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16/11/2005 | FRANCE | N°278646

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16 novembre 2005, 278646


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 17 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Coved et de la société Ourry, annulé la procédure de passation du lot n° 2 du marché relatif à la mise à di

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Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 17 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la VILLE DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er mars 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Coved et de la société Ourry, annulé la procédure de passation du lot n° 2 du marché relatif à la mise à disposition d'engins avec chauffeur pour assurer le nettoiement mécanique des voies publiques de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Coved et Oury devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge des sociétés précitées le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Coved,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, (...) / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte (...)./ Le président du tribunal administratif (...) statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par des avis d'appel public à la concurrence publiés au Journal officiel de l'Union européenne le 3 septembre 2004, au Bulletin officiel des annonces des marchés publics le 8 septembre 2004 et dans le Moniteur des travaux publics le 3 septembre 2004, la VILLE DE PARIS a lancé un appel d'offres ouvert pour la passation de deux marchés à bons de commande ayant pour objet la mise à disposition d'engins avec chauffeur pour le nettoiement des chaussées ; que le groupement d'entreprises constitué par les sociétés Coved et Ourry a présenté une offre pour le marché correspondant au lot n° 2 ; que la commission d'appel d'offres a, par une décision du 29 janvier 2005, retenu l'offre de la société Nicollin ; que la société Coved a, en application des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, saisi le président du tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la suspension de la procédure de passation de ce marché et à ce qu'il soit enjoint à la ville de reprendre cette procédure au stade de la publication de l'avis d'appel public à la concurrence ; que, par une première ordonnance du 9 février 2005, le magistrat délégué par le président de ce tribunal a enjoint à la ville de différer la signature du marché, puis a annulé la procédure d'appel d'offres relative à ce marché par une seconde ordonnance du 1er mars 2005 contre laquelle la VILLE DE PARIS se pourvoit en cassation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que pour prendre la mesure énoncée ci-dessus, le juge des référés, après avoir constaté que la VILLE DE PARIS avait, par un avis rectificatif envoyé à la publication le 19 octobre 2004, modifié la date de remise des offres en la reportant du 27 octobre 2004 au 9 novembre 2004, a estimé que la rectification de cette date impliquait que le délai minimum de réception des offres de 52 jours prévu par l'article 57 du code des marchés publics soit respecté entre l'envoi à la publication de cet avis rectificatif et la date limite de réception des offres et, que ce délai n'étant pas respecté, la ville avait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ; qu'en prononçant ainsi l'annulation de la procédure de passation de ce marché sans rechercher si cette rectification constituait une modification substantielle des conditions de la consultation impliquant de recommencer la procédure d'appel d'offres, le juge des référés, qui n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle de légalité, n'a pas suffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que la VILLE DE PARIS est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de justice administrative que la société Coved, qui est candidate à l'obtention du marché litigieux, peut utilement invoquer devant le juge du référé précontractuel un éventuel manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, même s'il n'a pas été commis à son détriment ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 40 du code des marchés publics : (...) tout marché doit être précédé d'une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective, dans les conditions définies ci-après/-.V - Pour les marchés de fournitures et de services d'un montant supérieur à 150 000 euros HT pour l'Etat et 230 000 euros HT pour les collectivités territoriales, (...) la personne publique est tenue de publier un avis d'appel public à la concurrence dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne ; que selon l'article 57-II du même code : Le délai de réception des offres ne peut être inférieur à cinquante-deux jours à compter de la date d'envoi de l'appel public à la concurrence ; que ces dispositions imposent à la personne publique, lorsqu'elle apporte des modifications substantielles à l'objet ou aux conditions initiales du marché, de les porter à la connaissance des entreprises par un avis d'appel public à la concurrence rectificatif et de respecter un nouveau délai de cinquante-deux jours à compter de l'envoi à publication de cet avis rectificatif pour permettre aux entreprises, éventuellement dissuadées de présenter leur candidature par les indications portées sur l'avis initial, de disposer du délai utile pour déposer une offre ; que cette obligation s'impose à elle, même lorsque, constatant que l'avis d'appel public à la concurrence publié comporte une erreur qui ne lui est pas imputable, elle décide de procéder à sa rectification par l'envoi d'un avis rectificatif ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) du 8 septembre 2004 mentionnait que le lot n° 2 portait sur divers arrondissements de la ville au nombre desquels ne se trouvait pas le 19e , et indiquait comme date limite de dépôt des offres le 27 octobre 2004 ; que, par un avis rectificatif publié le 21 septembre 2004, il a été indiqué que ce lot portait également sur le 19e arrondissement ; que, nonobstant la circonstance que cet avis aurait eu pour objet de rectifier une erreur matérielle affectant l'avis initial et que les avis publiés le 3 septembre 2004 au Journal officiel de l'Union européenne et dans le Moniteur des travaux publics comprennent le 19e arrondissement dans le lot n° 2, cette modification substantielle de l'objet initial du marché tel qu'indiqué dans l'avis publié au BOAMP impliquait de reporter la date limite de dépôt des offres pour respecter le délai fixé par les dispositions précitées de l'article 57-II ; que, par suite, la société Coved est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché (lot n° 2) ayant pour objet la mise à disposition d'engins avec chauffeur pour le nettoiement des chaussées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Coved, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, la somme que demande la VILLE DE PARIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la VILLE DE PARIS la somme de 3 000 euros que demande la société Coved au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 1er mars 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La procédure de passation du marché (lot n° 2) ayant pour objet la mise à disposition d'engins avec chauffeur pour le nettoiement des chaussées de la VILLE DE PARIS est annulée.

Article 3 : La VILLE DE PARIS versera à la société Coved une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la VILLE DE PARIS est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE PARIS et à la société Coved.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE - OBLIGATION DE REPRISE À SON COMMENCEMENT DE LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES - CONDITION - RECTIFICATION DE L'AVIS D'APPEL PUBLIC À LA CONCURRENCE PENDANT LE DÉLAI DE REMISE DES OFFRES ENTRAÎNANT UNE MODIFICATION SUBSTANTIELLE DES CONDITIONS DE LA CONSULTATION - INCLUSION - RECTIFICATION PUREMENT MATÉRIELLE MAIS MODIFIANT SUBSTANTIELLEMENT LE CHAMP D'APPLICATION DU MARCHÉ.

39-02-005 La rectification par l'administration des conditions de la consultation pendant le délai de remise des offres n'entraîne l'obligation de reprendre à son commencement la procédure que si cette rectification apporte une modification substantielle. La modification substantielle peut résulter d'une rectification purement matérielle, qui porterait par exemple sur le champ d'application du marché.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - APPEL D'OFFRES - OBLIGATION DE REPRISE À SON COMMENCEMENT DE LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES - CONDITION - RECTIFICATION DE L'AVIS D'APPEL PUBLIC À LA CONCURRENCE PENDANT LE DÉLAI DE REMISE DES OFFRES ENTRAÎNANT UNE MODIFICATION SUBSTANTIELLE DES CONDITIONS DE LA CONSULTATION - INCLUSION - RECTIFICATION PUREMENT MATÉRIELLE MAIS MODIFIANT SUBSTANTIELLEMENT LE CHAMP D'APPLICATION DU MARCHÉ.

39-02-02-03 La rectification par l'administration des conditions de la consultation pendant le délai de remise des offres n'entraîne l'obligation de reprendre à son commencement la procédure que si cette rectification apporte une modification substantielle. La modification substantielle peut résulter d'une rectification purement matérielle, qui porterait par exemple sur le champ d'application du marché.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL (ART - L - 551 DU CJA) - ERREUR DE DROIT - ANNULATION D'UNE PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES SANS RECHERCHER SI LA RECTIFICATION APPORTÉE PAR L'ADMINISTRATION EN COURS DE PROCÉDURE CONSTITUAIT UNE MODIFICATION SUBSTANTIELLE DES CONDITIONS DE LA CONSULTATION.

39-08-03 Commet une erreur de droit le juge des référés précontractuels qui annule la procédure de passation d'un marché public au motif que l'administration a rectifié les conditions de la consultation en cours de procédure, sans rechercher si cette modification apportait des modifications substantielles à l'avis d'appel public à la concurrence initialement publié.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 nov. 2005, n° 278646
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 16/11/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 278646
Numéro NOR : CETATEXT000008223687 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-11-16;278646 ?
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