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10/08/2005 | FRANCE | N°255037

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 10 août 2005, 255037


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 11 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SINKA, dont le siège est ... ; la SOCIETE SINKA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris n'a que partiellement fait droit à sa requête dirigée contre le jugement du 11 juin 1998 en tant que par ledit jugement, le tribunal administratif de Melun rejetait ses conclusions tendant à la restitution de la participation forf

aitaire représentative de la taxe locale d'équipement qu'elle a vers...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 11 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SINKA, dont le siège est ... ; la SOCIETE SINKA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris n'a que partiellement fait droit à sa requête dirigée contre le jugement du 11 juin 1998 en tant que par ledit jugement, le tribunal administratif de Melun rejetait ses conclusions tendant à la restitution de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement qu'elle a versée à la commune de Presles-en-Brie ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE SINKA et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Presles-en-Brie,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par arrêté du 24 octobre 1991, le maire de Presles-en-Brie a délivré à la SOCIETE SINKA une autorisation de lotir en vue de la réalisation d'un golf et d'un ensemble hôtelier et résidentiel ; que cet arrêté prévoyait à son article 3 que les travaux devaient être commencés dans un délai de dix ;huit mois, soit avant le 24 avril 1993, et achevés dans un délai de trois ans, soit au plus tard le 24 octobre 1994 ; que l'article 5 de cet arrêté a mis à la charge du lotisseur le versement d'une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement d'un montant équivalent à 1 159 016,52 euros et l'article 6, une participation forfaitaire pour le financement d'une station d'épuration intercommunale d'un montant équivalent à 243 514,44 euros ; que la SOCIETE SINKA a procédé au règlement de ces sommes par des versements effectués entre le 23 juin 1992 et le 17 mars 1994 ; que, toutefois, les travaux prévus dans le programme du lotissement n'ont pas été entrepris par la SOCIETE SINKA ; que celle-ci a demandé à la commune, par lettre du 16 décembre 1996, la restitution des participations mises à sa charge ; que cette demande a été implicitement rejetée par la commune ; que, par un arrêt en date du 20 décembre 2002 contre lequel la SOCIETE Sinka se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement rendu le 11 juin 1998 par le tribunal administratif de Melun en tant qu'il avait rejeté les conclusions de la société requérante relatives au remboursement de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement et évoqué l'affaire sur ce point, a rejeté cette demande ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-12 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision autorisant le lotissement : (…) Peuvent être mis à la charge du lotisseur, (...) par l'autorisation de lotir (...) :/ d) Une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement (…) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la somme qui peut ainsi être mise à la charge du lotisseur doit être regardée, non comme une imposition, mais comme une participation que la loi, dans les limites qu'elle définit, autorise la commune, ou le cas échéant, l'établissement public regroupant plusieurs communes légalement bénéficiaires de la taxe locale d'équipement, à percevoir sur le bénéficiaire de l'autorisation de lotir à raison des équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par le lotissement autorisé et dont le montant doit être fixé en fonction de l'importance des constructions à réaliser telles qu'elles sont déterminées par le projet ayant fait l'objet de l'autorisation de lotir ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que pour soutenir que la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement à laquelle elle a été assujettie était sans cause, la société requérante se prévalait de ce que les salles de classe qui auraient été financées par cette participation n'étaient pas rendues nécessaires par l'opération autorisée ; que, contrairement à ce qu'a jugé la cour, un tel moyen n'était pas inopérant ; que, dès lors, l'arrêt attaqué qui est ainsi entaché d'une erreur de droit, doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SOCIETE SINKA tendant à la restitution de cette participation ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les exceptions de prescription opposées par la commune de Presles-en-Brie :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation de lotir, sur la base que laquelle a été fixée la participation mise à la charge de la SOCIETE SINKA, qui n'a pas le caractère d'un acte réglementaire, est devenue définitive ; que, par suite, la SOCIETE SINKA n'est pas recevable à exciper de son illégalité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle l'autorisation de lotir a été délivrée par la commune de Presles-en-Brie, l'importance du lotissement projeté rendait nécessaire la construction de salles de classe supplémentaires au sein du groupe scolaire Maurice X... ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces équipements n'étaient pas utiles et nécessaires à la commune du fait de ce lotissement doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que cette participation n'ayant pas la nature d'une imposition, la SOCIETE SINKA ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne peut pas davantage invoquer utilement l'instruction du 12 juin 1970 relative non à la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement mais à la taxe locale d'équipement, sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 332-12 du code de l'urbanisme que la participation qu'il prévoit, est représentative de la taxe locale d'équipement et de diverses contributions qui pourraient être exigées lors de la réalisation de constructions dans le lotissement ; qu'elle peut être légalement exigée, dès lors que de telles constructions sont légalement possibles ; que le titulaire de l'autorisation de lotir peut toutefois en obtenir la restitution s'il justifie qu'il n'a pas été en mesure de donner suite à l'autorisation avant la date à laquelle celle-ci est devenue caduque ; qu'en ce cas, il y a lieu de tenir compte des dépenses résultant pour la collectivité des décisions qu'elle a déjà prises au titre des équipements rendus nécessaires par le lotissement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de la dégradation du marché foncier, la SOCIETE SINKA n'avait procédé à aucun commencement de travaux à la date du 24 avril 1993, à laquelle l'autorisation de lotir est devenue caduque en vertu des dispositions de l'article R. 315-30 du code de l'urbanisme ; qu'à cette date, la commune avait cependant commencé à réaliser la construction des salles de classes rendues nécessaires par le lotissement projeté, dans le cadre d'un marché passé le 21 décembre 1992 qui prévoyait la réalisation d'une tranche unique de travaux ; que la durée des travaux a été de quinze mois, l'inauguration des nouveaux locaux ayant eu lieu en juin 1994 ; que compte tenu des engagements ainsi pris par la commune, la SOCIETE SINKA n'est pas fondée à demander une restitution, même partielle, de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement à laquelle elle a été assujettie à raison des équipements publics dont la réalisation était rendue nécessaire par le lotissement autorisé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SINKA n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander la restitution des sommes qu'elle a versées au titre de cette participation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Presles-en-Brie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE SINKA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE SINKA une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Presles-en-Brie et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 20 décembre 2002 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SOCIETE SINKA tendant à la restitution de la somme équivalent à 1 159 016,52 euros qu'elle a versée au titre de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SOCIETE SINKA devant le tribunal administratif de Melun tendant à la restitution de cette somme sont rejetées.

Article 3 : La SOCIETE SINKA versera une somme de 3 000 euros à la commune de Presles-en-Brie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SINKA, à la commune de Presles-en-Brie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 255037
Date de la décision : 10/08/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILÉES - TAXE LOCALE D'ÉQUIPEMENT - PARTICIPATION FORFAITAIRE REPRÉSENTATIVE DE LA TAXE LOCALE D'ÉQUIPEMENT (D - DE L'ART - L - 332-12 DU CODE DE L'URBANISME) - RESTITUTION - A) CONDITION - TITULAIRE N'AYANT PAS ÉTÉ EN MESURE DE DONNER SUITE À L'AUTORISATION AVANT CADUCITÉ - B) MODALITÉS DE CALCUL - PRISE EN COMPTE DES DÉPENSES RÉSULTANT DE DÉCISIONS DÉJÀ PRISES PAR LA COLLECTIVITÉ.

19-03-05-02 a) Le titulaire d'une autorisation de lotir peut, lorsqu'il a acquitté la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement visée au d) de l'article L. 332-12 du code de l'urbanisme, en obtenir la restitution s'il justifie qu'il n'a pas été en mesure de donner suite à l'autorisation avant la date à laquelle celle-ci est devenue caduque.... ...b) Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des dépenses résultant pour la collectivité des décisions qu'elle a déjà prises au titre des équipements rendus nécessaires par le lotissement.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - CONTRIBUTIONS DES CONSTRUCTEURS AUX DÉPENSES D'ÉQUIPEMENT PUBLIC - TAXE LOCALE D'ÉQUIPEMENT ET PARTICIPATION FORFAITAIRE REPRÉSENTATIVE - PARTICIPATION FORFAITAIRE REPRÉSENTATIVE (D - DE L'ART - L - 332-12 DU CODE DE L'URBANISME) - RESTITUTION - A) CONDITION - TITULAIRE N'AYANT PAS ÉTÉ EN MESURE DE DONNER SUITE À L'AUTORISATION AVANT CADUCITÉ - B) MODALITÉS DE CALCUL - PRISE EN COMPTE DES DÉPENSES RÉSULTANT DE DÉCISIONS DÉJÀ PRISES PAR LA COLLECTIVITÉ.

68-024-03 a) Le titulaire d'une autorisation de lotir peut, lorsqu'il a acquitté la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement visée au d) de l'article L. 332-12 du code de l'urbanisme, en obtenir la restitution s'il justifie qu'il n'a pas été en mesure de donner suite à l'autorisation avant la date à laquelle celle-ci est devenue caduque.... ...b) Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des dépenses résultant pour la collectivité des décisions qu'elle a déjà prises au titre des équipements rendus nécessaires par le lotissement.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 aoû. 2005, n° 255037
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:255037.20050810
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