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02/11/2005 | FRANCE | N°263059

France | France, Conseil d'État, 10eme et 9eme sous-sections reunies, 02 novembre 2005, 263059


Vu 1°) sous le n° 263059, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 décembre 2003 et 26 avril 2004, présentés pour Mme Dominique X, domiciliée ... ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 23 septembre 2003, ensemble la décision confirmative du 24 octobre 2003, du secrétaire général du Conseil économique et social, avec toutes conséquences de droit ;

2°) de condamner le Conseil économique et social à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 272072, la requ...

Vu 1°) sous le n° 263059, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 décembre 2003 et 26 avril 2004, présentés pour Mme Dominique X, domiciliée ... ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision en date du 23 septembre 2003, ensemble la décision confirmative du 24 octobre 2003, du secrétaire général du Conseil économique et social, avec toutes conséquences de droit ;

2°) de condamner le Conseil économique et social à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 272072, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 septembre 2004, présentée pour Mme Dominique X, domiciliée ... ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) de condamner le Conseil économique et social à lui payer la somme de 534 200 euros en réparation des préjudices nés de l'impossibilité pour elle d'exercer son mandat de membre du Conseil économique et social ;

2°) de condamner le Conseil économique et social à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 octobre 2005, présentée pour le Conseil économique et social ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 octobre 2005, présentée pour Mme Dominique MARCILHACY ;

Vu la Constitution, notamment son titre XI ;

Vu l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au conseil économique et social, ensemble le décret n° 84-558 du 4 juillet 1984 pris pour son application ;

Vu l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu le décret n° 59-602 du 5 mai 1959 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de Mme X et de la SCP Monod, Colin, avocat du conseil économique et social,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes présentées par Mme X présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 263059 :

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, Mme X doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision en date du 19 janvier 2004 du secrétaire général du Conseil économique et social, qui s'est substituée à ses précédentes décisions des 23 septembre et 24 octobre 2003, fixant les modalités de calcul des rémunérations et indemnités qui lui sont duesX, en raison de l'illégalité de la décision du 4 octobre 2001 ayant eu pour effet de mettre un terme à son mandat de membre du Conseil économique et social ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;

Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir de l'éviction de Mme X du Conseil économique et social, prononcée par une décision du Conseil d'Etat statuant au Contentieux du 4 juillet 2003, n'ouvre pas à l'intéressée droit au versement de sa rémunération intégrale en qualité de membre de cette institution pour la période d'éviction, mais au bénéfice d'une indemnité en réparation du préjudice subi ; que pour évaluer ce dernier, il importe de tenir compte des revenus de remplacement que la requérante a pu percevoir pendant ladite période ; que l'administration a pu dès lors, sans commettre d'erreur de droit, refuser à Mme X le versement de l'intégralité de la rémunération qu'elle aurait normalement perçue en siégeant au Conseil économique et social jusqu'au terme de son mandat ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 19 janvier 2004 du secrétaire général du Conseil économique et social, laquelle est suffisamment motivée ;

Considérant que l'Etat n'étant pas, dans l'instance n° 263059 la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le paiement de la somme de 3 000 euros réclamée par Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par l'Etat (Conseil économique et social) tendant au remboursement des frais de même nature qu'il a exposés ;

Sur la requête n° 272072 :

En ce qui concerne la réparation du préjudice :

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, Mme X a droit à la réparation du préjudice effectivement causé par l'illégalité de son éviction du Conseil économique et social ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance n° 58 ;1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social : Les membres du Conseil économique et social reçoivent une rémunération dont le montant ne peut être supérieur au tiers de l'indemnité parlementaire et des indemnités calculées par jour de présence. Le montant de cette rémunération et de ces indemnités est fixé par décret ; que le décret n° 59-602 du 5 mai 1959 modifié pris sur le fondement de ces dispositions énonce dans son article 2 que : La rémunération des membres du Conseil économique et social est complétée par des indemnités représentatives de frais qui varient en fonction de la présence des membres aux séances du Conseil ou de ses formations et en fonction de leur participation à ses travaux ; qu'il prévoit également que l'indemnité de fonction à laquelle ont droit les membres du Conseil économique et social est complétée par une indemnité forfaitaire de résidence qui lui est liée ;

Considérant que si l'ordonnance du 29 décembre 1958 n'édicte elle-même aucune incompatibilité entre les fonctions de membre du Conseil économique et social et l'exercice d'autres fonctions, l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature énonce que les fonctions de magistrat sont incompatibles avec la qualité de membre du Conseil économique et social ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, du fait de son éviction illégale du Conseil économique et social, Mme X a été amenée à rechercher une autre activité et qu'elle a accédé aux fonctions de magistrat stagiaire ; que l'exercice de ces fonctions n'aurait pu légalement être cumulé avec le mandat de membre du Conseil économique et social ; que, dans ces conditions, la part du préjudice liée à la privation de rémunération consécutive à son éviction illégale, doit être calculée en retranchant du montant de la rémunération liée à la qualité de membre du Conseil économique et social, le montant du traitement qui lui a été versé en qualité de magistrat stagiaire ;

Considérant, en deuxième lieu, que la rémunération liée à la qualité de membre du Conseil économique et social comprend l'indemnité de fonction et l'indemnité forfaitaire de résidence dues aux membres de ce Conseil ; qu'en revanche, eu égard aux termes du décret du 5 mai 1959, les indemnités représentatives de frais ne peuvent être accordées que s'il y a exercice effectif des fonctions par les intéressés ; que la requérante ne peut par suite prétendre que, pour la fixation de l'indemnité réparant le préjudice qu'elle a subi, de telles indemnités soient prises en compte ;

Considérant, en troisième lieu, et pour les mêmes motifs, que la requérante n'est pas fondée à demander à ce que pour la détermination du préjudice lié à son éviction illégale soit prise en compte l'indemnité d'un montant de 7 200 euros par an dont bénéficient les membres du Conseil économique et social pour la prise en charge de leurs déplacements en France ;

Considérant, en quatrième lieu, que Mme X soutient qu'elle a subi un préjudice lié aux pertes de droits à la pension de retraite accordée aux anciens membres du Conseil économique et social ; que par l'effet de l'annulation de son éviction illégale par la décision du Conseil d'Etat du 4 juillet 2003 précitée, le Conseil économique et social est tenu, comme il l'a d'ailleurs proposé dans son courrier du 19 janvier 2004, de prendre les mesures nécessaires pour rétablir Mme X dans la plénitude de ses droits à pension ;

Considérant, enfin, que l'éviction illégale de son mandat a été la cause pour l'intéressée de troubles dans ses conditions d'existenceX, en particulier en l'amenant à rechercher une nouvelle activité et à supporter des contraintes spécifiques inhérentes à celle-ci ; qu'elle a subi en outre un préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elle a ainsi subi en fixant l'indemnité due à 30 000 euros ;

En ce qui concerne les intérêts :

Considérant que Mme X a droit aux intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité qui lui est due à compter du 14 avril 2004, date de réception de sa réclamation ;

En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :

Considérant que pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'en l'espèce, à la suite de la demande de capitalisation des intérêts présentée le 10 septembre 2004, et eu égard au fait qu'une année au moins s'est écoulée à compter du jour où la demande au principal est parvenue au débiteur, il y a lieu de prescrire que les intérêts échus au 14 avril 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt ;

En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme X dans l'instance n° 272072 et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas dans cette instance la partie perdante, la somme que l'Etat (Conseil économique et social) demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les conclusions présentées par Mme X sous le numéro 263059 sont rejetées.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme X une indemnité comprenant, outre la somme de 30 000 euros, la différence entre d'une part, les indemnités de fonction et de résidence qui lui auraient été dues pour la période allant du 1er octobre 2001 au 3 juillet 2003 et d'autre part, les revenus qu'elle a perçus au cours de la même période en qualité de magistrat.

Article 3 : L'indemnité déterminée comme il est dit à l'article 2 produira intérêt au taux légal à compter du 14 avril 2004. Les intérêts échus à la date du 14 avril 2005 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Mme X est rétablie dans la plénitude de ses droits à pension de membre du Conseil économique et social.

Article 5 : L'Etat versera à Mme X la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par Mme X sous le n° 272072 est rejeté.

Article 7 : Les conclusions du Conseil économique et social tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à Mme Dominique X, au Conseil économique et social et au Premier ministre.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POUVOIRS PUBLICS ET AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - EVICTION ILLÉGALE D'UN MEMBRE DU CONSEIL - RÉPARATION DU PRÉJUDICE RÉSULTANT DE LA PRIVATION DE RÉMUNÉRATION CONSÉCUTIVE À CETTE ÉVICTION - CALCUL DE L'INDEMNITÉ - RÉMUNÉRATION QUI LUI AURAIT ÉTÉ VERSÉE EN QUALITÉ DE MEMBRE DU CES AMPUTÉE DU TRAITEMENT PERÇU AU TITRE DES FONCTIONS DE MAGISTRAT STAGIAIRE EXERCÉES PAR L'INTÉRESSÉ APRÈS SON ÉVICTION - COMPTE TENU DE L'INCOMPATIBILITÉ DE CES FONCTIONS.

52-04 Du fait de son éviction illégale du Conseil économique et social, le requérant a été amené à rechercher une autre activité et a accédé aux fonctions de magistrat stagiaire. En vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'exercice de ces fonctions n'aurait pu légalement être cumulé avec le mandat de membre du Conseil économique et social. Dans ces conditions, la part du préjudice liée à la privation de rémunération consécutive à l'éviction illégale de l'intéressé, doit être calculée en retranchant du montant de la rémunération liée à la qualité de membre du Conseil économique et social, le montant du traitement qui lui a été versé en qualité de magistrat stagiaire.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - ÉVALUATION DU PRÉJUDICE - PRÉJUDICE MATÉRIEL - PERTE DE REVENUS - EVICTION ILLÉGALE D'UN MEMBRE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - INCOMPATIBILITÉ DES FONCTIONS DE MEMBRE DU CES AVEC CELLES DE MAGISTRAT - CONSÉQUENCE - INDEMNITÉ CORRESPONDANT À LA RÉMUNÉRATION QUI LUI AURAIT ÉTÉ VERSÉE EN QUALITÉ DE MEMBRE DU CES AMPUTÉE DU TRAITEMENT PERÇU AU TITRE DES FONCTIONS DE MAGISTRAT STAGIAIRE EXERCÉES PAR L'INTÉRESSÉ APRÈS SON ÉVICTION - COMPTE TENU DE L'INCOMPATIBILITÉ DE CES FONCTIONS.

60-04-03-02-01 Du fait de son éviction illégale du Conseil économique et social, le requérant a été amené à rechercher une autre activité et a accédé aux fonctions de magistrat stagiaire. En vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'exercice de ces fonctions n'aurait pu légalement être cumulé avec le mandat de membre du Conseil économique et social. Dans ces conditions, la part du préjudice liée à la privation de rémunération consécutive à l'éviction illégale de l'intéressé, doit être calculée en retranchant du montant de la rémunération liée à la qualité de membre du Conseil économique et social, le montant du traitement qui lui a été versé en qualité de magistrat stagiaire.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 nov. 2005, n° 263059
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Edouard Geffray
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Formation : 10eme et 9eme sous-sections reunies
Date de la décision : 02/11/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 263059
Numéro NOR : CETATEXT000008176949 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-11-02;263059 ?
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