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28/09/2005 | FRANCE | N°264074

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 28 septembre 2005, 264074


Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 18 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed YX ;

2°) de rejeter la demande de M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la conventio

n européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'acco...

Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 18 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed YX ;

2°) de rejeter la demande de M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Danièle Burguburu, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il est constant que M. Mohamed YX, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 mai 2002, de la décision du PREFET DE L'HERAULT du 27 mars 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait donc dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que Mme Annick ZY, adjointe au chef du bureau des étrangers relevant des régimes spéciaux de la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière du ministère de l'intérieur, qui a signé la décision refusant l'asile territorial, avait reçu, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pascal Y, chef de service de la sous-direction susmentionnée, une délégation de signature du ministre de l'intérieur par arrêté du 9 octobre 2001, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 9 novembre 2001 ; qu'ainsi le PREFET DE L'HERAULT, qui produit pour la première fois en appel ces documents, est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision de reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce que la décision de refus d'asile territorial aurait été prise par une autorité incompétente ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel des conclusions que M. YX avait présentées à l'encontre de la seule décision annulée par le tribunal administratif, d'examiner les autres moyens exposés à l'appui de ces conclusions ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande d'asile territorial :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, en vigueur à la date de la décision attaquée : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur se prononce sur une demande d'asile territorial n'a pas à être motivée ;

Considérant que si M. YX soutient qu'il a été personnellement menacé dans son pays d'origine par des groupements armés et qu'il court des risques personnels en cas de retour en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant le bénéfice de l'asile territorial à l'intéressé le ministre de l'intérieur ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de refus d'asile territorial serait illégale doit être écarté ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du PREFET DE L'HERAULT refusant à M. YX la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que la décision de refus de titre de séjour qui énonce des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ; que le PREFET DE L'HERAULT, qui a notamment examiné la situation de M. YX au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a bien procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que si M. YX, qui est entré en France en février 2001, fait valoir qu'il est hébergé chez sa soeur et son beau-frère, qu'il bénéficie de ressources issues d'une activité régulière et qu'il entretient depuis huit mois une relation stable avec une ressortissante française, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. YX en France, qui est célibataire, sans charge de famille et qui n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision de refus de titre de séjour du 27 mars 2002 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cette décision n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ce refus sur la vie personnelle de l'intéressé ;

Considérant, enfin, que si M. YX entend invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est en tout état de cause inopérant à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;

Sur le moyen relatif à l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, pour les raisons déjà indiquées et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. YX au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, il ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ; que cet arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'HERAULT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 18 décembre 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. YX ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. YX, la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier du 22 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. YX devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Mohamed YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 sep. 2005, n° 264074
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 28/09/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 264074
Numéro NOR : CETATEXT000008232126 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-09-28;264074 ?
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