La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2005 | FRANCE | N°277300

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 12 octobre 2005, 277300


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE, dont le siège est ... (92282) ; la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'ordonnance du 21 janvier 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 octobre 2004 du préfet du Jura la mettant en demeure de satisfaire aux prescriptions des articles I et II de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 septembre 2003 et

à cet effet de procéder pour le 31 décembre 2004 aux remblaiements des terrain...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE, dont le siège est ... (92282) ; la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'ordonnance du 21 janvier 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 18 octobre 2004 du préfet du Jura la mettant en demeure de satisfaire aux prescriptions des articles I et II de l'arrêté préfectoral complémentaire du 22 septembre 2003 et à cet effet de procéder pour le 31 décembre 2004 aux remblaiements des terrains situés dans l'emprise directe de la maison dite « Grange Bellevue » et de fournir pour le 1er janvier 2005 un mémoire de contrôle des travaux de comblement accompagné de tous documents attestant de leur réalisation ;

2° statuant au titre de la procédure de référé engagée, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 18 octobre 2004 du préfet du Jura ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 septembre 2005, présentée pour la SOCIETE PLACOPLATRE ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que, par un arrêté en date du 22 septembre 2003, le préfet du Jura a prescrit à la SOCIETE PLACOPLATRE de procéder, dans un délai de six mois, aux remblaiements des terrains situés dans l'emprise directe de la maison dite « Grange Bellevue » en « assurant un taux de remplissage au moins égal à 75 % des vides souterrains situés dans un rayon compris jusqu'à 20 mètres en distance horizontale de ladite maison » ; que, par un nouvel arrêté en date du 18 octobre 2004, le préfet du Jura a mis en demeure la société Placoplâtre de satisfaire aux prescriptions de l'arrêté du 22 septembre 2003 et à cet effet de procéder au remblaiement pour le 31 décembre 2004 ; que la SOCIETE PLACOPLATRE se pourvoit contre l'ordonnance du 21 janvier 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de suspension de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10, 18 et 42-1 du décret du 21 septembre 1977 que, lorsque le préfet envisage de prendre un arrêté imposant des prescriptions complémentaires à l'exploitant d'une carrière, celui-ci a la faculté de se faire entendre par la commission départementale des carrières ou de désigner à cet effet un mandataire ; qu'il doit, à cette fin, être informé par le préfet au moins huit jours à l'avance de la date et du lieu de la réunion de la commission et recevoir simultanément un exemplaire des propositions de l'inspection des installations classées ; que ces dispositions ont pour objet non seulement d'informer l'intéressé de la date de la réunion de la commission, mais aussi de lui laisser un délai suffisant pour préparer utilement ses observations ; que, dès lors, excepté dans le cas où l'administration peut justifier de l'urgence qui s'attachait à la réunion de la commission, leur méconnaissance est de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation à la réunion de la commission départementale des carrières qui s'est tenue le 22 juillet 2003 n'a été adressée à la SOCIETE PLACOPLATRE que le 15 juillet et n'a été reçue par celle-ci que le 17 juillet ; que, par suite, la SOCIETE PLACOPLATRE est fondée à soutenir que le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit en jugeant que n'était pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du préfet du Jura du 18 octobre 2004 le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité dont est entaché l'arrêté du 22 septembre 2003 pour méconnaissance des dispositions du décret du 21 septembre 1977 ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE PLACOPLATRE ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de l'invocation, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 22 septembre 2003 est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 18 octobre 2004 ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'instruction que les travaux imposés à la SOCIETE PLACOPLATRE par l'arrêté contesté s'élèvent à près de 400 000 euros et que le délai imparti à celle-ci pour les exécuter, sous peine de s'exposer à des sanctions pénales, est particulièrement bref ; que, dans ces circonstances, cet arrêté préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts de cette société ; qu'il s'est écoulé plus de cinq ans entre la remise d'un rapport relatif au risque présenté par la carrière et l'intervention de l'arrêté du 22 septembre 2003 ; que les propriétaires de la maison dite « Grange Bellevue », qui n'y résident pas habituellement, sont informés de l'existence de ce risque ; que, dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, la condition d'urgence prescrite par l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PLACOPLATRE est fondée à demander la suspension de l'arrêté du préfet du Jura en date du 18 octobre 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SOCIETE PLACOPLATRE de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon en date du 21 janvier 2005 est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du préfet du Jura en date du 18 octobre 2004 est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE PLACOPLATRE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIÉTÉ PLACOPLATRE, au ministre de l'écologie et du développement durable et au préfet du Jura.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-035-02-05 PROCÉDURE. - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART. L. 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). - VOIES DE RECOURS. - CASSATION - PORTÉE NORMATIVE DE LA JURISPRUDENCE [RJ1] - REVIREMENT DE JURISPRUDENCE POSTÉRIEUR À L'ORDONNANCE ATTAQUÉE - CENSURE POUR ERREUR DE DROIT D'UNE ORDONNANCE APPRÉCIANT CORRECTEMENT LE DOUTE CRÉÉ PAR UN MOYEN À L'AUNE DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR DE LA JURISPRUDENCE.

54-035-02-05 Le juge de cassation saisi d'une ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA statue en l'état de la jurisprudence à la date à laquelle il se prononce. La portée rétroactive des revirements de jurisprudence doit donc le conduire à censurer pour erreur de droit un juge des référés qui avait pourtant correctement apprécié le doute créé par la valeur d'un moyen en l'état de la jurisprudence applicable à la date de son ordonnance, antérieure au revirement de jurisprudence.


Références :

[RJ1]

Rappr. 14 juin 2004, SCI Saint-Lazare, T. p. 563.


Publications
Proposition de citation: CE, 12 oct. 2005, n° 277300
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Aguila
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 12/10/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 277300
Numéro NOR : CETATEXT000008237378 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-10-12;277300 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award