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08/07/2005 | FRANCE | N°253728

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 08 juillet 2005, 253728


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Mathilde X..., veuve Y, demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 mai 2001 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 octobre 1999 du tribunal départemental des pensions de Paris rejetant sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 19 juin 1997 lui refusant le maintien de la pension dont éta

it titulaire son mari en tant que victime civile de la guerre 1939-194...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Mathilde X..., veuve Y, demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 15 mai 2001 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 octobre 1999 du tribunal départemental des pensions de Paris rejetant sa demande d'annulation de la décision ministérielle du 19 juin 1997 lui refusant le maintien de la pension dont était titulaire son mari en tant que victime civile de la guerre 1939-1945 ;

2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle afin de savoir, d'une part, si la pension de réversion versée au titre des victimes civiles de guerre entrait dans le champ d'application des articles 12 et 18 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article 6 § 2 du traité sur l'Union européenne, d'autre part, si le Gouvernement français pouvait bien lui opposer la condition de nationalité et/ou de résidence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de Mme X...,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 209 et L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que les ayants-droit des personnes victimes civiles de la guerre ne peuvent prétendre à pension qu'à la double condition que, d'une part, la victime ait possédé la nationalité française ou celle d'un pays signataire d'une convention de réciprocité à la date du fait de guerre, d'autre part, que l'ayant cause lui-même ait la nationalité française ou celle d'un pays signataire d'une convention de réciprocité ; qu'il n'existe pas de convention de réciprocité entre la France et l'Espagne ; qu'il ressort des pièces du dossier que si M. Y a pu bénéficier en France d'une pension au titre de victime civile de la guerre 1939-1945 en sa qualité d'apatride réfugié en France, il a ensuite, comme l'a relevé la cour, choisi de retourner vivre en 1978 en Espagne où il a été réintégré dans la nationalité espagnole en 1990 ; que sa veuve est elle-même de nationalité espagnole ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du Traité instituant la Communauté européenne : Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres... ; que ces stipulations sont sans relation avec le droit à obtention d'une pension qui, comme il a été dit ci-dessus, dépend non pas de la résidence, mais de la nationalité tant de la victime civile que de son ayant-droit ; que, dès lors, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 18 du traité instituant la Communauté européenne que la cour a rejeté la demande de Mme X... ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne : Dans le domaine d'application du présent traité et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité... ; que les prestations en faveur des victimes de la guerre ne sont ni des prestations de sécurité sociale, ni des avantages sociaux au sens du droit communautaire ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 2 de l'article 6 du traité sur l'Union européenne qui y renvoient que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; que dès lors il appartient au justiciable qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que Mme X... n'a pas précisé devant le juge du fond et ne précise pas davantage devant le juge de cassation le droit ou la liberté, reconnus par la convention, qui seraient méconnus par la discrimination qu'elle invoque ; que, par suite, elle doit être regardée comme n'entrant pas dans les prévisions des stipulations de l'article 14 de la convention et ne peut utilement s'en prévaloir ;

Considérant, en quatrième lieu, que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est dépourvue de valeur contraignante ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 2 de l'article 21 de ladite charte est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que Mme X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt en date du 15 mai 2001 de la cour régionale des pensions de Paris ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Mathilde X..., veuve Y et au ministre de la défense.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 08 jui. 2005, n° 253728
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur public ?: M. Olléon
Avocat(s) : LUC-THALER

Origine de la décision
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 08/07/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 253728
Numéro NOR : CETATEXT000008168214 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-07-08;253728 ?
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