La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/08/2005 | FRANCE | N°282453

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 05 août 2005, 282453


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... B, de nationalité tunisienne, demeurant ... et Mme A... A épouse B, de nationalité française, demeurant ... ; ils demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 18 janvier 2005 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique exercé contre la décision des autorités consulaires de Sfax en Tunisi

e refusant le visa sollicité pour s'établir en France auprès de son épouse ...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. X... B, de nationalité tunisienne, demeurant ... et Mme A... A épouse B, de nationalité française, demeurant ... ; ils demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 18 janvier 2005 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique exercé contre la décision des autorités consulaires de Sfax en Tunisie refusant le visa sollicité pour s'établir en France auprès de son épouse de nationalité française ainsi que la décision implicite en date du 3 avril 2005 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa a implicitement rejeté son recours ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et au Consul de France à Sfax de délivrer le visa sollicité, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1500 euros par jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l'atteinte portée à leur droit de mener une vie familiale normale crée une situation d'urgence ; que plusieurs moyens sont, en l'état de l'instruction, susceptibles de créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; que M. B remplit les conditions prévues par l'article 10 a) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 pour obtenir une carte de résident en qualité de conjoint tunisien d'un ressortissant français dès lors d'une part, qu'il est marié depuis plus d'un an et, d'autre part, que la communauté de vie des époux n'a pas cessé ; que les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, nonobstant les condamnations du requérant par les cours d'appel de Sfax et de Gabès pour faits de violence en 1998, le comportement actuel de M. B n'est pas susceptible de constituer une menace pour l'ordre public français ; que l'union de M. B avec Mlle A ne poursuit pas de but étranger à l'institution matrimoniale ; que les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les décisions dont la suspension est demandée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2005, présenté par le ministre des affaires étrangères qui tend au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions tendant à enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de référé ; qu'en ce qui concerne les conclusions à fin de suspension, il n'existe pas, en l'état de l'instruction, de moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ; que les dispositions de l'article 10 a) de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 sont conditionnées par la régularité du séjour sur le territoire ; que M. B est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France ; qu'en tout état de cause, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer un droit pour un étranger résidant hors de France d'obtenir un visa d'entrée en France ; que les décisions litigieuses ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les condamnations de M. B attestent de la menace qu'il constitue pour l'ordre public français ; qu'eu égard à la gravité des agissements passés de M. B, l'atteinte portée au droit de mener une vie familiale normale des requérants n'est pas disproportionnée ; que la condition d'urgence n'est, par suite, pas remplie ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 août 2005, présenté par M. et Mme B, qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens, et en outre par les moyens que M. B a eu durant son séjour en France un comportement irréprochable ; que les faits qui lui ont été reprochés en Tunisie sont anciens et isolés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n°2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part M. et Mme B, d'autre part le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès- verbal de l'audience publique du vendredi 5 août 2005 au cours de laquelle a été entendu Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme Z... ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision du ministre des affaires étrangères en date du 18 janvier 2005 :

Considérant que, saisi par M. B, de nationalité tunisienne, et Mme B son épouse, de nationalité française, d'un recours hiérarchique contre le refus implicite de visa de long séjour opposé à M. B par le consul de France à Sfax (Tunisie), le ministre des affaires étrangères a donné, le 18 janvier 2005, une suite défavorable à cette demande ; que toutefois, postérieurement à ce rejet, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, saisie à son tour par les soins de M. et Mme B, s'est prononcée par une décision de rejet implicite sur leur recours deux mois après son enregistrement ; que cette nouvelle décision s'est entièrement substituée à la décision ministérielle ; qu'ainsi les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre cette dernière décision ne pourraient être que jugées irrecevables par le juge du fond ; que, par suite, les conclusions présentées devant le juge des référés et tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la décision implicite de la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France :

Considérant, d'une part, que M. et Mme B se sont mariés le 17 janvier 2004, dans le département des Yvelines, après que le ministère public a déclaré ne pas s'opposer à cette union ; qu'un refus de séjour a été opposé à M. B le 17 février 2004, faute pour lui de justifier d'une entrée régulière sur le territoire ; que M. B a alors regagné la Tunisie, où il a entamé aussitôt des démarches en vue de l'obtention d'un visa ; que l'impossibilité où la décision de refus de visa met ainsi M. B de regagner la France et la séparation qui en résulte de l'intéressé et de son épouse portent atteinte au respect de leur droit à une vie familiale normale ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette atteinte est constitutive d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté devant l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener en France une vie familiale normale ; que, toutefois, des circonstances particulières tenant à des motifs tirés par l'administration de la nécessité de préserver l'ordre public sont de nature à justifier légalement un refus de visa ;

Considérant que, pour s'opposer à la délivrance du visa de long séjour demandé par M. B, le ministre des affaires étrangères fait valoir que l'étranger a été condamné dans son pays d'origine en 1998 d'une part à six mois d'emprisonnement pour des faits d'escroquerie, d'autre part à une peine d'un an de prison pour violence ayant entraîné une incapacité et atteinte aux bonnes mours ; qu'il a, en outre, en Tunisie, en échange de versements financiers, facilité le séjour irrégulier de Tunisiens en France, cette activité s'étant poursuivie pendant son séjour en France à compter de 2001 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des copies de l'arrêt de la cour d'appel de Sfax en date du 3 mars 1998 et de l'arrêt de la chambre pénale de la cour d'appel de Gabès du 25 mars 1998, et des éléments recueillis au cours de l'audience, que les faits d'agression avec violence pour lesquels il a été condamné remontent à 1997 sont isolés, le juge ayant constaté l'absence de toute condamnation au casier judiciaire, que l'intéressé a eu un rôle secondaire dans une tentative, la même année, de traversée d'étrangers démunis de titres réguliers vers l'Italie, qu'enfin, nonobstant son entrée irrégulière sur le territoire, il n'a jamais attiré défavorablement l'attention des services de police durant son séjour sur le territoire de 2001 à 2004, et n'apparaît nullement y avoir vécu de revenus tirés d'activités frauduleuses ; que, dans ces conditions, ces circonstances ne sont pas de nature à établir une menace à l'ordre public d'une gravité telle qu'elle puisse justifier l'atteinte portée au droit de M. B à une vie familiale normale ; que le moyen tiré par les requérants de l'erreur manifeste dans l'appréciation portée par la commission de recours sur la demande de visa apparaît ainsi de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du refus ; qu'il en résulte que M. B est fondé à demander, en l'état de l'instruction, la suspension de l'exécution de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que si M. et Mme B demande que soit enjoint à l'autorité consulaire de délivrer dans les trente jours un visa de long séjour à M. B, l'exécution de cette injonction aurait des effets identiques à ceux de la mesure d'exécution que cette autorité serait tenue de prendre en cas d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de la commission de recours ; qu'il n'appartient pas, dès lors, au juge des référés de prononcer l'injonction demandée, mais seulement d'ordonner au ministre des affaires étrangères de procéder à un nouvel examen de la demande de visa de l'intéressé ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. et Mme B au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : L'exécution de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande de visa de long séjour présentée par M. B dans les trente jours suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B la somme de 1 500 euros mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejetée.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme X... B et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 282453
Date de la décision : 05/08/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 aoû. 2005, n° 282453
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:282453.20050805
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award