Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mai et 12 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL COURTIMMO, dont le siège est au lieu-dit Courtoin, route de Saint-Hilaire à Vimory (45700) ; la SARL COURTIMMO demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 12 mars 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dirigé contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 2 juin 1998 qui lui avait accordé le remboursement d'une somme de 329 374 F (50 212,74 euros) correspondant à un crédit de taxe sur la valeur ajoutée non imputable dont elle disposait au titre du quatrième trimestre de l'année 1995, a, d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, ordonné le reversement de cette somme au Trésor ;
2°) statuant au fond, de lui accorder le remboursement de la somme litigieuse ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes, notamment son article 13 B ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Loloum, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SARL COURTIMMO,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL COURTIMMO, qui exerce une activité de négoce immobilier, a acquis le 13 janvier 1995 dix-neuf chambres meublées à usage d'habitation situées dans un immeuble en copropriété dans lequel est exploité un établissement hôtelier dans la station de sports d'hiver de Bourg-Saint-Maurice ; qu'elle a repris par l'effet de cette acquisition les droits attachés à un bail commercial conclu par le précédent propriétaire avec l'exploitant de l'établissement hôtelier en vue de la location de ces chambres ; que ce dernier a mis les chambres à la disposition gratuite de ses employés pour assurer leur logement conformément à leur contrat de travail ; que la SARL COURTIMMO a soumis les loyers perçus en exécution du bail commercial à la taxe sur la valeur ajoutée en se prévalant des dispositions du c. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ; qu'elle a demandé le remboursement du crédit de taxe dont elle disposait au titre du quatrième trimestre de l'année 1995 et qui correspondait au reliquat, dont elle n'avait pu opérer la déduction, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix d'acquisition des chambres ; que l'administration fiscale lui a refusé ce remboursement au motif que la location des chambres affectées à l'habitation du personnel de l'établissement hôtelier était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit au recours du ministre, a annulé le jugement du tribunal administratif d'Orléans accordant à la SARL COURTIMMO le remboursement de la somme litigieuse et a ordonné le reversement de cette somme au Trésor public ;
Considérant qu'aux termes du B de l'article 13 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent (…) / b) l'affermage et la location de biens immeubles, à l'exception : / 1. Des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou des secteurs ayant une fonction similaire (…) / Les Etats membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d'application de cette exonération (…) ; que, pour la transposition de ces dispositions et dans l'exercice de cette faculté prévue par la directive, l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1995, dispose : Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : … / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés … / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties par bail commercial à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées au a… ; qu'il résulte des dispositions combinées des a. et c. du 4° de l'article 261 D précité que la location par bail commercial de locaux meublés à l'exploitant d'un établissement hôtelier est une opération assimilable à une activité hôtelière soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans la mesure seulement où le preneur se livre dans ces locaux à des prestations d'hébergement hôtelier ;
Considérant qu'après avoir constaté qu'en l'espèce les chambres meublées que la société requérante donnait en location au gérant de l'hôtel étaient mises par celui-ci à la disposition non pas de sa clientèle mais de ses employés pour servir à leur logement, la cour a estimé que la fourniture de logements par l'exploitant hôtelier à ses salariés qui n'était assortie d'aucune prestation accessoire, ne constituait pas une prestation d'hébergement hôtelier et en a déduit que ces conditions de location n'entraient pas dans les cas d'exception au régime d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux locations de logements meublés ; qu'en jugeant ainsi la cour n'a commis aucune erreur de droit dans l'application du 4° de l'article 261 D ni donné de ces dispositions une interprétation contraire aux objectifs énoncés par le B de l'article 13 de la sixième directive ; que, dès lors, la SARL COURTIMMO n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL COURTIMMO demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la SARL COURTIMMO est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL COURTIMMO et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.