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14/10/2005 | FRANCE | N°262219

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 14 octobre 2005, 262219


Vu le recours, enregistré le 28 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la S.A. Laboratoires Fournier, dont le siège est ..., la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la S.A. Laboratoires Debat avait été assujettie au titre de l'année 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;



Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publiq...

Vu le recours, enregistré le 28 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la S.A. Laboratoires Fournier, dont le siège est ..., la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la S.A. Laboratoires Debat avait été assujettie au titre de l'année 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Célia Verot, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, avocat de la S.A. Laboratoires Fournier,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt contre lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit, la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la S.A. Laboratoires Fournier, venant aux droits de la S.A. Laboratoires Debat, la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel cette dernière avait été assujettie au titre de l'année 1991 ; que ce supplément d'imposition résultait de la réintégration au bénéfice imposable de l'exercice clos au cours de ladite année, d'une somme de 5 964 500 F que la S.A. Laboratoires Debat avait rattachée à ses charges d'exploitation, et qui correspondait au montant d'une indemnité qu'en exécution d'une transaction conclue le 28 août 1991, et pour les dédommager d'un non-paiement de redevances depuis le 5 septembre 1987, elle avait versée aux co-titulaires de droits sur des produits ou brevets portant sur des produits pharmaceutiques qu'elle avait, elle-même, acquis le droit d'exploiter en vertu de contrats passés avec l'auteur des intéressés, puis avec ceux-ci, au cours des années 1965 à 1969 ; que la cour administrative d'appel a, confirmant l'analyse qu'avait faite l'administration, regardé cette indemnité comme représentative de redevances grâce au paiement desquelles la S.A. Laboratoires Debat avait, au cours des années 1965 à 1969, acquis des droits constitutifs d'un élément incorporel d'actif immobilisé, et comme ne revêtant pas, dès lors, le caractère d'une charge d'exploitation déductible ; que, pour accorder, néanmoins, à la S.A. Laboratoires Fournier la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés litigieux, établi au titre de l'année 1991, la cour s'est fondée sur ce que l'administration, si elle était en droit de remettre en cause la déduction qu'avait indûment pratiquée la S.A. Laboratoires Debat, ne pouvait, toutefois rattacher à l'exercice clos en 1991 le supplément d'actif net correspondant à la valeur de droits d'exploitation acquis antérieurement à cet exercice ;

Considérant que l'acquisition de droits constitutifs d'un élément incorporel d'actif immobilisé moyennant l'engagement de verser au cédant ou concédant de ces droits, pendant la durée de leur exploitation, une redevance d'un montant et d'une périodicité déterminée, doit simultanément donner lieu de la part de l'acquéreur, à l'inscription de cet élément à l'actif de son bilan pour le coût estimé de son acquisition, égal au montant cumulé des redevances dont le versement futur est prévisible, et à l'inscription, au passif du même bilan, de la dette à termes échelonnés, de même montant, contractée du fait de l'engagement de verser lesdites redevances ; que le paiement de chacune de celles-ci a pour contrepartie le supplément d'actif net qui résulte de la diminution, à concurrence de son montant, de la dette, entre l'ouverture et la clôture de l'exercice au cours duquel a lieu ce paiement, et ne saurait donc être imputé sur le résultat de cet exercice ainsi qu'une charge d'exploitation ;

Considérant qu'en l'espèce, l'indemnité versée en 1991 par les Laboratoires Fournier correspondait à des redevances dues à raison de droits d'exploitation acquis au cours des années 1965-1969 ; que cette acquisition moyennant redevances aurait dû donner lieu à l'inscription au bilan de la société concernée, dès 1965-1969, d'une part des actifs en cause, et d'autre part, en contrepartie, d'une dette d'un égal montant ; que la circonstance que ces écritures n'aient pas été passées par la société en 1965-1969 est sans incidence sur le fait que le paiement des redevances au cours de chacun des exercices ultérieurs avait comptablement pour contrepartie non pas, comme l'a jugé de manière erronée la cour, l'acquisition en 1965-1969 d'un élément d'actif, mais la réduction, lors de l'exercice en cause, du montant de la dette ainsi contractée ; que par conséquent, la réintégration du montant de l'indemnité versée en 1991, à tort inclus par le contribuable dans ses charges d'exploitation, devait bien être opérée au titre de l'exercice 1991 ; qu'en jugeant que tel n'était pas le cas, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre est, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Laboratoires Debat a signé avec M. X... de Laszlo, les 4 et 6 octobre 1965, deux contrats, le premier conférant à M. de Laszlo la qualité de conseiller technique de la société, le second fixant les modalités de calcul des redevances que lui verserait celle-ci en cas de mise en exploitation de produits issus d'une substance ou d'un dispositif proposé par lui ; que, si l'article troisième du second contrat assignait à celui-ci une durée indéterminée, il stipulait, toutefois, que les effets s'en poursuivraient, le cas échéant, alors même qu'auraient pris fin, par résiliation ou décès, ceux du contrat de conseiller technique, en ce qui concerne les produits en cours d'expérimentation ou d'exploitation par les Laboratoires Debat à la date de cet événement, leur exclusivité restant acquise à ce dernier moyennant le paiement des redevances prévues, soit à M. de Laszlo, soit à ses ayants-droit ; que le contrat passé le 4 décembre 1969 entre la S.A. Laboratoires Debat et les héritiers de M. de Laszlo a précisé les conditions de leur copropriété des demandes de brevet déposées dans plusieurs pays et portant sur les produits visés par le contrat du 6 octobre 1965, et qu'aux termes de l'article 1, seul Debat aura le droit et la possibilité d'exploiter directement ou indirectement ; que les droits d'exploitation ainsi contractuellement assurés, moyennant paiement de redevances, à la S.A. Laboratoires Debat, et que ses droits propres sur les brevets obtenus ont consolidés, ont, dès leur acquisition, été de nature à constituer une source régulière de profits pendant une longue période, sans qu'aucune clause ne s'oppose à leur éventuelle cession ; que, par suite, la S.A. Laboratoires Fournier n'est pas fondée à soutenir que ces droits n'ont pas constitué un élément incorporel d'actif immobilisé acquis moyennant l'engagement de verser des redevances ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si le versement de redevances consécutives à l'acquisition de droits constituant un élément incorporel d'actif immobilisé, et qui, ne revêtant pas le caractère de charges d'exploitation, ne sont pas déductibles du résultat de l'exercice au cours duquel elles sont acquittées aussi longtemps qu'elles ont pour contrepartie la diminution de la dette inscrite au passif du bilan de l'entreprise, peut, toutefois, lorsqu'il se poursuit après que cette dette a été soldée, donner lieu à la constatation d'une perte exceptionnelle, imputable sur le résultat dudit exercice, la S.A. Laboratoires Fournier ne saurait, en l'espèce, utilement invoquer cette règle comptable, dès lors qu'il est constant que la S.A. Laboratoires Debat s'était abstenue d'inscrire à son bilan, tant les droits qu'elle acquérait, pour leur valeur estimée, que la dette de redevances, d'un égal montant, qu'en contrepartie, il lui paraissait avoir contractée ;

Considérant, en troisième lieu, que la S.A. Laboratoires Fournier ne se prévaut pas utilement, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'énonciation figurant sous le 4 C 4511 de la documentation administrative publiée le 15 février 1986, que les redevances versées pour la simple concession d'une licence d'exploitation d'un brevet, d'une formule... sont admises en déduction du bénéfice imposable, le même document comportant aussi l'indication qu'en revanche, ne sont pas déductibles les redevances qui représentent le prix d'acquisition d'un élément de l'actif ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré par la S.A. Laboratoires Fournier de ce que les droits à raison desquels la S.A. Laboratoires Debat a versé aux consorts de Laszlo l'indemnité représentative de redevances litigieuses au cours de l'exercice clos en 1991 avaient été acquis par elle antérieurement à cet exercice, est inopérant au regard du bien-fondé de l'établissement au titre de l'année 1991 de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés devant résulter de la réintégration, à bon droit opérée par l'administration, au résultat dudit exercice, du montant de ce versement indûment porté par la société au nombre de ses charges déductibles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. Laboratoires Fournier n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif a rejeté la demande en décharge de la S.A. Laboratoires Debat ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la S.A. Laboratoires Fournier demande en remboursement des frais par elle exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 octobre 2003 est annulé.

Article 2 : La requête présentée devant la cour administrative d'appel de Paris par la S.A. Laboratoires Fournier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la S.A. Laboratoires Fournier tendant, devant le Conseil d'Etat, à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A. Laboratoires Fournier.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 14 oct. 2005, n° 262219
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Daniel Fabre
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 14/10/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 262219
Numéro NOR : CETATEXT000008216873 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-10-14;262219 ?
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