Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SARTHE ; le PREFET DE LA SARTHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 4 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Seracettin X et la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, applicable à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 22 juin 2000, de la décision du 20 juin 2000 par laquelle le PREFET DE LA SARTHE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que l'arrêté par lequel le PREFET DE LA SARTHE a décidé la reconduite à la frontière de M. X mentionne l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sans indiquer expressément sur lequel des sept cas envisagés par le I de cet article ladite décision est fondée ; que, toutefois, la mention du maintien sur le territoire français de M. X après le refus de délivrance d'un titre de séjour et un premier arrêté de reconduite à la frontière en date du 5 octobre 2000 font ressortir que le PREFET DE LA SARTHE a entendu fonder son arrêté sur le 3° du I dudit article 22 ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté portant reconduite à la frontière est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SARTHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé, pour ce motif, son arrêté du 4 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination ;
Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X contre les décisions contestées ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X résidait de manière continue depuis au moins dix ans en France à la date de l'arrêté contesté ; que, notamment, la seule production, pour les années 1997 à 1999, de deux certificats médicaux et deux factures ne permet pas d'établir une telle résidence ; que M. X ne peut, par conséquent, soutenir avoir droit à un titre de séjour en application du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, et que l'arrêté contesté serait illégal pour ce motif ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant la Turquie comme pays de destination :
Considérant que si M. X invoque un risque pour sa sécurité en cas de retour en Turquie en raison de son engagement pour la cause kurde et d'un mandat d'arrêt émis à son encontre, il n'établit pas être personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants ; qu'il ne peut, par suite, invoquer une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SARTHE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté portant reconduite à la frontière de M. X et la mesure distincte fixant la Turquie comme pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 7 mai 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SARTHE, à M. Seracettin X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.