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29/06/2005 | FRANCE | N°268896

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 29 juin 2005, 268896


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Nassira X... épouse Y, demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2004 du préfet de l'Orne décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat

la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Nassira X... épouse Y, demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2004 du préfet de l'Orne décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Danièle Burguburu, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Foussard, avocat de Mme X...,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 septembre 2001, de la décision du préfet de l'Orne du 29 août 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... ait présenté devant le tribunal administratif de Caen un moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des articles 12 bis et 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à invoquer le défaut de réponse audit moyen ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ; qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de cet article : Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° ci-dessus est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut accorder le renouvellement du titre. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le préfet de l'Orne a pris l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, Mme X... ne remplissait pas la condition de communauté de vie entre époux lui ouvrant droit au renouvellement de sa carte de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ; que si l'intéressée soutient que la communauté de vie a été rompue à son initiative en raison des violences qu'elle a subies de la part de son mari, cette circonstance n'est pas, compte tenu des termes de l'article 12 bis précité, de nature à la faire bénéficier de plein droit du renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Orne ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant que si Mme X... fait valoir qu'elle est entrée en France le 16 octobre 1999 après s'être mariée le 28 juillet 1999 avec un ressortissant français, veuf et père de six enfants, et qu'elle a en France deux frères et deux soeurs et dispose d'une offre d'embauche, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme X..., qui a cessé toute communauté de vie avec son époux dès le mois de décembre 1999, et qui n'est pas dépourvue de tout lien familial au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de l'Orne du 3 mai 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Orne du 3 mai 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme X... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Nassira X... épouse Y, au préfet de l'Orne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 268896
Date de la décision : 29/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-02 ÉTRANGERS. - RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. - LÉGALITÉ INTERNE. - ÉTRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE. - CONJOINT D'UN RESSORTISSANT FRANÇAIS. - EXCEPTION - ETRANGER AYANT ROMPU LA COMMUNAUTÉ DE VIE, MÊME EN RAISON DES VIOLENCES CONJUGALES SUBIES DE LA PART DE SON CONJOINT FRANÇAIS (AVANT-DERNIER ALINÉA DE L'ART. 12 BIS DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945, DANS SA RÉDACTION ISSUE DE LA LOI DU 27 NOVEMBRE 2003).

335-03-02-01-02 Compte tenu de ses termes, l'avant-dernier alinea de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à l'immigration, n'emporte pas renouvellement de plein droit du titre de séjour d'un étranger qui a rompu, en raison des violences conjugales qu'il a subies, la communauté de vie qui l'unissait à son conjoint français. Par suite, possibilité légale de reconduire à la frontière un étranger placé dans une telle situation.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2005, n° 268896
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:268896.20050629
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