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27/07/2005 | FRANCE | N°253224

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 27 juillet 2005, 253224


Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 14 mai 1998 du tribunal administratif de Nice accordant à M. et Mme Patrizio X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles

ils ont été assujettis au titre des années 1990 et 1991 ;

2°) rég...

Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 14 mai 1998 du tribunal administratif de Nice accordant à M. et Mme Patrizio X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1990 et 1991 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rétablir M. et Mme X aux rôles de l'impôt sur le revenu des années 1990 et 1991 à hauteur des sommes dont ils ont été déchargés par le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la Principauté de Monaco le 18 mai 1963 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie le 22 octobre 1958 ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie le 5 octobre 1989 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 164 C du code général des impôts : Les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers, sont assujetties à l'impôt sur le revenu sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de cette ou de ces habitations, à moins que les revenus de source française des intéressés ne soient supérieurs à cette base, auquel cas le montant de ces revenus sert de base à l'impôt ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme X, qui sont de nationalité italienne, résident à Monaco ; qu'ils ont été assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des années 1990 et 1991 en application de l'article 164 C du code général des impôts sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle de l'habitation dont ils disposaient dans la commune de Cap d'Ail (Alpes-Maritimes) ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 septembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a accordé la décharge de ces impositions, au motif qu'elles méconnaissaient la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention du 29 octobre 1958, applicable aux impositions en litige dès lors que la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 n'est applicable à l'impôt sur le revenu, en vertu de son article 31, qu'à compter des impositions au titre de 1992 : La présente convention est applicable aux personnes physiques domiciliées en France ou en Italie (…) ; que l'article 22 bis, ajouté le 6 décembre 1965 par un avenant modifiant la convention franco-italienne, stipule : Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 1er et de l'article 22 bis de la convention franco-italienne du 29 octobre 1958 que la clause de non-discrimination prévue à cet article 22 bis n'était applicable qu'aux nationaux des Etats contractants qui résidaient dans l'un des Etats contractants ; qu'elle n'était donc pas invocable par M. et Mme X, qui résident à Monaco ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant que cette convention pouvait être invoquée par M. et Mme X ; que son arrêt doit donc être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme X ne peuvent utilement invoquer les stipulations de l'article 22 bis de la convention franco-italienne du 29 octobre 1958 ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur les stipulations de cette convention pour accorder à M. et Mme X, la décharge des cotisations d'impôts sur le revenu litigieuses, au motif que l'imposition constituerait une discrimination à raison de leur nationalité ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme X ;

Considérant que M. et Mme X soutiennent que la différence entre le traitement qui leur a été appliqué et celui qui serait appliqué à un ressortissant français résidant à Monaco est constitutive d'une discrimination prohibée par le traité instituant la Communauté européenne (CE) ;

Considérant que si les impôts directs ne relèvent pas, en tant que tels, du domaine de compétence de la Communauté européenne, les Etats membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit communautaire et notamment des libertés protégées par les stipulations des articles 52 (devenu, après modification, article 43 CE) et 67 du traité CE ; que les stipulations de l'article 52 du traité CE qui posent le principe de la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans un autre Etat membre ne sont pas applicables aux faits de l'espèce dès lors que les impositions en cause ne relèvent pas de l'exercice d'une activité non salariée ou de la gestion d'une entreprise ; que les stipulations de l'article 67 du traité CE, alors en vigueur, qui prévoyaient la suppression progressive des restrictions aux mouvements de capitaux et les dispositions de droit dérivé prises pour assurer la mise en oeuvre de cet article et, en particulier, la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988, aux dispositions de laquelle les Etats membres devaient se conformer au plus tard le 1er juillet 1990, limitent leur champ d'application aux mouvements de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les Etats membres et ne sont donc pas applicables à M. et Mme X qui sont résidents monégasques ; que si l'article 7 du traité CE (devenu, après modification, article 6 puis article 12 CE) interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité, cette prohibition ne vaut que dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit ; que, s'agissant d'impôts directs ne relevant pas de la compétence de la Communauté européenne, M. et Mme X, dont la situation, ainsi qu'il a été dit, ne met pas en jeu une liberté de circulation protégée par le traité CE, ne peuvent utilement invoquer cet article ; qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que M. et Mme X ne sont pas fondés à invoquer les stipulations des articles 7, 52 et 67 du traité CE et ne peuvent, par suite, utilement soutenir que les dispositions de l'article 164 C du code général des impôts sont contraires au principe de non-discrimination qui découle de ces stipulations ;

Considérant que si M. et Mme X soutiennent que la différence entre le traitement qui leur a été appliqué et celui qui serait appliqué à un ressortissant monégasque résidant à Monaco est constitutive d'une discrimination, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. et Mme X, qui avaient leur domicile fiscal à Monaco, ont disposé d'une habitation située à Cap d'Ail ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de l'article 164 C du code général des impôts ; qu'ils ne soutiennent pas avoir disposé de revenus de source française supérieurs à cette base ; qu'ainsi, c'est à bon droit qu'ils ont été assujettis pour l'année 1990 à l'impôt sur le revenu en application des dispositions de l'article 164 C du code général des impôts ;

Considérant, enfin, que M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir de la réponse faite le 5 novembre 1990 par le ministre du budget à M. Ehrmann, député, selon laquelle les ressortissants monégasques et les ressortissants français titulaires d'un certificat de domicile à Monaco ne sont pas soumis à l'imposition forfaitaire prévue par les dispositions de l'article 164 C du code général des impôts à raison d'une résidence secondaire située dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, dès lors qu'il est constant qu'ils n'en remplissent pas les conditions ; que le moyen tiré de la contrariété de cette réponse au principe de non-discrimination issu du droit communautaire, est inopérant, dès lors qu'il ne leur a pas été fait application de cette doctrine, dont, ainsi qu'il a été dit, ils ne remplissent pas les conditions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accueilli la demande de M. et Mme X en décharge des impositions contestées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 17 septembre 2002 et le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 14 mai 1998 sont annulés.

Article 2 : M. et Mme X sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1990 et 1991, en droits et pénalités, à hauteur des sommes dont la décharge a été ordonnée par le tribunal administratif de Nice.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme Patrizio X.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2005, n° 253224
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Vallée

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 27/07/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 253224
Numéro NOR : CETATEXT000008162858 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-07-27;253224 ?
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