La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2005 | FRANCE | N°270919

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 29 juin 2005, 270919


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdelaziz X, ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2004 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le Maroc comme pays de destination de cette reconduite ;
<

br>2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoi...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abdelaziz X, ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2004 par lequel le préfet du Gard a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le Maroc comme pays de destination de cette reconduite ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 février 2004, de la décision du préfet du Gard du 30 janvier 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. X, qui est né le 5 février 1978, soutient être entré en France en 1990, à l'âge de 12 ans, sous couvert du passeport de son père ; qu'il allègue en outre que toute sa famille vit en France ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. X ne rapporte pas la preuve de son séjour ininterrompu en France depuis 1990, il est en revanche établi qu'il y est présent de façon habituelle et continue depuis l'année 1998, date à laquelle il a notamment engagé ses premières démarches aux fins de régularisation de sa situation administrative ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. X dispose en France de nombreuses et intenses attaches familiales, parents, frères et soeurs en situation régulière et installés de longue date sur le territoire ; qu'en outre, plusieurs de ses oncles et tantes sont également résidants en France ; qu'il n'est enfin pas contesté que M. X serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant ainsi qu'en ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, le préfet du Gard a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant qu'à la suite d'une annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de lui prescrire de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 30 juin 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet du Gard en date du 7 juin 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. X et de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelaziz X, au préfet du Gard et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 270919
Date de la décision : 29/06/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2005, n° 270919
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Imbert-Quaretta
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:270919.20050629
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award