Vu, la requête enregistrée le 2 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Lacrimioara X, demeurant chez ... ; Mme X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2004 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la Roumanie comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : I.- Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) II. - Les dispositions du 1° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la communauté européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; b) Ou si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, qu'aux termes de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière (...), et qu'aux termes de l'article 20 de cette convention : Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur le territoire des parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ;
Considérant que si, en vertu des stipulations de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 et du règlement n° 2414/2001 du conseil de l'union européenne, les ressortissants roumains sont dispensés de l'obligation de visa pour entrer dans l'espace Schengen, ils n'en restent pas moins assujettis aux autres conditions prévues à l'article 20 et à l'article 5, notamment paragraphe 1 a) de la convention de Schengen ; qu'ils peuvent, dès lors, faire l'objet d'une reconduite à la frontière, sur le fondement des dispositions précitées du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité roumaine, a été interpellée sur le territoire français le 4 mai 2004, venant de Roumanie, munie d'un faux passeport ; que la requérante n'est pas en mesure de présenter les documents justifiant de son entrée régulière en France prévus par les stipulations de l'article 5 paragraphe 1 a) de la convention d'application de l'accord de Schengen ; que par suite, Mme X se trouvait dans le cas où le préfet peut légalement faire application des dispositions du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que, si le préfet, en l'absence de notification d'une décision lui refusant un titre de séjour, ne pouvait pas, sur le fondement de l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, décider la reconduite à la frontière de Mme X, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision au vu des autres motifs de l'arrêté attaqué ; que la circonstance que la décision implicite de rejet de refus de titre de séjour du préfet des Hauts-de-Seine ne lui ait pas été notifiée est par conséquent sans incidence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 9 août 2004 par le préfet de la Moselle ;
Considérant que l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée dispose : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ;
Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle réside en France depuis 1989, les éléments qu'elle produit à l'appui de ses allégations sont insuffisants, notamment pour les années 1989 à 1996, pour établir sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme X doivent être également rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Lacrimioara X, au préfet de la Moselle et ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.