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10/08/2005 | FRANCE | N°272841

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 10 août 2005, 272841


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 octobre 2004 et le 8 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Mutala Y... épouse X..., demeurant chez ... ; Mme Y... épouse Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2004 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa reconduite à la frontière et

de la décision distincte du même jour fixant la République démocratique du Con...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 4 octobre 2004 et le 8 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Mutala Y... épouse X..., demeurant chez ... ; Mme Y... épouse Y demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2004 par lequel le préfet de la Sarthe a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : Le dispositif du jugement, assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1, est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception. S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ; qu'aux termes de l'article R.776-19 du même code : Le préfet signataire de l'arrêté attaqué et l'étranger peuvent interjeter appel du jugement devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué par lui ; qu'aux termes de l'article R. 776-20 : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été présenté à une mauvaise adresse ; que, consécutivement à la demande de l'intéressée en date du 30 août 2004, le tribunal administratif de Nantes a notifié par voie postale le jugement attaqué à la bonne adresse sans toutefois accompagner cette notification d'un avis de réception ; que, par suite, le délai de recours fixé par les dispositions de l'article R. 776-20 du code de justice administrative n'étant, en tout état de cause, pas opposable à Mme Y... épouse Y, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Sarthe et tirée de la tardiveté de la requête de l'intéressée doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas et qu'aux termes de l'article R. 776.10 du code de justice administrative : Les parties doivent être averties par tous moyens de la date, de l'heure et du lieu de l'audience. ; qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui a formé un recours contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation à la séance du 14 juin 2004 au cours de laquelle le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a statué sur la demande présentée par Mme Y... épouse Y tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 2 juin 2004, n'a pas été présentée à la bonne adresse ; que dès lors, l'avis d'audience ne peut être regardé comme ayant été régulièrement notifié ; qu'ainsi, l'intéressée est fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière et doit en conséquence être annulé ; que, par suite, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Y... épouse Y devant le tribunal administratif de Nantes ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant que Mme Y... épouse Y, de nationalité congolaise, s'est maintenue en France plus d'un mois après que lui ait été notifiée la décision de refus de titre de séjour prise à son encontre par le préfet de la Sarthe, le 1er septembre 2003 confirmée, sur recours gracieux de l'intéressée, le 16 septembre 2003 et le 23 janvier 2004 ; que Mme Y... épouse Y se trouvait ainsi dans le cas où, en application de la disposition précitée, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que l'arrêté attaqué énonce de façon précise les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressée des dispositions du 3° de l'article 22-I de l'ordonnance précitée ; que dès lors, et alors même que cet arrêté ne mentionne pas explicitement qu'il est pris sur le fondement desdites dispositions, il est suffisamment motivé ;

Considérant que si Mme Y... épouse Y soutient qu'elle réside sur le territoire national depuis mars 2000 et qu'elle y vit depuis décembre 2001 avec son époux, que le couple a donné naissance en France à deux enfants, que ses quatre frères et sa soeur résident régulièrement sur le territoire national, que son beau-frère et sa belle-soeur vivent en France et qu'elle est bien intégrée à la société française, il résulte toutefois des pièces du dossier que Mme Y... épouse Y et son époux font tous deux l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de Mme Y... épouse Y en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de la Sarthe n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si Mme Y... épouse Y, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 4 avril 2001, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 19 octobre 2001, soutient qu'elle craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, les éléments qu'elle présente à l'appui de ses allégations ne sont pas suffisamment probants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... épouse Y n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 2 juin 2004 par lequel le préfet de la Sarthe a ordonné sa reconduite à la frontière ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2004 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Y... épouse Y devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Mutala Y... épouse Y, au préfet de la Sarthe et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 aoû. 2005, n° 272841
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Musitelli
Rapporteur public ?: M. Boulouis

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 10/08/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 272841
Numéro NOR : CETATEXT000008159655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-08-10;272841 ?
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