliser ; que, par suite, et alors même que l'avis envoyé au Bulletin officiel des annonces des marchés publics comporte des mentions suffisantes, la société EUROVIA est fondée, eu égard à l'imprécision de la description de l'objet du marché dans les deux autres avis, à soutenir que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS a méconnu les obligations de publicité auxquelles était soumise la passation de ce marché et à demander, pour ce motif, l'annulation de la procédure de passation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société EUROVIA la somme que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS la somme de 4 000 euros que la société EUROVIA demande au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 2 avril 2004 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La procédure de passation du marché relatif à l'aménagement de la plate-forme fret du terminal de Calais est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS est rejeté.

Article 4 : La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS versera à la société EUROVIA la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE CALAIS et à la société EUROVIA.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 266631
Date de la décision : 29/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2005, n° 266631
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:266631.20050629
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